La journée avait été longue, la nuit était bienvenue autant pour elle que pour sa mûle, petite Jojo adorée. Elle marchait à côté d’elle, refusant de s’asseoir sur le banc du conducteur trop longtemps. Non seulement le bois dur était inconfortable, mais il n’était pas destinée à des gens ayant des jambes de chèvres comme elle. Une robe lui couvrait la moitié des jambes, un léger corsage brun soulignait sa taille fine et ses cheveux étaient libres sur ses épaules, la journée était confortable et elle était plus endurante, question marche, que bien des humains. Ils se dirigeaient vers le port d’Ambarnest pour des questions commerciales et à son grand déplaisir, la partie marchande de la caravane essayaient de l’embarquer dans la première délégation, celle qui allait faire les trucs cérémonieux, le renouvellement d’allégeance marchande et tout le tralala qui la répugne. Elle chantait à voix basse pour passer le temps, jusqu’à ce que le soleil se décide à décliner à l’horizon. Une clairière quelques kilomètres plus loin fut leur escale et la vingtaine de chariots s’installèrent en rond, puis chacun vaquèrent à leur tâche, la sienne étant de ramasser du bois pour le feu. Sa mule attachée à un arbre, elle partit dans la forêt à la recherche de petit bois pour partir le feu. Gambadant dans les bois, elle exécutait quelques pas de danses en chantant une mélodie vive, sans se soucier de ce qui pouvait se cacher dans les bois. Sa mère l’aurait très certainement grondé pour son insouciance, mais c’était ainsi que Maeve est, insouciante et pleine de vie. La lumière autour d’elle devint plus vive, les feuilles plus verte et un oiseau se mit à lancer des trilles en parfait harmonies avec elle. C’était son pouvoir d’illusion qui se manifestait aléatoirement, amplifiant tout ce qui se trouvait autour d’elle, l’entourant elle et son environnement d’un éclat de perfection.

Sa promenade se termina assez rapidement, quand sa mère lui cria de loin de revenir à sa charrette, elle était trop loin et gnagnagna. Elle soupira et fronça son petit nez de biche en trottant jusqu’à la satyre plus grande, mais aussi plus imposante qu’elle. Elle avait dans ses bras un tas très respectable de bois et le porta au milieu du cercle de chariot, saluant quelques personnes au passage. Sa soirée était presque programmée, mais toujours agréable. Couper des légumes, froncer le nez devant la viande, relancer les piques qu’elle recevait face à son végétarianisme naturel, sourire, rire, aller voir sa mère et l’aider avec quelques concoctions…

Tiens, changement de plan pour une fois, aller chercher une plante qui pousse dans la région. Dans la forêt, les choses semblent silencieuses, cette fois-ci Maeve s’en rend compte et tends l’oreille, au cas où quelque chose se trame. Coup de chance, la plante qu’elle cherchait pousse comme une mauvaise herbe en bordure de sentier. Elle la prend donc, racine comprise, et retourne rapidement voir sa mère. Lui parler de ses inquiétudes? Hors de question! Sa mère est du genre à tout prendre trop au sérieux, elle serait du genre à avertir le village qu’une horde de bandits rôde dans la forêt et qu’il faut doubler la garde et partir avant l’aube. La seule personne à laquelle Maeve fait confiance est le chef des mercenaires que les marchands engagent régulièrement. Ils font presque parti de la famille maintenant, plusieurs visages reviennent contrat après contrat. Un grand gaillard, un homme si poilu qu’il a l’air d’un furry, ou peut-être est-ce réellement un furry… Enfin, pas important, elle lui mentionne qu’elle trouve qu’il y a quelque chose d’étrange dans la forêt. Il réagit exactement comme elle s’attendait de lui, un haussement d’épaule et la vague mention de *garder les yeux ouverts*. Parfait! Le poids délesté de ses épaules, elle retourna à ses occupations.

Pendant que tout le monde mangeait, elle et une ou deux autre femmes avait la tâche de divertir les gens, c’est ainsi qu’un groupe reste unis après tout, en s’appréciant tous et chacun mutuellement. Elle était au luth et à la voix pendant que deux autres personnes jouaient l’histoire en danse et en mimes. C’était l’histoire de la colère et de la tristesse, une petite histoire bien mignonne et qui faisait le bonheur de bien des gens. Une fois le souper terminé, elle pouvait ranger son luth et sa mère, avec le même sourire fier, lui tendait son bol de ragoût végétarien.

Le sourire de Maeve était plus penseur qu’à l’habitude, elle sentait une nostalgie s’emparer de son cœur, mais une nostalgie de quoi? La vie qu’elle vivait était la même depuis toujours, elle n’avait rien connu d’autre… Enfin, si, une fois. La nuit de son initiation au sein de sa tribu, son grand-père qui l’avait liée aux esprits de la nature et à la déesse de la vie. Elle s’éclipsa du cercle sans que personne ne la voit faire et, oubliant toute prudence et oubliant le fait que quelques heures plus tôt, elle s’inquiétait d’une présence inconnue dans la forêt, s’enfonça dans la ligne des arbres. Le bout de ses doigts caressaient les jeunes arbres, ses sabots froissant le sol et faisant craquer les branches mortes. Chantonnant à voix basse une chanson sans parole, elle était centrée sur elle-même, cherchant une paix intérieure qu’elle n’avait ressentie qu’au plus profond des bois, au centre des tambours d’un rituel passé.