N’owen ajusta ses brassards, coinçant les liens de cuir entre ses crocs pour tirer dessus, et en resserrer le laçage autant que possible. Il rectifia sa légère armure de cuir, composé de nombreuses lanières entrelacées qui permettaient de maintenir en places d’épaisses pièces de peau bouillie qui protégeaient des zones spécifiques : poitrine, épaule gauche, entrejambe. Des bandes pendaient tout autour de son bassin, terminées par de petites pièces de métal. Il n’avait guère besoin de protections, sa peau écailleuse étant déjà bien plus résistante que la peau d’un humain. Cette tenue, c’était sa tenue d’entrainement, celle qu’il portait plus jeune, pendant les dures années où il avait été gladiateur. Il la ressortait généralement quand il s’entrainait où quand il voyageait. Ca n’était pas le cas aujourd’hui. Il combattait, ce jour, dans une arène. Mais pas en esclave, comme il avait pu l’être. C’était en tant que furry libre, qu’il le faisait, et pour montrer sa supériorité dans l’art du combat.

Gravissant le large couloir pentu qui menait à la grille des combattants, le chevalier pouvait enfin voir le soleil de cette fin de matinée, qui baignait la terre sableuse et jaune qui recouvrait le sol. Le quartier des combattants, d’où il venait, en contrebas, était plongé dans une pénombre étouffante, sans fenêtre. Au-delà des imposants gradins de l’arène, qui ceinturait son champ de vision, il pouvait apercevoir les rares tours de Lumérill, qui dépassaient dans le ciel bleu et clair. La fraicheur de la brise matinale caressa ses écailles découvertes.
Il n’était pas seul, dans son combat de ce jour. Il l’avait pourtant été jusque là : c’était le troisième et dernier jour de tournois, mais le matin était réservé aux tours de force, plus qu’aux véritables duels de guerriers. Son compagnon, ce matin, était un humain. Plutôt bien bâtit pour sa race, il portait une tenue de cuir assez proche du corps, et se battait à l’arc. Ses cheveux et ses yeux étaient très sombres, lui donnant un regard à la fois captivant et inquiétant. Ils auraient, tout deux en équipe, à triompher de trois sangliers. Ce type d’épreuve était très divers, du combat contre des animaux à l’épreuve minutée, et permettait de mettre les combattants en valeur, offrant du spectacle, et de quoi parier pour les amateurs de jeux d’argent.

- PEUPLE DE LUMERILL ! BIENVENUE EN CE JOUR, POUR ASSISTER A CE COMBAT DE FORCE ET DE BRAVOURE !

La voie amplifiée par la magie, l’organisateur des jeux présentait avec un savoir faire très ritualisé les compétiteurs. Sa voix, chaude et éclatante, gagnait tous les recoins des gradins.

-NOUS ALLONS AVOIR CE MATIN LE PLAISIR DE VOIR S’AFFRONTER DEUX COMBATTANTS QUI SE SONT DISTINGUES HIER ! LE FEROCE ET REPTILIEN CHEVALIER DE VAL-FLAMBERT, ECAILLEDESAAAANG !!! ET SON COMPAGNON POUR CE COMBAT, LE RODEUR DES BOIS VERTS, AVAHIIIIR !!! ILS DEVRONT TRIOMPHER CE MATIN DE TROIS SANGLIERS SAUVAGES !

Les acclamations de la foule fusaient de partout. Le public du matin, légèrement moins nombreux, était généralement celui des passionnés. Alors que la voix venait de s’arrêter, les grilles de part et d’autre de l’arène s’abaissèrent, laissant le passage aux combattants. N’owen fit signe à son partenaire, et ils s’avancèrent. A l’opposé, les sangliers entraient en trottinant, grattant le sol, et reniflant furieusement. Les bêtes avaient été bien énervées afin d’être plus enclines au combat … et il ne faut pas grand-chose pour pousser un sanglier à charger. Les trois commencèrent à se disperser.
Le sol de l’arène n’était pas vide : Quatre solides colonnes, à base carrées, formaient un cercle, à mi-rayon. Ces colonnes, ornées de grillages et d’anneaux, permettaient d’utiliser le terrain contre ses ennemis, en offrant un couvert par exemple. Avahir ne tarda pas à se coller dos à l’une d’elle, se faisant discret, comptant là-dessus pour surprendre les bêtes à distance, sans se faire charger. N’owen, lui, avait une stratégie tout autre, plus adapté à sa façon de combattre : le face à face. Partant sur la gauche, longeant la paroi qui encadrait la fosse, arqué et attentif, il ne tarda pas à être repéré par l’une des bêtes, qui, grognant, se gonfla, éructa, avant de le charger aussi sec. Puissante, N’owen aurait du mal à encaisser un coup de défenses à cette vitesse là, quelque soit l’épaisseur de ses écailles. Fort heureusement, le sanglier était moins vif que lui, et sa charge, rectiligne, était évitable. Plongeant au dessus du sanglier, il laissa au groin de celui-ci la plaisir de faire une rencontre abrupte avec la paroi de pierres lisses. Accroupit, le furry se retourna, et frappa de ses deux lames le flanc de la bête. Un coup, un seul, peu profond, mais sur toute la longueur du coté du sanglier. Ce n’était pas fatal, mais ce dernier serait hors combat.

Se relevant, N’owen chercha du regard où étaient les autres : Un couinait, une flèche fichée dans la cuisse. Il était blessé, mais encore dangereux. Avahir, derrière son pilier, bandait son arc de bois sombre pour tirer un second trait, et achever la bête. Il n’eut pas l’occasion de finir son mouvement, tandis que, par derrière, il était renversé par la charge colérique de la troisième bête. L’humain hurla, à terre, sa jambe gauche ensanglantée présentant un angle inquiétant. Déjà, son assaillant grattait la terre et comptait bien revenir à l’attaque.
Hurlant, c’est le furry qui chargea le premier, faisant trembler le sol de son pas lourd. Son cri n’avait rien d’humain, bien plus animal, faisant retentir dans l’air des sons qui n’avaient pas été entendus depuis bien des âges. Il fonça sur le sanglier, bondissant dessus, finissant dans une étreinte mortelle, un roulé-boulé qui souleva la poussière jaunâtre et lourde de l’arène. Quand cette dernière retomba, il était étendu sur le sol avec son opposant, ses lames plongées profondément dans son poitrail. N’owen souffla un coup, c’était de justesse : il n’allait toutefois pas laisser son coéquipier subir une nouvelle charge, qui aurait eu de fortes chances d’être fatale. Regardant dans sa direction, il s’assura qu’Avahir allait bien. Ce dernier le ciblait, son arc tendu. Le furry ne comprit tout d’abord pas pourquoi, puis vit les doigts de l’humain se relâcher, la flèche fuser dans sa direction, frôler les écailles de sa nuque, pour finalement se ficher dans l’œil du dernier sanglier, qui, blessé, venait attaquer le chevalier. Une gerbe de sang noirâtre en sortit, tandis que la bête s’écroulait, sous les acclamations extatiques du public en liesse. N’owen regarda l’humain, esquissant un sourire. Il se releva, salua les spectateurs, et, ne prêtant pas attention aux beuglements de l’organisateur qui annonçait leur victoire, aida son coéquipier dont le visage exprimait la douleur à retourner dans les soubassements.