C'était le premier voyage d'Azurellia en compagnie des Fils du Vent. N'owen l'avait lâchée auprès d'un cuisinier bougon en lui disant d'apprendre la vraie vie, et avait disparu sans plus d'explications. La caravane devait partie de Lavan pour ravitailler et divertir nombre de petits villages disséminés dans la forêt des furry jusqu'à celle des elfes.
Azurellia n'avait jamais eu besoin de gagner sa vie et son droit à manger la nourriture, on avait jusque là considéré son existence comme bénie et chaque adepte du culte que Phobos gouvernait était tenu de lui faire des offrandes de tout ce que la dragonnette pouvait avoir besoin... et de lui faire sentir cela comme un dû.

Depuis, Azurellia avait appris que pour faire du pain, il fallait faire pousser du blé, le récolter, le moudre, mélanger des ingrédients pour former une pâte, la pétrir, la laisser reposer, la pétrir à nouveau, la cuire... du temps, de l'investissement et de l'argent, des matières premières, des infrastructures et des mains étaient nécessaires au contentement de son estomac. Figurez-vous que c'était pareil pour un ragoût ou une pâtisserie, un flutiau ou une robe ou encore un livre. Jamais elle n'avait eu autant l'impression d'avoir vécu une existence de nantie. Elle se sentait tellement ignorante...

Les diverses personnes qui composaient la caravane n'étaient pas particulièrement bien disposés à son égard. Ni mal, en fait. Ils faisaient leur travail, exécutaient leurs tâches inhérentes au voyage et au campement, bavardaient entre eux, mais elle, elle n'avait que ce cuisinier à qui on l'avait assignée...

Alors, au dos de la charrette en marche, Azurellia pelait des racines, les coupait, plus tard, elle préparait le feu et veillait au confort des bêtes de somme quand ils étaient à l'arrêt, et veillait à apporter à son maître queux tout ce qu'il lui réclamait. Le cuisinier n'était pas vraiment dur avec elle, mais elle sentait qu'il la pensait imbécile, il lui parlait comme à une enfant.

Un soir, alors qu'il devait expliquer à un garde affamé qu'il devrait attendre l'heure de la soupe pour contenter son estomac, Azurellia s'esquiva, et s'enfuit dans le crépuscule. Elle n'alla pas loin, une colline la dissimula bientôt aux regards de la caravane. Elle avait envie de respirer, de soulager ses mains meurtries et ses griffes striées de coups de lame maladroits, et tant pis pour les bêtes sauvages, et tant pis pour ce fichu cuistot qui ne la comprenait pas, et tant pis aussi pour cette bande de saltimbanques qui ne pensaient pas à elle.

* Apprendre la vie, pfeuh! On me fait couper des patates... N'owen, si je te revois, tu vas m'entendre! Je n'ai rien à faire ici, rien à apprendre parmi eux! Personne ne me laisse le choix, je vais partir et ce sera bien fait pour eux! Qu'il trouve quelqu'un d'autre pour faire ses corvées, l'affreux, là!* pensait-elle tout à sa colère.

Une fois les fils du vent invisibles, elle s'aventura parmi les arbres, le jour tombait et la visibilité devenait dangereuse. C'était le crépuscule, ce moment entre chien et loup où on pouvait voir et croire toutes sortes de choses... Azurellia croyait qu'elle serait bien mieux seule. Quelques minutes à elle, c'était vraiment trop demander?

Ses quatre poursuivants étaient tellement rustres, et donc tellement sûrs d'eux, qu'une fois hors de vue de la caravane, ils avancèrent avec le moins de discrétion possible, afin qu'elle sache ce qui l'attendait.
Azurellia entendit des craquements secs alors qu'elle était accroupie à remuer de sombres pensées en arrachant des brins d'herbe. Elle écarta légèrement les ailes tandis que ses oreilles se tournaient vers la source du bruit, comme cela arrivait quand elle était surprise.

Un homme. La crasse qui le rendait odorant à plusieurs mètres signifiait qu'il n'était pas de la caravane, son odeur était trop forte pour qu'elle ne s'en souvienne pas. La furry fronça les sourcils.
Elle recula d'un pas lorsqu'elle entendit un rire à sa gauche. Elle voulait garder ces deux hommes dans son champ de vision.

- Que... qu'est-ce que vous voulez? Je... je n'ai rien... lança-t-elle d'une voix peu assurée.

Azurellia glapit en baissant les oreilles lorsqu'elle comprit, aux ricanements derrière elle, qu'elle était encerclée.

- Une femelle! T'avais raison, chef! lança le crasseux.
-Ouaip'. C'est moi qui commence... faites en sorte de l'immobiliser, qu'on en profite tranquilles!

Celui qui était manifestement le chef de ces brigands s'approcha de la dragonnette, une main levée en signe d'apaisement.

- Demoiselle écailleuse, reste sage et tu n'auras pas trop mal. Tu pourrais même apprécier... lui dit-il avec un air goguenard.

Azurellia avait tourné sur elle-même pour embrasser du regard les quatre compères, mais s'était mis face au chef quand il avait parlé. Les deux de derrière en profitèrent pour agripper ses ailes. Elle voulut crier mais seul un couinement terrifié sortit de sa gorge.

- Tes petits amis saltimbanques sont trop loin pour t'aider, ça sert à rien d'appeler à l'aide, d'accord, l'écailleuse? Allez, sois gentille et on y passera vite. Bon, peut-être que je remettrai le couvert après, ça fait trop longtemps...

Azure n'alla pas lui demander ce qu'il comptait faire exactement. Sans le savoir, elle devinait déjà que ce serait terrible pour elle. Elle n'osait pas bouger de peur d'abîmer ses ailes, et déjà, ses yeux devenaient humides tandis qu'elle baissait son museau en signe de soumission.

Les deux compères qui tenaient ses ailes la forcèrent à plier les pattes arrière pour l'amener vers le sol. Chuchotant des suppliques, Azurellia était en train d'obtempérer lorsqu'un tourbillon de poils et de crocs se jeta sur le chef en grondant furieusement. Elle eut aussi peur que les brigands et bondit hors de portée de l'animal.

Ce faisant, elle se libéra ainsi sans difficulté, car elle n'en avait pas conscience, mais sa peur révélait à présent sa force véritable. Ses ailes s'étaient déployées en un claquement sonore et elle était tombée à quatre pattes dans un réflexe sauvage.

Les brigands voulaient se porter au secours de leur chef, mais le fauve, ou quoi que ce soit, ne voulait pas en démordre. Le coup de bâton qu'il reçut sur l'échine ne fit que déchaîner sa fureur, qu'il manifesta en un grondement plus fort.

Azurellia réalisa soudainement que cette bête l'avait sauvée et qu'elle était en train de souffrir des coups de bâton qu'on lui donnait, et ceci lui donna le courage de bondir sur l'homme au bâton en feulant. Ils tombèrent tous les quatre et la furry se remit sur ses pattes d'un bond, claquant des mâchoires, ses ailes ouvertes aux pointes menaçantes, prête à se défendre, elle et cet animal tombé à point nommé.

Mais ses adversaires n'eurent pas le temps de réagir qu'un cheval en percuta un de son poitrail et se dressa sur ses pattes arrière, prêt à l'écraser. Dans le même temps, une silhouette encapuchonnée bondit de la colline, brandissant une épée ondulée en main...

Le démon...

Ces affreux semblaient reconnaître leur adversaire, et à en juger par leur frayeur, Azurellia n'était pas sûre de vouloir faire sa connaissance.
La lumière tombait vite à cette heure qui séparait le jour de la nuit, pourtant la furry remarqua l'épiderme sombre de la silhouette, reflété par sa puissante magie.

Démon? Peut-être pas. Humanoïde. Menaçante, indéniablement. Le capuchon était tombé, et un vent aussi magique qu'impalpable faisait danser ses cheveux roux. Une femelle... quelle que soit sa race, une femelle. Sa robe ne laissait que peu de place au doute.

Elle était loin, mais pourtant, lorsqu'elle répondit, c'était comme si un roulement de tonnerre avait éclaté dans la tête d' Azurellia.

...Probablement.

Ce mot avait achevé de terroriser ses agresseurs. Le fait qu'elle ait tourné son visage vers eux alors qu'elle avait les yeux fermés y était certainement aussi pour quelque chose.
Cependant, les deux animaux ne semblaient pas pris de panique. La furry était fascinée par le cheval, qui portait des marques luisantes, et le loup, qui veillait aux intérêts de celle qui devait être sa maîtresse.

La suite se passa si vite qu' Azurellia n'eut pas le temps d'avoir peur. En un battement de cœur, les quatre bandits étaient agonisants à ses pieds, puis morts, et la dame maléfique avançait vers eux.
La dame sombre pria sur chacune des dépouilles avant de s'intéresser à la furry en lui demandant si elle allait bien.

- Euh, oui, m... commença Azure.

Elle n'eut pas le temps de la remercier que sa sauveuse lui faisait remarquer sèchement son comportement inconscient. Mais rappeler la caravane à son esprit ne la fit pas se sentir coupable. Elle rétorqua, amère :

- Quelle importance? Ils s'en fichent, que je soie là ou pas...

La dragonnette s'apprêtait à s'éloigner en adressant un salut à la dame. * Les remontrances, merci bien, j'ai ma dose en ce moment!*

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Entre chien et loup

La jeune dragonne sembla se frustrer des paroles de la Reine, lui répondant avec une amertume tout juste camouflée, avant de commencer à s'éloigner avec une sorte de fierté mal placée. Nymphéa arqua un sourcil et croisa les bras sur sa poitrine, laissant apparaître l'ombre d'un rictus sans joie sur ses lèvres violacées. D'un claquement de doigt, elle fit apparaître un mur de flux devant l'inconnue.

- Je puis vous assurer qu'une caravane ne se fiche jamais de l'un de ses membres.

En un sens, la réaction de la demoiselle l'amusait un peu. Effarouchée, cela lui rappelait ses premiers jours au sein des Lendas et elle devait bien reconnaître qu'avant qu'ils ne daignent montrer de la considération pour elle, la jeune reine en avait baver. Mais c'était ainsi dans les caravanes. Il fallait avant tout se faire une place avant de gagner le respect d'autrui. Aujourd'hui, Nymphéa n'avait plus ce problème puisqu'elle était considérée comme une protectrice, une sorte de cavalière solitaire et mystique, un genre de légende. Ceci dit, avec une pareille fugue, la jeune furry allait probablement se faire tirer les oreilles. De ce fait, Nymphéa estima qu'elle en entendrait suffisamment en rentrant au camp et abandonna son air moralisateur.

- Bien, à moins que vous ne souhaitiez vous faire de nouveau agresser, il me semble intelligent de vous raccompagner jusqu'au camp, ajouta-t-elle fraîchement.

Bizarrement, elle se doutait que l'inconnue refuserait de remettre les pieds là-bas mais Nymphéa ne pouvait se permettre de la laisser seule dans un milieu aussi peu enclin aux balades nocturnes.

- Oh. Et vous devriez remercier Wood, c'est lui qui a entendu les brigands près de votre caravane, jeune demoiselle.

Elle montra le loup qui s'était assis aux pieds de sa maîtresse, calme et docile mais qui fixait l'inconnu avec un air presque suppliant... Allez, steu plait ! Des caresses ! Allez euuuh !

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[Désolée du temps de réponse, j'étais partie en vacances.]

[on n’excuse plus. On tue !]



Si la magicienne ne semblait plus vouloir la gourmander, elle avait répondu d’un ton qui avait fait regretter ses paroles à Azurellia. Cette dame la sauve, et elle, elle se plaint… ce n’était pas une attitude très recommandée ! Au fond, elle avait bon cœur, puisqu’elle proposait de la raccompagner en sûreté. La dragonnette eut un geste fataliste et haussa les épaules en soupirant :

- Je suppose que c’est ce qu’il y a de mieux à faire…

Azurellia décida également d’abandonner son questionnement sur le physique et la race de la magicienne. Elle avait croisé tellement de gens étonnants sans savoir de quoi il retournait, depuis sa libération…
Elle décida d’emboîter le pas à sa sauveuse lorsque cette dernière lui proposa de remercier le loup. Loup qui avait un nom. Elle en parlait comme s’il était en mesure de les comprendre… ce qui était peut-être le cas. La prudence le disputait à la circonspection, qui elle-même s’effaçait devant l’air suppliant du canidé géant. A ce moment, il tenait plus du chiot que de la bête enragée.

- Oh, c’est vrai, répondit Azurellia en s’accroupissant pour être à la hauteur du loup.

Compte tenu de sa taille, il la dépassait presque. Les oreilles ne comptaient pas ! Oreilles qui étaient à présent bien dressées. Face à lui, ainsi, la dragonnette se sentait un peu bête.

- Euh, eh bien, merci. Wood. Euh… ça va ton dos ? lui demanda-t-elle, sur un ton timide.

Elle se rappelait qu’un ruffian l’avait durement cogné sur l’échine. Il ne semblait pas endolori, mais elle tenait à vérifier…

Azure approcha sa main griffue devant la truffe dudit Wood afin de ne pas l’effrayer (avec une gueule comme ça, il valait mieux s’annoncer pour éviter d’y perdre un bras !) Une fois qu’il l’eut reniflé, Wood lança de lui-même un coup de tête sur la main offerte. Comportement d’animal domestiqué… et demandeur de caresses. Azurellia sourit et le gratouilla de part et d’autre, bien vite avec les deux mains, avant de prolonger sa caresse depuis le haut de sa tête jusqu’à la base de sa queue, soit toute sa colonne se relevant à demi pour cela. Tout semblait en place et Wood ne protesta pas.

- Hum, oui, ça à l’air d’aller… minauda-t-elle en revenant vers ses oreilles. Bon, on y va ?



La dragonnette s’adressait autant à l’animal qu’à sa maîtresse. Sa monture patientait non loin.









[ahah, t’inquiète, il ne me viendrait pas à l’idée de râler à cette période. Moi c’est l’inverse, je bosse à fond pour compenser les collègues partis en vacances !
PS : si j’ai trop présumé des actions du louloup, dis-le !]

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Entre chien et loup

La jeune Reine laissa son loup se faire récompenser grassement et eut un faible sourire. Certes il était faible mais pour cette dame aussi glaciale qu'un vent du Nord, c'était déjà pas mal. Elle connaissait son compagnon de galère par coeur et celui-ci avait l'air de bien aimer la dragonne ce qui fit remonter celle-ci dans son estime. Elle se dirigea vers son cheval et le fit venir près de l'inconnue qu'elle venait de secourir.

- Quel est votre nom, jeune demoiselle ? Demanda-t-elle pour engager un semblant de discussion. Je me prénomme Nymphéa.

Dans un geste ample, elle fit une légère révérence pour saluer plus cordialement cette jeune femme qui, finalement, ne semblait pas si idiote que cela. Peut-être était-elle comme elle lorsqu'elle avait été maudite. Perdue et perturbée par les événements qui lui étaient tous tombés dessus brutalement. De surcroît, il n'était jamais simple d'intégrer une caravane et plus encore quand celle-ci était déjà très importante. Avec un regard plus calme et agréable, elle entreprit de se diriger avec la jeune femme vers la forêt. Le chemin ne serait pas long mais s'il se passait dans le silence, Nymphéa ne le supporterait pas.

- Comment êtes-vous arrivée chez les Lendas ? À vous voir, vous ne les avez pas rejoint depuis longtemps.

Elle essayait de se montrer aimable mais malgré elle, son ton restait assez cordial mais peu chaleureux.

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[Après une longue période... voilà enfin ma réponse. Avec mes plus plates excuses !]

[mais c'est pas graaaaveuh!]

Lorsque la magicienne lui demanda son nom, la furry ne put que s'inquiéter. C'était comme s'il s'agissait de lui voler rien de moins que son identité pour l'enfermer dans un cristal de glace... oui, elle eut peur à cette simple question.
Mais Nymphea, car c'était ainsi qu'elle s'était présentée, attendait sa réponse, tenant les rênes de sa monture et le loup à ses pieds. La dragonnette se dit que malgré la frayeur qu'elle pouvait ressentir à l'idée de converser avec une magicienne si puissante, il ne s'agissait pas non plus de faire preuve d'impolitesse en ne répondant pas.

- Dame Nymphea, Azurellia pour vous servir, répondit-elle, pas très rassurée sur l'étiquette à adopter.

La magicienne avait un port altier et une démarche princière, elle se disait que le titre pouvait lui convenir. Et fort heureusement, elle n'avait pas donné son nom de famille, ce qui dispensait Azure d'expliquer l'absence du sien...

La dragonnette observa plus à son aise la magicienne tandis que celle-ci se détournait en direction de la forêt qui les séparait de la caravane. Elle pouvait bien être humaine, après tout. Un peu plus étrange que les autres, et beaucoup plus puissante, certainement.
Et elle faisait de gros efforts pour ne pas la laisser à ses réflexions. Voilà qu'elle demandait encore, avec cette voix qui vous congelait de l'intérieur, plus d'informations sur sa vie! Azurellia grimaça discrètement. Nymphea avait beau ressembler à une humaine, elle manquait terriblement de... chaleur. Oui, de cette chaleur que toutes les races partagent, dans une taverne animée, une chope d'hydromel à la main...
Malgré le froid et l'inquiétude, la furry lui répondit, à nouveau.

- Hem... c'est... mon premier voyage. Mon... euh... mon mentor... m'a envoyée avec eux comme aide-cuisinière... et... ce n'est pas très... bah, c'est nul en fait. J'ai pas l'impression d'être plus utile que le chien de garde, personne ne fait attention à moi...

Azurellia pouvait être dédouanée de ce sentiment d'abandon. Toute son éducation avait tourné autour du fait qu'elle était unique et talentueuse. Elle apprenait à ses dépends qu'elle était loin du compte...

Bravant la froideur ambiante, la curieuse se risqua quand même à demander :

- Et... et vous? Vous êtes... Lendas?

En effet, même le nom de la magicienne n'avait pu éveiller de souvenir chez la dragonnette. Elle ne savait rien sur cette légende... oh, peut-être avait-elle glané quelques vagues informations sur une ombre vengeresse qui tombait sur quiconque s'en prenait au peuple des voyageurs, mais de là à faire un lien...

[La réponse de Madame est servie (enfin) ! Et d'une seule main en plus ! Donc il se peut qu'il reste des fautes de frappe malgré ma correction, comme j'suis un peu shootée o/ ]

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Entre chien et loup

La jeune Reine écouta avec attention la-dite Azurellia. À l'entendre, elle n'était pas arrivée chez les Lendas de sa propre volonté mais plutôt parce qu'elle n'avait pas franchement le choix puisque son mentor l'avait décidé pour elle. Ce n'était clairement pas la meilleure façon d'entrer dans les caravanes des Lendas car, il fallait bien l'avouer, si l'on n'avait pas un minimum d'envie de leur appartenir, ils n'étaient pas prompts à vous appartenir non plus. Tout se jouait sur l'entraide chez ces voyageurs et si la demoiselle n'avait pas l'envie de les aider... Nymphéa s'arrêta un petit instant après la brève tirade de la jouvencelle et ne put s'empêcher de... rire. Oui, oui, elle se mit à rire. Nymphéa éclata de rire, un rire plutôt cristallin mais franc et tapota gentiment l'épaule de la jeune fille.

- Effectivement, les corvées de patates, ce n'est pas franchement le plus passionnant, dit-elle enfin après s'être arrêtée de rire.

Cela l'avait faite rire car elle aussi avait connu la dure intégration chez les Lendas. On passait tous par la fameuse corvée de patates avant de pouvoir faire autre chose de plus attrayant. Son regard se fit compatissant et elle répondit à la jeune femme avec un air compréhensif.

- Oui, je le fus autrefois. Et moi aussi, j'ai épluché les pommes de terre et croyez-moi, je pense que je devais être une bien piètre cuisinière car bien que motivée, on m'a vite mise à faire autre chose qui m'intéressait bien plus. Vous savez, comme vous, je ne voulais pas entrer chez les Lendas, j'étais même très très loin de leur univers avant. Et puis un événement en entraînant un autre, une caravane m'a sauvée la vie et m'a accueillie malgré... malgré mes différences. Au début, je refusais de les aider, j'étais très mal vue et puis, l'un de leurs m'a poussée à me donner un peu plus pour la caravane, après tout, ils m'avaient sauvé la vie. Sauf que je n'étais pas franchement douée dans la cuisine alors ils m'ont mise à la défense car, comme vous avez pu le constater, je manie la magie et l'épée. Ils m'ont un peu appris leur art du combat puis avec le temps, je me suis habituée à eux et eux se sont habitués à moi.

La jeune Reine marqua une pause pour repenser à toute cette époque puis termina :

- Aujourd'hui, je ne leur appartiens plus mais mon nom est relativement connu pour l'histoire qu'il représente.

Sur ces mots, elle adressa un regard beaucoup moins froid à la jeune Azurellia. Elle avait laissé en suspend cette fameuse histoire car celle-ci n'avait pas besoin d'être dite et puis, peut-être la lui raconterait-on lorsqu'elle se serait mieux intégrée chez les Lendas. Un sourire en coin s'esquissa aux lèvres de la bleutée tandis qu'elle espérait que la demoiselle comprendrait ce qu'elle avait sous-entendu dans sa tirade. Un peu de volonté et les Lendas l'accepteraient bien plus facilement. Il s'agissait vraiment d'un peuple à part, capable d'apprécier toutes sortes d'êtres, monstrueux, maudits, recherchés si ces derniers faisaient les efforts nécessaires pour faire preuve de bonne volonté.

Repenser à tout cela avait un peu adouci la Reine qui semblait finalement plus encline à quelques discussions avec la petite dragonne. Celle-ci était finalement comme elle à son arrivée dans la caravane qui l'avait recueillie. Perdue, seule, et sans nul doute apeurée.

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Azurellia se sentit honteuse face à la magicienne qui avait éclaté de rire. Oui, elle pouvait rire, elle, c'était bien la seule chose sensée à faire...
Mais quelque part, la dragonne comprit qu'elle avait trouvé une oreille compatissante. Impression qui se confirma alors qu'elle écoutait la dame bleue se livrer un peu. L'atmosphère était devenue plus chaleureuse... elle apprit ainsi que sa sauveuse avait, en son temps, eu droit aux mêmes corvées, et à peu de considération. En mettant en relation, dans sa tête, ce que son tuteur lui avait dit avant de la laisser aux mains des Fils du Vent, les remontrances continuelles du cuisinier, les piques de l'intendant et les remarques de tout un chacun, Azurellia comprit qu'elle aussi ne donnait pas beaucoup de sa personne, alors que les Lendas lui enseignaient beaucoup de choses essentielles de la vie.

Très naïvement, elle répondit à Dame Nymphéa :

- Vous avez de la chance que votre nom et votre histoire soient connus. La mienne, il n'y a plus que moi qui la connais... et personne n'aurait vraiment envie d'entendre de quoi elle était faite.

Mais la furry n'eut pas le temps d'en dire plus. Ayant coupé à travers un sentier dans les bois, elles se trouvèrent brusquement sur le campement. Préparé juste au bord de la route, proche de la lisière, le feu qui faisait chauffer le contenu d'un grand chaudron leur apportaient des effluves d'herbes odorantes. Dans une ambiance bon enfant, les Fils du Vent faisaient plus ou moins la queue avec leur bol et leur cuillère.
Ambiance qui se fit tout de suite plus pesante à leur arrivée. Sans y prendre garde, Azurellia avança de quelques pas avant de se retourner vers Nymphéa. Elle retrouva un petit quelque chose de sa prestance passée, lorsqu'elle bénissait ses adorateurs, et s'adressa autant à sa sauveuse qu'aux caravaniers dans son dos :

- Je vous remercie, Dame Nymphéa, pour m'avoir ramenée auprès des miens. Je tâcherai dès à présent d'apprécier la vie que l'on m'offre au lieu de me plaindre pour une autre que je ne retrouverai pas.

Une courbette à son attention, puis la dragonne se retourna. Elle avisa le chaudron, la louche et son tuteur cuisinier :

- Laissez, ma présence vous a apporté assez de tracas pour aujourd'hui. Je vais servir.

Azurellia avait prononcé ces paroles d'un ton plus doux et plus bas. Elle espérait qu'il allait accepter de la laisser faire, car elle souhaitait s'excuser ainsi.