Danse avec le vent

Sûlir marchait le long de la côte observant les vagues jouer avec le sable. Emerveillé par ses nouvelles senteurs et vision, il prenait son temps, avançant à son rythme. Heren quand à elle s’amusait à voler le plus proche de l’eau sans se faire toucher par les remous de celle-ci.
Cette journée aurait put continuer à se dérouler de la sorte si l’estomac de Sûlir ne s’était pas mit à fortement crier famine. Posant une main sur son ventre, il dirigea son regard vers une petite bourgade  dont les cheminés recrachaient fumés et odeurs fumées.  Appelant son amie Nimbat, il lui désigna le dit village et dirigea ses pas vers celui-ci.

Quelques dizaines de minutes plus tard, ils arrivèrent tout deux sur la place centrale de ce qui semblait être finalement une ville du nom de Fiercastel. La ville était plutôt animée et cela ne réjouissait pas forcement notre duo qui préférait les endroits calmes. Prenant sur lui et surtout obligé par son estomac grimaçant,  Sûlir prit la direction de la place des artistes, ou du moins ce qui y ressemblait le plus. Pour manger il fallait de l’argent et donc en gagner. Notre ami avait pour habitude de se produire en publique car s’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour se faire quelques sous d’une part, puis Il faillait bien avouer que son style de combat était des plus atypique et artistique.

Il s’installa sur l’une des scènes libres. La boule au ventre, car même si il en avait l’habitude, il n’appréciait pas forcement tout ces regards posé sur lui, il s’installa au centre du plateau et y déposa plusieurs feuilles mortes tout autour de lui.  Réajustant son couvre-chef pour s’assurer que celui-ci masquait bien ses yeux, il s’agenouilla au centre du cercle et ferma les yeux.  Il attendit sens bouger un instant, le temps que quelques personnes curieuses s’attroupent en face de lui puis il débuta sa prestation.

Se relevant d’un bon vif et précis,  il fit jouer sa magie du vent pour soulever les feuilles qui allaient servir à dessiner  les courants amplifiés que créeraient ses mouvements.  Se mouvant avec précision, il débuta son spectacle par une simple dance muette étant donné qu’aucune musique ne venait accompagner sa gestuelle élégante.  Tournant sur lui même et faisant d’ample gestes, les feuilles mortes autour de lui, suivaient son corps comme guidaient par une force invisible. De temps à autre, l’on pouvait apercevoir la poussière du plateau former de petits cyclones autour du loup, soumise à  la volonté de celui-ci.  Cette partie de la prestation dura un certain temps puis laissa place à un tout autre spectacle. Sûlir ajusta la vivacité de ses gestes comme si il voulait trancher l’air de ses mains nues. Si ce n’était que ça, l’on pourrait penser qu’il s’agissait que d’une évolution de sa dance envoutante mais à peine une seconde après qu’il se soit exécuté, les feuillages au alentour se vit tranchés en deux, sans qu’il est eu besoin de les toucher.
La foule partagée son émotions avec des « Oooh » et des « Aaaah », mais Sûlir, concentré n’y prêtait guère attention.  Heren quand à elle, parcourait le publique avec une petite corbeille quémandant quelques écus à ceux qui voulaient bien en donner.

Au totale, la dance du loup dura une bonne heure.  Il s’arrêta lorsqu’il  aperçue le signe de la petite Nimbat, indiquant qu’il y avait assez pour vivre quelques jours. Saluant son publique, le jeune danseur, libéra l’estrade et rejoignit son amie pour voir ce qu’ils avaient récoltés.

Heren s’approcha de Sulir qui était en train de rattacher son épée à sa ceinture.  La jeune Nimbat secouait le petit récipient pour faire sonner les pièces qui se trouvaient dedans.  Elle sourit à son ami.

« Voilà de quoi faire pour un moment ! »

Le loup acquiesça  d’un hochement de tête. Alors qu’il allait lui répondre avec une plaisanterie sur sa petite taille et le poids du panier, un bruit sourd fit réagir ses oreilles et le mit en alerte. Il se retourna d’un geste pour voir d’où cela venait.  C’est alors qu’il se retrouva nez à nez avec un furry, de type reptile sans aucun doute et plutôt de grande taille. « Plutôt » était même un euphémisme, car celui-ci le dépassait bien d’une tête voir même deux.  Détaillant cette nouvelle tête, Sûlir écarquilla les yeux, il avait devant lui un véritable raptor.  Les écailles d’un rouge vif, de larges épaules et des bras aussi gros que des troncs, il y avait de quoi impressionner. Mais ce n’était pas tout, même si on ne les voyait pas forcement, on pouvait aisément deviner les rangées de dents aiguisées que cachaient ses lèvres écailleuses.
A la fois surprit et admiratif, le loup ne bougea pas d’un pousse, ne pouvant détourner les yeux de cette force de la nature. Si une lueur ne l’avait pas éblouie, il n’aurait pas remarqué l’armure et le fait que ce furry était probablement un seigneur.  Sûlir secoua la tête afin de recouvrer ses esprits, et salua le nouveau venu comme il se devait alors que celui-ci lançait une pièce d’or dans le panier que tenait toujours Heren.

« Salutation et mes remerciement pour votre généreux don. »

Il se redressa lentement, son éternel sourire de nouveau présent sur son visage à moitié caché par son couvre chef.

« Merci pour ce compliment et non effectivement je ne suis pas de la région. Mon amie Heren et moi même venons des régions arides du Sud. Si je ne m’abuse, vous connaissez peut être cette région sous le nom de Désert des lamentations. »

Sans détourner les yeux de son interlocuteur, Sûlir soulagea la Nimbat de son fardeau, et fit glisser les pièces dans une bourse qu’il attacha à sa ceinture.

« Nous somme des voyageurs. Pour ma part, j’ai envie de découvrir le monde et ses mystères et Heren me suis, car elle n’a personne d’autre que moi, comme moi je n’ai personne d’autre qu’elle. »

Il baissa le tête un instant et laissa échappé un petit rictus causé par de vieux souvenirs puis il la releva fièrement.

«Quel idiot je fais… Je me nomme Sûlir Chantevent enchanté... messire? » Marquant un court silence « Je suis étonné que ma prestation vous ait plu, en règle générale, les seigneurs ne s’intéressent que peu aux gens tels que moi. »

Ne détachant pas le regard de son interlocuteur, le loup écoutait attentivement ce qu’il lui racontait. Le Comte Quentalien ? Ce nom l’intriguait et beaucoup de question sur la région lui venait en tête. Qu’elles sont les coutumes ici ? Y’a-t-il des légendes ou autres histoires ? Quel genre d’homme est le comte etc…  Sûlir était d’une nature terriblement curieuse,  n’ayant jamais rien connu d’autre que son village du bout du monde, il voyait les contrées extérieures comme de remarquable livres à éplucher et dévorer.

Une main sur sa lame, il esquissa un rire et souffla au reptile.

« Je ne sais quoi répondre Sir,  vous me flattez… A vrai dire, me produire en publique de la sorte, je ne le fais que parce que je n’en ai pas le choix. Il faut bien manger. Je suis plutôt timide en réalité. »

N’owen sembla porter une attention particulière à son épée. Au vue des questions précédente, peut être se méfiait-il des étrangers armés ? Ou alors il trouvait tout simplement l’arme jolie. Sulir la détacha de sa ceinture, et la présenta au chevalier.

«  Encore une fois merci, cette épée vient de mon village natal. Elle représente en quelque sorte les serments de mon ancien rang, tout comme ma tunique.  Je vous compterai leur histoire si cela vous intéresse… Concernant mon talent d’épéiste, on va dire que je me débrouille. »


Par la suite, sachant très bien que dès qu’il était question de nourriture, Heren ne ferait qu’approuver, le danseur accepta l’invitation qui leur était faite. Replaçant sa lame à sa ceinture, s’exclama :

« Laissez moi juste le temps de rassembler mes affaires. Cela ne prendra qu’une minute, nous n’avons pas grand chose »

Aider de son amie, Sûlir rangea les quelques affaires qu’il avait sorties de son sac en toile et le balança sur son épaule. Toujours muette, Heren vint se poser sur l’épaule libre du loup. Il haussa un sourcil en la voyant faire.

« Hé bien ma chère ? Tu semble bien silencieuse… la faim t’aurait-elle retiré la langue, ou est-ce notre ami qui s’en ait chargé ? »

Jetant un regard complice à leur hôte, Sûlir s’avança vers lui et s’arrêta à deux mètres à peine du chevalier.  Relevant la tête, il se sentit soudain très petit à coté du géant qu’était le chevalier Ecailledesang.

« Ne connaissant pas encore cette cité, nous nous en remettons à vous, nous vous suivons »

Les deux voyageurs suivirent donc leur bienfaiteur.  Alors qu’ils traversaient les quelques rues qui menaient jusqu'à l’auberge, Sulir  profitait de la balade pour observer la cité et les bâtiments qui s’offraient à lui. Comme souvent dans les villes humaines, les rues étaient étroites et les bâtisses hautes, ce qui donnait une impression d’étouffement.  Le loup avait du mal à comprendre cette façon de faire. Chez lui, les maisons étaient plus larges que hautes, ce qui donnait lieu à un village avec de grand accès dans lesquels les rares vents pouvaient s’engouffrer. Mais il est vrai que les régions côtières n’avaient rien à voir avec les régions arides comme son pays natal.
Heren, qui était toujours muette, s’était installé sur l’arrière train de l’étalon et lui caressait gentiment le poile, ce qui ne semblait pas le déranger.  Le mutisme de son amie commençait sérieusement à inquiéter Sûlir, elle qui n’arrêtait jamais de parler, était actuellement aussi silencieuse qu’une tombe.

Marchant au rythme des bruits de sabot  du destrier, le groupe arriva rapidement à l’auberge choisit par N’owen. Sûlir haussa un sourcil quand le reptile loua une chambre pour lui mais préféra ne rien dire pour le moment. Même si l’acte était très généreux, c’était la première fois pour notre ami qu’un inconnu soit si  avenant et certain pourrait en venir à se méfier.  Il est facile de mentir… Profitant du fait que N’owen était occupé avec le tavernier,  le loup le dévisagea afin de repérer un quelconque signe mais il se résigna vite ne repérant rien, ce furry devait juste être quelqu’un de foncièrement bon… cela est rare de nos jours.

Revenant au moment présent, il leva la main en direction du tavernier pour commander la même chose. Le bras toujours en l’air, il regarda la petite Nimbat qui était revenue sur son épaule après s’être séparé du canasson et sourit tendrement.

« Mettez moi aussi un grand verre d’eau et quelques charcutailles »

En attendant que les commandes arrivent, Sûlir alla s’installer avec N’owen à la table désignée précédemment.  La petite Nimbat s’installa en coin de table.

« Merci bien pour la chambre, bien que dans la proposition, il n’était mentionné que le repas » Il sourit  « A moi de poser des questions à présent. D’où venez vous ? Je suppose qu’un furry reptilien de votre calibre ne provient pas d’une région comme celle-ci. J’ai d’ailleurs vue peu de furry par ici… la plus part vivent plus au sud, dans la cité de Nûmen. »

Avant même que leur hôte est le temps de répondre,  une serveuse aux cheveux blonds et en bon point arriva et déposa sur la table les boissons ainsi qu’une planche de charcuterie. Celle-ci mêlant saucisse, jambon, pâté et quelques tranches de pain de seigle.  Sans même attendre qu’elle libère de sa main la dite planche, Héren se jeta dessus et attrapa la plus gosse tranche de jambon avant de littéralement la dévorer sous les yeux des deux furrys et de la serveuse. Un fois la tranche avalée, elle soupira longuement.

« ]Enfiiiin ! J’ai cru mourir de faim ! »

Dit-elle avant d’en attraper une autre avec un morceau de pain.

Le loup ne put retenir un éclat de rire lorsqu’il vit les yeux ronds du reptile. A se demander si une telle expression était réellement possible sur un personnage de ce calibre.  Buvant une grande gorgé d’eau, il s’appuya sur la table et caressa la tête d’Heren comme on caresserait celle d’un chat. Trop occupé à manger, celle-ci ne réagit même pas.

« C’est une Nimbat, Pour tout vous dire, je ne sais pas d’où elle est originaire et c’est la seule que je connaisse. Je l’ai trouvé dans le désert presque morte… »  Son regard s’assombrit alors qu’il regardait son amie, puis il s’illumina de nouveau et il rit. « D’habitude, elle est bien plus bavarde que ça, mais j’ai l’impression que vous l’impressionnez. »


Doucement, il retira sa main de la tête de sa compagne de voyage, et s’adossa au dossier de sa chaise.  Ecoutant attentivement le Chevalier, l’évocation du désert des lamentations réanima chez lui des souvenirs douloureux. Brutalement, il se retrouva ce fameux jour, caché sous cette souche à regarder son village bruler. Ses yeux tristes se posèrent sur  la Nimbat. Au bout d’un moment, il fini par se tourner vers son hôte avec un sourire faux.

« Vous avez de la chance et profitez bien de votre statut actuel. Les déserts du Sud sont des lieux dangereux, et de plus en plus hors de contrôle.  De nombreux clans et groupes de bandits ou autres sauvages ravagent les villages. C’est en partie pour cette raison que j’ai décidé de voyager. »

Il marqua un silence observant le reptile. Mis à part son côté très sauvage et carnassier,  N’owen avait des trais nobles, on pouvait aussi y remarquer des marques laissées par un passé pas forcement très heureux. En fait,  Sûlir était très impressionné, et très curieux. Il avait bien évidemment déjà rencontré des furry reptile, mais de cette stature… Jamais.
Avalant une gorgé d’eau, il reprit, jetant un coup d’œil dehors.


« Les désert nous isole, le monde réserve tellement de surprises. Je rêve de toutes les découvrir, mais hélas il me faudrait plus d’une vie et je ne suis pas un chat »


Il rit de sa propre blague et en voyant le soleil descendre derrière les maisons de la ville il s’exclama.

« Je ne sais pas vous, mais j’aurais bien besoin d’une bière… Et je tiens à vous en offrir une aussi ! »