Azurellia était à l'aise dans la ville flottante d'Ambarnest, qui dominait le lac du même nom. La population y était assez métissée, aussi passait-elle pour un furry parmi tant d'autres, même avec ses ailes qui lui donnaient une stature impressionnante.
C'était l'un des rares coins où elle pouvait déambuler sans qu'on l'observe avec des yeux curieux, et c'était un peu grâce aux Fils du Vent, sa compagnie de Lendas.
Ils venaient souvent dans cette ville pour quelques jours, et la majorité des marchandises changeait de main ici-même. Elle avait fait le tour des commerces, d'abord accompagnée, puis de moins en moins. Les marchands la connaissaient bien à présent...

D'aide-cuisinière, elle était devenue commis, ayant le flair pour repérer la meilleure nourriture. Les tonneaux de poisson séché ou les jarres de fruits confits qu'elle choisissait ne leur faisaient jamais de mauvaises surprises, et le pain qu'elle achetait dans une seule boulangerie - pas la plus grandiose, mais la plus respectueuse de son travail - leur durait longtemps.

Aussi Azurellia était-elle devenue responsable d'une carriole de vivres tirée par un cheval immense. Elle lui faisait traverser les rues les plus fréquentées et l'arrêtait près des boutiques dont elle voulait inspecter la marchandise. La dragonne avait un budget en pierres précieuses correspondant à une partie des bénéfices de la compagnie, caché dans une bourse sous une large ceinture en tissu.

Vêtue d'un pantalon de cuir qui laissait passer sa queue reptilienne, d'une chemise à peu près propre et d'un grand foulard bicolore qui lui ceignait la taille, elle n'avait pas une allure des plus recommandables, car même sans armes apparentes, on ne pouvait ignorer les ergots de ses ailes, ses griffes taillées et ses cornes. Si on la voyait parler, c'étaient ses crocs innombrables qui retenaient l'attention.
Cependant, ceux qui traitaient avec elle savaient que son apparence cachait un grand cœur. Azurellia se sentait responsable, et faisait son travail avec beaucoup de soin. Elle inspectait chaque aliment avec une grande attention, et aucun défaut ne pouvait échapper à son regard affûté, son odorat sensible ou ses mains expertes.

Par contre, la foule... elle s'en fichait pas mal. Occupée à caler des sacs de grains entre les jarres pour éviter la casse, juchée sans grâce sur un coin de la carriole, elle ne remarqua pas le formidable loup au pelage bleuté et au regard azur. Son corps athlétique, marqué par de nombreuses traces de batailles dont on ne doutait pas qu'il fut sorti victorieux, faisait se retourner humains, furry et demi-sang. Avec une dominante marquée pour la population femelle... les nombreux mâles plus petits lui jetaient des regards inquiets ou jaloux.

Azurellia, elle, batailla sur son chargement en lâchant quelques grondements, puis s'extirpa de son perchoir, fit le tour de la carriole pour vérifier que tout était parfait avant de mettre en place la bâche protectrice, roulée à une extrémité. Seule, ce n'était pas facile, mais si elle râlait beaucoup, la dragonne était malgré tout heureuse de sa fonction.

La raison de la venue de Syn du coté d'Ambarnest était simple: ayant dans ses périples énormément entendu d'histoires à propos de cette merveille qu'était le lac de même nom, il se devait de le voir de ses propres yeux, ce qui lui donnait encore une raison supplémentaire d'arpenter les routes d'Aëndryl dans sa quête infinie au but de rendre le monde un peu meilleur, à son échelle du moins...

Les activités professionnelles de Syn n'étaient pas très claires: vagabondant ici et la à la recherche d'un petit travail, d'une petite quête qui le mènerait Lorlina ne sait ou... On pouvait dire qu'il vivait comme un itinérant, ne restant jamais plus de six lunes au même endroit. Au fond de lui un sentiment le faisait se sentir mal à l'aise dès qu'il tentait de s'établir ou de se créer une situation stable, comme si toutes les cellules de son corps cherchaient à le maintenir en mouvement jusqu’à la fin de ses jours. Ou alors y avait-il une autre raison?...

C'est en longeant le bord du fleuve de Nim que le furry atteignit les rives de la légendaire étendue d'eau. Pour être tout à fait honnête, c'était bien la première fois qu'il voyais un lac aussi grand, si grand qu'il aurai presque pu le confondre avec l'océan dont on lui avait compté de nombreuses histoires de marins... N'en croyant pas vraiment ses yeux, ébahis par la scène qui se présentait à ses yeux et lui procurait un étrange sentiment de petitesse opposé à la grandeur des créations divines, Syn se posa, assis en tailleur face au lac. Visionnant cet univers à l'ambiance pure et rassurante, le loup resta ici des heures durant, observant les allez et venues des bateaux, les ondes formées par les retombées de poissons sauteurs, les oiseaux pêcheurs fondre sur leurs proies... Admiratif, il resta ici suffisamment longtemps pour voir le lac se draper complétement d'un voile orangé, reflet de la lueur crépusculaire qui envahissait désormais le ciel. C'est ce moment que choisit le canidé pour sortir de sa transe et se diriger vers la ville même d'Ambernest, à la recherche d'une éventuelle auberge pour la nuit.  

Voila donc le loup bleu, vétu comme à son habitude uniquement d'une cuissarde renforcée de plaques d'acier et de son épée fermement fixée dans son dos à l'aide de son fourreau de cuir, arpentant sereinement les rues et ruelles de la ville marchande, allant de couleur en odeur, de bruit en lumière, laissait son instinct le guider ou bon il lui semblait. Pour dire vrai, il n'avait jamais vu un tel étal de races et d’espèces: furries, hybrides, humains, elfes... tout semblait se trouver ici dans un véritable mélange ethnique. Ici et la des vendeurs tentant de vendre leurs produits, aussi délicieux semblaient-il, des masses de personnes attroupée devant quelques étals remplis de denrée aussi colorées que nombreuses... Syn ne s’inquiétait absolument pas de la foule dans laquelle il progressait, remarquant tout de même quelques regards envieux de quelques femelles, auxquels il répondait simplement par un sourire juvénile et amical.

C'est lorsqu'il aperçut, entre deux hybrides en pleine affaire, une silhouette, non pas familière, mais loin d’être inconnue. D'un coup d'un seul, ses pattes se stoppèrent, créant un petit carambolage piéton derrière lui. Ignorant les mots et injures proférées par le pauvre homme qui venait de le percuter, le canidé leva seulement la main en guise d'excuse sans même prendre le temps le regarder. Ses yeux étaient rivés sur son objectif. Debout au milieu des vagues incessantes de passants, il tentait de s'assurer qu'il n'avait pas rêvé. D'un teint bleu qui ne pouvait mentir et recouverte d'écailles , dotée d'une chevelure couleur or, de deux cornes de bois dressées sur la tête et d'ailes puissantes... Aucune erreur possible... La joie que ressentit Syn à ce moment même était démesurée, à tel point qu'un frisson lui parcouru le dos de haut en bas. Affairée péniblement à son chargement, cette amie lointaine ne fit pas attention au furry qui avançait maintenant à pas de loup vers elle. Progressant de passant en passant afin de conserver son effet de surprise, il fut bientôt à porté du chariot. Observant la bâche qui venait de basculer de son coté du véhicule de bois, il surgit du coté opposé afin de s'adresser à la voyageuse bleue, l'air ravi et tout aussi ému.  

"Hum... Besoin d'aide mademoiselle?"

De si près, le doute déjà absent, n'était plus permis. Syn fixa les yeux verts de l’être qui se tenait devant lui exactement comme il le faisait lorsqu'il était enfant, il y a déjà de nombreuses années de cela...

La voix amicale fit lever le museau d' Azurellia vers un regard qui n'était pas sans rappeler la couleur de ses écailles. D'ordinaire, elle rembarrait ce genre de bellâtre qui se permettait de la croire incapable de réaliser ses tâches seule.
Mais lui, il semblait gentil, juste gentil. Impression étonnante, car il avait un équipement de mercenaire et le physique qui allait avec. Elle décida de lui donner sa chance.

- Avec plaisir. Prenez la bâche, là, et tirez en même temps que moi... attention au chargement...vous fixez solidement la cordelette sur les œillets, vous tirez... faites ça soigneusement, on va en voir des kilomètres... vous êtes en ville pour affaires?

Elle lui jetait des regards en coin, peu habituée à une telle prévenance. La dragonne vérifiait que ses pattes ne se glissent pas sous la bâche. Du moins, c'est cela qu'elle observait au début...

... c'était quand même étrange, cet instinct qui la poussait à se montrer aussi gentille avec un inconnu armé!

Bien qu'un peu déçu qu'Azurellia ne l'ai pas reconnu, Syn n'en fut pas surpris pour autant. A vrai dire, malgré les, au moins, seize année qui séparaient les rencontres entre les deux furries, le loup n'avait en rien oublié sa camarade au profil plutôt singulier. Jouant le jeux de l'inconnu, il continua à suivre les instructions de la dragonne, visiblement trop occupée pour se préoccuper de son identité. Bien qu'il n'avait jamais réellement manipulé un chariot de marchandise, Syn mit toute son application à manipuler avec précaution le matériel du reptile. Tout en attachant la bâche à son emplacement, le furry à fourrure lança, d'un ton qu'il tacha de garder aussi calme et serein, tout en cherchant désespérément ce satané œillet.

"Pour tout vous dire, les affaires c'est pas vraiment mon domaine... Disons que je suis... un voyageur, un itinérant, un peu à votre image, sauf qu'au lieu d'échanger de la marchandise, j'échange de bons compromis, je rends service, j'aide les demoiselles en détresse importunées par leur matériel"

Une fois son œuvre terminée, le lupus inspecta la fixation des deux cotés du véhicule de bois, s'assurant que son travail était conforme à celui effectué par la jeune furry ailée, en profitant pour l'observer un instant. Bien que elle aussi affairée à la préparation de sa charrette, Syn ne put s’empêcher de voir les petits regards en coin... Il savait que quelque part au fond d'elle, elle l'avais reconnu... Le loup grimaçât très légèrement quand il s’aperçut, d'un regard de sa part, que la présence de son épée, bien que rangée dans son dos, pouvait éventuellement bloquer les souvenirs de sa camarade d'un ancien temps...  Il était tard et déjà les marchands alentours entamaient leurs rangement quotidien. Allait-elle disparaitre encore? Aussi, il décida de forcer un peu la mémoire

"Au fait, je ne vous ai pas demandé: de quelle région d'Aëndryl une furry si particulière que vous peut bien provenir? j'ai entendu des rumeurs à propos d'un petit village furry en bordure de la célèbre foret d'Ainas? Oh, et c'est quoi votre nom?"

Le loup insista fortement sur ses dernières paroles, ces quelques noms ou groupes de mots qui pourraient être familiers, tentant de faire comprendre à la dragonne par un jeu de de gestes et de regards insistants qu'elle devait prendre conscience de quelque chose... Décidé que ces mots seraient les derniers en tant que voyageur inconnu, et au cas ou ses indices ne suffiraient pas à faire recouvrir la mémoire à Azurellia, il le ferait, quitte à peut être la brusquer un peu...

La réponse du lupoïde avait conforté Azurellia dans ses pensées : il était bien un mercenaire. Elle lui sourit poliment sans relever, et ils terminèrent le travail en silence.
La dragonne constata avec amusement qu'il alla comparer les attaches de leurs deux côtés, alors qu'elle-même les vérifiait dans l'autre sens. Cela les fit tourner autour de la carriole.
Azurellia vérifia machinalement le harnais de l'équidé avant de revenir vers celui qui l'avait aidée gratuitement. La fin d'après-midi approchait, et le soleil était plus proche de l'horizon que de son zénith, et les rues se vidaient peu à peu.
Ce que le mercenaire choisit de lui demander après la surprit un instant. Une impression fugace passa dans l'esprit de la dragonne, l'idée qu'il n'avait pas besoin de demander puisqu'il savait déjà... elle la chassa tout en lui répondant prudemment :

- Oh, vous savez, tous les furry sont d'un coin ou d'un autre de la forêt d'Ainas... cette forêt regorge de petits villages. Je m'appelle A.... AAAAAAHHHHH!!!!

Azurellia s'effondra en gémissant contre la roue de son chariot, les griffes plantées dans le bois. Le mercenaire aurait pu lui transpercer la tête d'un coup de son épée que l'effet n'aurait pas été différent. Elle n'était plus que souffrance. Sa vision se colora de rouge, puis de noir sous ses paupières closes.

Quelque chose lui disait qu'elle connaissait cette douleur. Elle était rangée dans ses souvenirs les plus lointains... ça ne lui était pas arrivé depuis qu'elle avait quitté le temple. Nowen, son sauveur, l'avait interrogée en vain sur ses origines, elle ne se souvenait plus de rien qui date d'avant sa rencontre avec Phobos. Ils avaient recoupé tout ce que le soit-disant sage avait pu dire sur ses origines, sa parenté, mais entre les mensonges et les généralités, il n'y avait rien de bon à récupérer. Alors, Azurellia avait commencé ses voyages en caravane, curieusement peu intéressée à l'idée de partir en quête de ses origines.

Mais maintenant, elle comprenait pourquoi... si se souvenir était impossible pour elle, Phobos avait bien prévu la possibilité des réminiscences. Sa mémoire était piégée...

... piégée, mais présente. Le loup savait quelque chose. Forcément. Cependant, Azurellia ne pouvait pas l'interroger. Elle ne voulait pas se souvenir. Pas comme ça.
Peu à peu, la douleur s'estompa. Elle était restée agrippée deux bonnes minutes à la roue arrière de la carriole, au bord de l'évanouissement.
Azurellia convainquit son corps tétanisé de remuer un peu. Elle reprit appui par terre, décrispa ses bras et se massa la nuque et le bord des épaules dans le but de détendre ses muscles.
Puis elle rassembla son courage, et planta son regard vert dans celui, bleu, du mercenaire.

- La compagnie des Fils du Vent vous engage. Nous avons besoin de vous.

Et pour appuyer ses dires, elle sortit une pierre précieuse de sa bourse. C'était une prime d'engagement exorbitante, et elle allait devoir en répondre auprès du comptable, mais elle n'en avait cure à ce moment. Ce qu'elle voulait, c'était garder le loup près d'elle...

Écoutant avec attention la réponse d'Azurellia, Syn continua malgré tout de l'observer avec insistance, profitant de chacune de ses regards amusés ou méfiant. Il était vrai que le jeune loup avait certainement changé physiquement, se dotant d'une carrure bien plus respectable que dans le temps et affichant ici et la quelques marques et cicatrices à la provenance un peu douteuse. Mine de rien, sa dégaine le rendait aussi méconnaissable: très peu vêtu et armé, l'image qu'il portait était bien loin de ce qu'il était dans son enfance.
Malgré qu'il l'ai reconnue au premier coup d’œil, la dragonne avait elle aussi changé. De son aspect extérieur, premièrement, passant de faible et fragile à mince et robuste, orné de formes féminines que le furry ne put s’empêcher de remarquer. Son visage aussi, anciennement innocent et infantile, il était rendu assuré et responsable, malgré qu'il laissait légèrement filtrer la difficulté et les déboires qu'Azurellia avait franchi, lui donnant un charme inéluctable. D'autre part, c'est sur son caractère que les nouveautés furent le plus notables bien que les plus surprenantes: l'étrange furry à écailles qu'avait connu Syn était restée aussi gentille et agréable que dans ses souvenirs, le tout agrémenté désormais d'une méfiance dont le bleu ne s'attendait pas à être l'objet, d'une assurance certaine dans ses paroles et ses gestes précis de marchande et d'une détermination visible à ne pas faillir aux taches qui lui sont confiées.
Malgré ces quelques divergences la mémoire de Syn, elle était la... Comment pouvait-elle ne pas le reconnaitre?! Était-elle trop jeune lors de leur rencontre pour pouvoir se le remémorer?

C'est lorsque Azurellia, toujours inconsciente du jeu de l'inconnu auquel jouait le loup, prononça son nom, que les règles en changèrent: dans un cri de douleur  et de surprise, la dragonne s’effondra littéralement contre la roue de son chariot de bois, laissant Syn seul face à une situation aussi soudaine que préoccupante. D'un bond et sans prendre plus le temps de réfléchir, le furry se précipita aux cotés de sa camarade inconsciente.

"Az'!"  

Prenant Azurellia dans un bras et tentant de la ramener du coté des conscients de l'autre, sans succès ni réactions, Syn ne pris mème pas conscience de l'attroupement de passants qui se formait autours d'eux. La dragonne demeurait griffes plantées, dents serrées, muscles tétanisés, front brulant...
Dans un élan mêlé de panique et d'impuissance, le loup interpella un vendeur avoisinant qui restait debout les bras ballants à observer la scène.

"Toi, vas me chercher de l'eau!"

Face au regard plutôt inquiet et à la voix grave et directe du lupoïde, le commerçant resté bouche bée et yeux ébahis, comme figé... Ou bien était-ce le fait de se faire commander par un animal qui avait mis sous le choc l'humain?! Devant l’inactivité de l'homme, Syn fit mine de se lever en rajoutant d'une voix bien plus agressive et nerveuse:

"Dépêches-toi!!"

La foule amassée autour du chariot et de l'équidé semblait plus ou moins sous le choc, de part l'inconscience d'Azurellia, qui commenceait à être, sans devenir une célébrité de la ville, plus ou moins connue et par la violence que mettait le canidé dans ses paroles directives. L'homme avait tout de même disparu dans une habitation voisine... Sous des regards autant accusateurs, méprisants ou au contraire admiratifs, le lupus tentait comme il le pouvait de lui parler, sans réponse... C'est le moment ou le chercheur d'eau réapparut et ou le lupoïde lui en versa doucement sur le visage qu'Azurellia "choisit" pour revenir à elle. Bien que perdu, Syn fut rassuré de la voir se remettre péniblement sur pied. D'un ton grave, le loup lança en regardant le reptile droit dans les yeux.

""Est ce que ça va?"

Bien qu'à peine remise sur pieds, Azurellia dévisagea Syn, d'un regard sincère et déterminé sans dire mot. Quelle que fut la raison de l'incident précédent, elle semblait presque ne pas en tenir compte... Elle s'adressa au loup avant même de lui rendre compte de son état de santé.

" La compagnie des Fils du Vent vous engage. Nous avons besoin de vous"

Fixant la jeune furry de façon similaire à la sienne, le loup acquiesça calmement et lentement. Ce n'est pas du travail qu'il recherchait, mais peu importe ou le périple le mènerait, il ne laisserai pas son amie d'enfance une deuxième fois, surtout pas dans une situation comme celle la. Syn accepta à contre cœur la pierre tendue par sa nouvelle guide et la plaça dans une poche située sur son fourreau, sans plus de conviction, presque gêné. Expirant un bon coup, il se dotât de son large sourire carnassier:  

"Et bien... Je suppose que c'est le moment de se mettre en route? Pour tout dire, je suis à la base plutôt adepte de la marche solo et je n'ai pas vraiment l'âme d'un commerçant, alors il faudra me dire quoi faire et surtout... ne pas faire. Quelle est notre prochaine destination? Je ne sais pas ce que c'est, mais j'ai comme l'impression que tu as une idée en tête... Rejoindre le reste de la troupe peut être?"

En effet, Syn n'avait aucun contrat en cours... Mais il venait de s'affecter à une toute autre tache: il protégerait Azurellia du mieux qu'il le pourrait, peut importe ou elle le mènerai... La situation à laquelle il avait été confronté était tout sauf normale et la dragonne semblait avoir besoin de son aide... Il ne pouvait pas refuser...

La foule se dispersa dès lors qu' Azurellia montra à nouveau de la vigueur. Elle vérifia que la roue à laquelle elle s'était agrippée fonctionnerait malgré les dommages, et ce avant même d'accepter l'eau qu'un passant lui tendait. "Quel zèle..." furent les mots que pensèrent en même temps l'humain et la furry, sans le savoir.
Azurellia n'aurait aucun réconfort apporté par l'eau. C'était un truc d'humain, de se mouiller. Ou de mammifère. Les écailleux comme elle avaient besoin de chaleur plus que de fraîcheur... elle se promit une séance de relaxation aux pierres de lave chaudes, une fois qu'elle aurait mené à bien sa tâche.
Elle fit bonne figure en trempant ses mains dans le seau, mouilla un peu sa crinière, y plongea la corne à boire glissée dans sa large ceinture en tissu pour en prélever un peu de liquide. Elle but, et considérant que ce serait suffisant pour que son public arrête définitivement de s'inquiéter, sourit à l'homme près du seau :
- Je vous remercie. Filez, maintenant, le soleil est presque couché, nous avons tous du travail à terminer d'ici là!

Azurellia invita son nouveau mercenaire à prendre place près d'elle sur la carriole. C'était la première fois qu'elle faisait ça... engager quelqu'un. Elle lui répondit lentement, avec l'impression de fournir un effort :

- Vous n'aurez pas besoin d'apprendre... grand-chose. La Compagnie a besoin de ... de profils différents. Vous resterez près de moi. Nous ramenons le chargement... près des docks. Et après... on rejoint les autres... à ... à l'auberge.

En vérité, la dragonne était toujours sous le coup d'un violent mal de crâne. A présent seule avec le lupoïde, elle pouvait se permettre de montrer sa faiblesse.

Tant bien que mal, la carriole fut menée auprès des autres chargements, dans un hangar dédié aux Lendas. La compagnie aurait une taille conséquente lorsqu'elle repartirait...

Le loup était d'une compagnie apaisante, tant qu' Azurellia n'y pensait pas de trop près. Empêcher son esprit de vagabonder lui prenait toutes ses forces. En arrivant à l'auberge, la nuit était bien avancée. Les deux furry avaient marché un moment en ville, dans la pénombre, et le mal de tête de la dragonne s'était accentué au point qu'elle eût l'impression que son crâne allait se fendre en deux.
La lumière de l'auberge l'agressa, tout comme le son et les odeurs. La tête basse, les yeux plissés, le museau retroussé, les oreilles baissées, Azurellia semblait bien mal en point.. Son collègue cuisinier avisa tout de suite les deux derniers arrivés, et se porta à leur rencontre, l'air interrogateur. Après avoir salué le lupoïde poliment, il s'adressa à elle :

- Azy, t'as des ennuis? Me dis pas qu't'as bu ailleurs quand même!


Ouvrant les yeux avec difficulté, Azurellia ne put tout lui expliquer, seulement quelques mots s'échappèrent de sa mâchoire crispée :

- Message... Nowen... urgent...

Elle ne voyait pas à qui d'autre s'adresser. Autant revenir aux sources...

Le cuisinier prit la bourse qu'elle lui tendait et se pencha pour l'écouter :

- Mon garde... une pierre... plus tard.

Il fit des yeux ronds lorsqu'il comprit que la dragonne avait engagé le loup pour une pierre précieuse. Jaugeant le nouveau venu d'un oeil sévère, il remarqua soudain quelque chose qui lui fit changer d'avis. S'adressant à lui, le cuisinier lui donna quelques directives :

- Sa chambre est au premier, avant-dernière porte à gauche. Ramène les pierres que tu trouveras dans un sac de toile grise, on les chauffera en bas. Pose-toi où tu veux, l'auberge est réservée pour la Compagnie. Je m'occupe de rendre les comptes à l'intendant. Il va vouloir t'interroger, mais je repousserai au lendemain. Monte-la, je t'attends.

Une fois Azurellia remise sur pieds, l’inquiétude du loup, sans s’estomper entièrement, s'atténua malgré tout. Quelles retrouvailles mouvementées! Le pauvre homme qui avait été ciblé par les cris de Syn aida comme il le pouvait la jeune dragonne, posant de furtifs et timides regards sur le mercenaire. C'est sans demander son reste que l'humain tourna les talons afin de se libérer du regard méfiant que le lupoïde lui lançait. L'attraction terminée, chacun retourna à ses activités comme si rien ne s'était jamais passé: la foule se dissipa instantanément et la furry à écailles reprit les vérifications de son véhicule, laissant Syn debout, inactif, surpris... 

Une fois à bord du chariot, tracté par un massif équidé, les furry bleus prirent le chemin des docks pour y déposer la "récolte" de la chef de voiture.Syn n'était pas réellement à son aise: lui, avait l'habitude d’être recruté ici et la au fur et à mesure de ses voyages, mais habituellement, les travaux qu'il acceptait ne consistaient pas à faire partie d'une caravane, pour quelque raison que ce soit. Mais ce n'était pas pour ce job de marchand qu'il avait accepté d’être enrôlé chez les Fils du Vents... Des profils différents hein? Lorsque son amie de longue date s'adressa à lui, la douleur filtrait à travers ses paroles. Bien que trouvant cette difficulté d'élocution vraiment étrange, la situation dont les deux personnages sortaient paru être l'explication la plus plausible aux yeux azurs du canidé. Etre la, assis à coté de celle qu'il avait reconnu au premier regard perturbait Syn dans la mesure ou lui, lui semblait parfaitement inconnu.

Les docks furent atteint en peu de temps, et c'est un véritable festival de diversité qui sauta instantanément au yeux du lupoïde. Tout semblait y être: fruits, légumes, épices, vêtements, éléments d'artisanat en tout genres... un véritable rassemblement de couleurs et d'odeurs, aussi douces les unes que les autres. Et la quantité! des chariots de toutes les tailles étaient ici stationnés, attendant patiemment l'heure du départ vers de nouveaux horizons, de nouvelles villes... pour encore recommencer. A la vue de cet attroupement de véhicules, Syn sut immédiatement pourquoi, malgré son envie de voyager à travers les terres d'Aëndryl, il ne l'avait pas fait de la façon marchande... Il avait tout simplement peur de la routine. Aller, vendre, acheter, recommencer... non, cette vie n'était pas pour lui. Mise à part cette fois-ci.

Après avoir déposé le précieux chargement, les deux furry prirent la route de la fameuse auberge qu'avait mentionné le reptile. Marchant à travers Ambernest, le lupus gardait un œil attentif sur sa protégée, qui semblait, non pas perdue, mais plutôt ailleurs, comme si quelque chose lui prenait toute son attention. Concentrée à autre chose, elle les guida tant bien que mal jusqu’à une petit auberge dédiée aux Fils du vent. Syn s’efforçât de garder un œil sur la dragonne tout au long du chemin dans le dédale de pavés, comme si il soupçonnait quelque chose de plus important que son état, déjà préoccupant. En entrant, la chaleur et la convivialité sautèrent immédiatement au visage. L'ambiance sonore était composée d'un brouhaha joyeux de paroles, rires ou autres accolades. La lumière, vive et intense tranchait fortement avec l'éclairage nocturne des rues et ruelles de la cité du lac, renforçant grandement le chaleureux accueil qui lui fut réserve par le cuisinier de l'établissement. La mine d'Azurellia, elle, n'allait pas en s'arrangeant, faisant grimper de nouveau l'angoisse du canidé, et visiblement, inquiétant ses camarades de voyage.

C'est lorsque la jeune bleue s'adressa à son interlocuteur que sa santé fit monter l’inquiétude du furry à fourrure à un niveau supérieur. Sa voix faible laissait difficilement passer de courtes séries de mots à travers sa mâchoire serrée. Sa main, quant à elle, tendait à l'homme une bourse pleine, que celui-ci récupéra en même temps que les paroles déroulaient difficilement.

"Message... Nowen... urgent..."

Ouvrant de grands yeux incrédules, Syn s'approcha de la série de crocs d'Azurellia afin de mieux saisir le sens de ses paroles. Il n'avait pas du tout saisit ce qu'elle venait de dire, un peu trop occupé à observer l'homme qui venait de se présenter à eux. Une nouvelle rafale de trois mots s'échappa tan bien que mal de la gueule de la dragonne. Bien plus attentif, le loup distingua largement les trois mots, envoyés à un rythme assez lent et avec tout la peine possible.

"Mon garde... une pierre... plus tard."

Cette fois, tout était clair, et, bien que préoccupé par sa camarade, le loup se sentit soudain assez mal à l'aise. Levant le regard, il aperçut le cuisinier, le toisant d'un regard inquisiteur et interrogatif. De lui même, Syn haussa un sourcil... Pourquoi le regarder ainsi? il n'avait rien fait après tout, rien demandé en guise de paiement! Ce regard changea du tout au rien en une fraction de seconde. S'adressant à lui de façon très calme et apaisée, l'humain demanda au furry d'aller quérir un sachet de pierres dans la chambre d'Azurellia avant d'ajouter:

"Pose-toi où tu veux, l'auberge est réservée pour la Compagnie. Je m'occupe de rendre les comptes à l'intendant. Il va vouloir t'interroger, mais je repousserai au lendemain. Monte-la, je t'attends."

Dans un acquiescement silencieux, le loup s’exécuta sans emmètre la moindre objection et sans poser la moindre question. Apres tout, les membres de la caravane connaissaient Azurellia surement mieux que quiconque et savaient certainement quoi faire dans ses moments de faiblesse semblables à celui la. Dans un mouvement fluide et assuré, Syn posa un genoux près de la dragonne, qui se tenait debout comme dans un dernier effort, et passa un bras entre ses pattes afin de la positionner confortablement sur son dos, sous les regards à la fois inquiets et incrédules du reste des personnes, humaines, hybrides ou furry, se trouvant dans l'établissement. C'est malgré tout rapidement que le jeune bleu porta la commerçante écaillée jusqu'à l'étage supérieur. La concentration du canidé était surtout portée sur sa protégée. Lui voulant s'assurer de son intégrité physique et mentale, n'avait à peine écouté les indications qui lui avaient été données précédemment. "Montes-la", "porte à gauche", "sac de pierres"... Ouvrant une porte plus au moins au hasard, c'est face à un colossal hybride que Syn se trouva. Levant la main en guise d'excuse, il prit malgré tout le temps de demander l'emplacement de la chambre de son employeur, à moitié dans les vapes. C'est sans lui en tenir rigueur que l'hybride lui indiqua la porte voisine, accompagné d'un regard respectueux et amical. Enfin, ils étaient dans cette fameuse pièce. Doucement, Syn déposa son chargement sur le lit situé dans l'axe de la porte de bois, prenant soin de ne pas la brusquer et accompagnant le moindre de ses mouvements. Il s’arrêta une seconde à l'observer, pensif et pas moins inquiet.

Le sac de pierres! Ses esprits lui revinrent en une fraction de secondes: il devait descendre ce fameux contenant rempli de roches. Observant assez nerveusement le petit espace dans lequel il se trouvait, c'est dans un coin qu'il aperçut un sac tissé de taille modeste. L'ouvrant rapidement, il se rendit à l'évidence: c'était bien de ce sac que l'homme parlait... A vrai dire, Syn ne s'attendait pas vraiment à ça. Pensant aller chercher un petit sachet rempli de petit cailloux semblables à des graviers, il se retrouvait maintenant avec un contenant de taille honnete, rempli d'un ensemble de petites pierres de la taille d'un litchis de Trenarn! Mais bon sang, qu'est ce que ça fait la? Et surtout, qu'est ce qu'ils veulent en faire? les faire chauffer?!... Sans vraiment chercher plus loin et le chargement sur l'épaule, le canidé redescendit immédiatement, après un dernier regard sur Azurellia, qui semblait bien mal en point...

Sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, Syn déposa son chargement près du cuisinier et lui lança dans la foulée.          

"Je me tiens à votre disposition et à celle de l'intendant si vous avez besoin de quoi que ce soit d'autre. euh... Vous savez ce qu'elle a? Et Pourquoi ces pierres?"

Syn, ne tenant pas compte de la possibilité de "se poser", resta aux cotés de l'homme, au cas ou une nouvelle requête particulière lui viendrait à l'esprit... Il était pensif, voire nerveux. Visiblement le seul ignorant dans cette histoire, il voulait savoir...

Le cuisinier ne répondit pas tout de suite. Il emmena Syn dans la cuisine. Il vida le sac dans un récipient fin en métal, qu'il posa directement dans le foyer. Les pierres de lave allaient chauffer un certain temps, et il reprenait à présent le sac de fibres végétales. Il le plia, puis changea d'avis, puis le plia une fois de plus. Il était manifestement agité...
Une petite hybride étonnante, avec des ouïes de poisson dans le cou, une crête au sommet du crâne et des cheveux rose vif vint briser le silence qui s'était installé entre les deux protecteurs d'Azurellia. L'enfant glissa une petite main dans celle du cuisiner et chercha son regard en demandant :

- Zeya malade?

Le cuistot soupira, puis se força à sourire :

- Oui, malade. Mais pierres de feu qui soignent dans le pot, là. Allez petite, va rejoindre ton tuteur.

Un autre soupir à fendre l'âme, et le cuisinier débusqua une bouteille de jus d'herbes frais. Et enfin, il adressa de nouveau la parole à Syn :

- T'en veux? C'est vivifiant, et ça n'engourdit pas l'esprit comme les autres liquides distillés.

Il se servit dans un petit bol en corne qui lui servait d'ordinaire à goûter ses produits. Puis il se tourna vers le foyer, appuyé contre la commode, et parla, enfin.

- La p'tite a jamais fait ça avant... les écailleux, ça aime la chaleur. Quand elle se paye des maux de tête, elle chauffe ces trucs, et ça la soulage. Son tuteur m'a dit de le prévenir si un truc louche se passait... j'en sais pas beaucoup plus, à part qu'elle savait rien faire quand j'l'lai récupérée. J'dois un service à N'owen, c'est un autre écailleux, il m'a dit d'prendre soin d'elle et d'lui laisser l'temps d'comprendre le monde... j'm'y était habitué, elle est pas mauvaise, elle avait juste tout à apprendre...

On pouvait s'étonner du regret qui perçait dans sa voix, tout comme du fait qu'il appelait Azurellia sa "petite" alors qu'elle le dominait de deux bonnes têtes.

Les pierres de lave prenaient peu à peu une couleur différente. Du noir, elles passaient au rouge sombre, puis au orange vif.

C'est angoissé que Syn observa le petit manège du cuisinier de l'auberge. Malgré qu'Azurellia était tranquillement posée sur son lit, profitant d'un repos nécessaire, il n'était pas tranquille, faisant dans son esprit une priorité de l'état de santé de sa protégée. C'est silencieusement et un air grave accroché au visage qu'il observa les moindres faits et gestes de l'humain, qui plaça nerveusement les éléments rocheux dans un récipient métallique, qu'il posa sur le feu, qui brulait non loin. Le pauvre homme semblât presque perdre ses moyens au moment de décider quoi faire du sac qui contenait, l'instant précédent les dites pierres, ne sachant pas s'il devait le plier ou non. Ses gestes n'étaient pas hésitants, mais son comportement trahissait son inquiétude.

La petite hybride étonnante qui fit irruption dans la pièce, et surtout la question qu'elle posa au cuisinier ne manqua pas à la fois d'amuser Syn tout en augmentent sensiblement son angoisse: la jeune fille plaça sa main dans celle de l'homme et lui demande, l'air préoccupé si "Zeya" était malade. Cette scène montra au loup la place qu'avait Azurellia dans cette communauté. Elle était respectée, connue et appréciée, si bien que même les plus petits s’intéressaient à elle. La réponse ne se fit pas attendre, et un air aussi rassurant qu'il le pouvait, l'humain lui répondit calmement que oui, la dragonne l'était, mais que ces pierres, qui changeaient lentement de couleur, allaient la remettre sur pied. Sa gorge était malgré tout serrée et ce n'est pas sûr de lui que le chef congédia le jeune enfant. Son malaise était presque palpable, se montrant sur presque chaque trait de son visage. Témoin de cette scène, Syn resta silencieux et observait, regard interrogateur et presque accusateur rivé au bleu de ses yeux...

C'est dans un long soupir presque désespéré que l'homme se saisit d'une grande bouteille sans inscription ni étiquetage et s'adressa à Syn:

"T'en veux? C'est vivifiant, et ça n'engourdit pas l'esprit comme les autres liquides distillés."

L'odeur du fameux liquide emplit les naseaux du loup, qui respirait rapidement bien que discrètement afin de tenter d'analyser le breuvage qui lui était proposé. L'odeur était mine de rien assez forte, et il n'était pas fan de ce genre de liquides, mais c'est surtout dans le but d'engager la conversation avec son interlocuteur que le furry accepta. Une fois servi, le cuisinier pris la parole en premier. Syn écouta, très attentivement cette fois, ses moindres paroles:

"La p'tite a jamais fait ça avant... les écailleux, ça aime la chaleur. Quand elle se paye des maux de tête, elle chauffe ces trucs, et ça la soulage. Son tuteur m'a dit de le prévenir si un truc louche se passait... j'en sais pas beaucoup plus, à part qu'elle savait rien faire quand j'l'lai récupérée. J'dois un service à N'owen, c'est un autre écailleux, il m'a dit d'prendre soin d'elle et d'lui laisser l'temps d'comprendre le monde... j'm'y était habitué, elle est pas mauvaise, elle avait juste tout à apprendre..."

Le furry semblait ne pas comprendre la situation. Il fait dire que durant toutes ces année, il avait pu s'en passer des choses dans la vie de la dragonne, tant de choses, bonne ou mauvaises, qui faisaient la vie qu'elle menait actuellement. La mine triste du membre de la caravane en disait long sur son anxiété. Malgré tout, il parlait comme si Azurellia devait quitter sa compagnie, ce qui surprit largement le lupoïde.

"Attendez... laissez moi résumer un instant... Azurellia vous a été laissée par ce N'owen, vous demandant de prendre soin d'elle et de lui apprendre tout ce qu'elle devait, il lui arrive d'avoir des maux de tête, mais jamais de cette gravité et d’après vous, la situation est louche? Qui est ce tuteur dont vous parlez? Et qu'est ce que vous voulez bien insinuer quand vous dites "je m'y était habitué"?"

Le feu crépitait dans le foyer, autant que les iris du canidé lorsqu'il lança ces mots. Son ton n'avait rien d'agressif, juste... perdu. Les questions fusaient à la vitesse de l'éclair dans son esprit. Non, Syn semblait ne pas comprendre ce qui se tramait autour de lui et le passé de la furry écailleuse lui échappait complétement. C'est qui ce N'owen? Et pourquoi tout le monde semble si inquiet?! Ses nerfs commençaient à être mis à rude épreuve, et c'est difficilement qu'il se retint de se lever brusquement. Bien que d'ordinaire calme et patient, un certain malaise s'installait de plus en plus en lui et chaque membre de son corps semblait demander sa dose d'action et de mouvement. Les pierres rougeoyaient désormais... Mais qu'est ce qui se passe ici? le canidé se sentit coupable un instant: tout allait si bien jusqu’à son arrivée dans la vie paisible, bien qu'il la trouvât routinière, d'Azurellia...

Syn regarda dans le vide un instant: il ne voulait pas révéler ni son passé, ni ce qu'il venait d'arriver aux coté du chariot, mais, la mine attristée du cuisinier et la situation qui commençait à paraitre hors de contrôle le convainquirent du contraire. Il devait savoir. Peut être y trouverait-il une quelconque explication? C'est calmement et gravement qu'il s'exprima:

"Bon, entre vous et moi, hein? J'ai connu Azurellia lorsque j’étais enfant, très petit... Nous nous sommes perdus de vue et pour être honnête, la "petite" comme vous le dite a bien changé. Visiblement, elle ne semble pas se souvenir de moi. Tout semblait aller pour le mieux, on avait une conversation... normale quand elle s'est littéralement écroulée de douleur... Pour tout vous dire, je suis encore sous le choc... Elle s'est remise debout, m'a dit que les Fils du vent avaient besoin de moi et nous a conduit jusqu'ici. Bien sur, son état n'a fait qu'empirer de ce moment jusqu’à notre arrivée..."

Le malaise de Syn grandissait à mesure que ses mots défilaient... Dans leurs récipient, les pierres de lave libéraient leur énergie en une chaleureuse aura orangée qui envoutait le canidé. Le regard perdu, rien dans sa tête ne le menait à une explication de la situation: Qu'est ce qu'il faisait la? Peu importe, s'il pouvait faire quelque chose, il le ferait!

"Sans avoir l'air de vouloir vous fausser compagnie, je voudrais, s'il vous plait, remonter veiller sur elle..."
"j'Pense que les pierres sont prêtes... j'vais monter avec toi."

Un regard approbateur sur chaque visage, les deux êtres, humains et furry, remontèrent tranquillement vers ladite chambre dans laquelle Syn avait déposé Azurellia...

Le regard du cuistot s'éclaira d'une lueur de compréhension lorsque Syn évoqua son passé commun avec Azurellia.

- Ah, c'pour ça, alors... vous aviez l'air de vous connaître... ça veut dire que tu la connais d'avant le temple... elle m'a raconté, un peu. M'étonnerait pas que l'autre fou, là, il lui ai jeté un mauvais sort avant de crever!

Syn avait l'air de vouloir en savoir plus, mais l'humain n'en avait ni l'envie, ni la force.

- Non gamin... j'ten dirai pas plus. C'est son histoire.

Ils montèrent tous les deux, le tuteur de la dragonne tenant avec précaution le récipient contenant les pierres chaudes.
Azurellia était couchée en rond comme un chat sur le lit, les draps en bataille. Il posa le pot en métal sur le foyer de la cheminée froide, et fourragea dans son tablier d'où il sortit le fameux sac en lin. De facture très épaisse, il avait une double paroi résistante à la chaleur. Les pierres retournèrent dedans, opération délicate faite sans aucune mesure de sécurité, simplement à l'aide du torchon qui l'avait aidé pour le transport. Ce faisant, l'homme expliquait :

- Les écailleux - 'tention hein, j'dis juste ça pour sa nature, j'sais qu'elle est pas... enfin j'suis pas... bref! - aiment la chaleur. Les humains quand y sont malades on les rafraîchit avec de l'eau bah là... c'est l'inverse. Les écailleux tirent leur chaleur du soleil, mais quand y peuvent pas, ces pierres de lave les aident. On en a assez pour lui mettre sur le crâne, pi suivant comment elle se met, on peut en faire un ptit paquet avec un tissu épais pour mettre entre les ailes dans l'dos, ou bien... ailleurs, ça dépend comment qu'el' s'met, tu vois. Là, le crâne c'est bon... J'vais utiliser mon torchon là, et en prendre quelques unes pour y mettre sur la nuque, sous les ch'veux. Tu veux bien faire, dis?

Le cuisinier se doutait que Syn n'allait pas refuser.

- Toi tu les touches jamais avec les pattes, surtout, pi fais gaffe à ses ch'veux, ça les roussirait en moins d'deux! Voilà...

Le vieil homme bougon se sentait brusquement de trop dans la pièce. Si on lui avait dit qu'il ressentirait du paternalisme envers l'empotée qu'on lui avait foutu dans les guiboles, il y a de cela presque un an, il aurait certainement envoyé une poêle à frire dans les dents de l'importun!

- Il est tard gamin, j'vais finir mes tâches. T'es son garde, tu veilles sur elle, vu? J'fais monter quelqu'un pour le feu.

Il partit en laissant la porte entrouverte, avec un dernier regard pour Azy mal en point, et ce loup surgi du passé...

"Ah, c'pour ça, alors... vous aviez l'air de vous connaître... ça veut dire que tu la connais d'avant le temple... elle m'a raconté, un peu. M'étonnerait pas que l'autre fou, là, il lui ai jeté un mauvais sort avant de crever!"

Syn n'en croyait pas ses oreilles. Les mots résonnaient en lui à la manière de la vibration d'une lame acérée au contact d'une autre. "Temple"? "l'autre fou"? "jeté un sort"? C'est sans plus de conviction que Syn avait déballé son histoire au tuteur de "Zeya", mais la réponse qu'il en tira avait un effet plutôt négatif sur lui, bien qu'elle fut plus intéressante qu'il ne l'aurait jamais imaginé. Chaque cellule de son corps voulait en savoir plus sur chacun de ces détails qui venaient de lui être livrée, c'est donc pour cette raison que le loup implanta profondément son regard azur plus qu'interrogatif et suggestif sur sa curiosité dans celui de l'homme, dans le but d'en savoir plus. A priori, cette volontés fut immédiatement captée par l'humain, qui se mit immédiatement sur la défensive:

"Non gamin... j'ten dirai pas plus. C'est son histoire."

Le visage déçu et frustré du loup se détourna de celui de son hôte dans un souffle puissant passant par son nez. Enfin, qui était-il pour juger de ce qu'on voulait bien lui dire? Ces histoires semblaient perturber le cuisinier, le travailler au corps, comme si il lui était difficile moralement d'en parler... enfin, s'il ne voulait pas, Syn ne le forcerait pas à en dire plus car son but était différent: ce n'était pas le passé de la dragonette qui l'inquiétait le plus, mais plutôt son état présent! D'un signe de tète très lent, le loup désigna les escaliers ou tout deux montèrent rejoindre la jeune furry endormie. Dans le si peu de temps qu'elle avait été laissée seule, elle avait déjà énormément bougé, laissant ses couchages dans un désordre sans nom.

C'est en rangeant les pierres, rayonnantes encore de leurs lueur orangée, dans le sac qui les contenait initialement, que l'homme, aussi bourru était-il, expliqua à Syn les bienfaits de la chaleur pour les "écailleux". Assez stupéfait et surtout attentif, le loup absorba le moindre mot et la moindre explication que pouvait lui donner le Lenda, se rapportant à l'utilisation des petits minéraux crépitants. L'homme lui demanda ensuite s'il voulait bien s'en occuper... Quelle question?! Sans même prendre la peine de lui adresser un regard, Syn acquiesça de la tête, dans un geste assez rapide, mais à l'amplitude assez faible. Sans perdre une seconde, mais avec des gestes précis, le loup bleu s’exécuta, à l'aide du torchon fourni par l'humain et ce gros sac empli de pierres. Le cuistot resta la les premiers instants, afin de donner encore quelques conseils de derniere minute afin de garantir sa sécurité à lui, et surtout à elle. Les roches étaient brulantes, et même à travers le linge, les pattes de Syn s'endolorirent bien qu'il tenta comme il le pouvait de passer outre. A la vue des premiers mouvements du loup, le tuteur d'Azurellia s'esquiva lentement au travers de la massive porte de bois, une mine triste et affectée au visage.

La disposition des roches, bien qu'elle ne réveilla pas Azy, semblait malgré tout lui faire le plus grand bien, décrispant sans attendre l'ensemble de son corps. C'est pendant un long moment que Syn les manipulât, les plaçant à des endroits accessibles et lui semblant non dangereux pour la furry ailée. Un des personnel de la caravane était dores et déjà venu afin d'allumer un feu dans la petite cheminée qui bordait la petite pièce dans laquelle se trouvaient les deux furry et venait de temps à autre le raviver, permettant à l’être à fourrure de réalimenter les minéraux en chaleur. Son organisation s'était établie naturellement: des pierres à chauffer, d'autres en utilisation. Régulièrement, le cuisiner montait aux nouvelles, et repartait presque aussi vite, déçu du résultat de ce qu'il semblait être la solution au problème écailleux.

La dragonne était très agitée, faisant parfois tomber les roches, que Syn s'empressait de récupérer avant tout incident corporel. Elle semblait parfois reprendre conscience, ouvrant les yeux, mais ne répondant aux sollicitations du loup seulement par un ensemble des phrases sans vraiment de lien avec la question, évoquant certainement des éléments de son passé: il lui était arriver plusieurs fois d’appeler plaintivement sa mère, de s'adresser à un certain Phobos ou même, phrase qu'il reconnut immédiatement, de suggérer "aux garçons" de rentrer étant donner l'heure tardive. Chacun de ces instants d'éveil repoussait encore plus le loup dans ses retranchements, lui faisant ressentir une forme d'impuissance face à une situation bien compliquée... Lors d'un autre des "délire" de la furry à la blonde crinière, bien plus violent cette fois, une légère brise se fit sentir dans la petite chambre. Incrédule, Syn observa toutes portes et fenêtres afin de s'assurer qu'elles étaient belle et bien fermée, et, effectivement, elles l'étaient... Comme si elle avait pu lui répondre, le furry bleu se tourna vers sa camarade endormie, de grands yeux interrogatifs largement ouverts:

"C'est toi qui fait ça?!"  

Lorsqu'il ne maniait pas les sources de chaleur, le loup s'asseyait sur une petite chaise de bois, située près de la porte de la fameuse chambre, attendant désespérément le retour à elle de sa protégée. Les yeux rivés sur le feu, absorbé par son perpétuel mouvement et son crépitement distinct, la patience et le calme de Syn étaient mis à rude épreuve. Aussi bien  il aurait surement pu supporter que la jeune bleue soit inconsciente, mais le fait de la voir souffrir dans son sommeil par de petites crispation du visage et de la mâchoire, ou bien par de très légers gémissements douloureux, le mettait hors de lui. Il ne le voulait pas, mais plusieurs fois, il manqua de s'assoupir... il était très tard dans la nuit, mais il devait continuer, rester éveillé, l'obligeant de temps à autre à se lever et marcher dans la petite pièce... A des heures assez irrégulières, une personne venait lui apporter de quoi se nourrir. Malgré son anxiété, qui lui coupait complétement l'appétit, c'est uniquement par politesse qu'il acceptait de manger une partie de ce qui lui était donné. Malgré son physique et son air impassible, le lupoïde était vraiment mal en point, ayant vraiment du mal à accepter ce qui se passait devant lui, sans réussir à changer quoi que ce soit.

Il y eu tout de même cet instant... le premier jour, la matinée battait son plein, le soleil, déja assez haut dans le ciel filtrait à travers les larges vitres qui bordaient la chambre au premier étage de cette auberge tout en se déposant tranquillement en rayon chaleureux sur le corps chaud d'Azurellia. La furry à la crinière bleue reprit alors très lentement ses esprits. Syn devina que sa tête la faisait visiblement déjà atrocement souffrir lorsqu'elle posa une de ses main autour de ses tempes afin de les serrer. Bien que souffrante, elle semblait consciente, observant avec attention son environnement et son gardien. Le loup ne se fit pas prier pour essayer d'engager une conversation qui ferait aussi office de contrôle médical:

"Bin ça alors, c'était une sacrée sieste que tu nous as fait la!"

La réaction de la dragonne était celle escomptée, et bien que mal en point, elle continua avec lui la conversation. Syn était tout simplement heureux de voir que sa camarade d'un ancien temps se remettait de l'épreuve qu'elle venait de traverser. Ce petit moment de répit fut interrompu lorsque le furry interrogea sa protégée sur son passé, ce fameux temple, ce Phobos et autre... Après une réflexion qui sembla très courte, la dragonne repoussa un cri de douleur intense semblable à celui qu'elle avait exercé la veille auprès de son chariot avant de ressombrer, après de longs instants de souffrance, dans l'inconscience. C'en était beaucoup pour le jeune canidé, qui explosa presque d'une rage incontrôlée, à peine retenue entre ses crocs serrées...

Cette situation dura près de deux jours entiers, épuisant littéralement le furry, dont les pattes étaient brulées de toutes part, petites imprécisions dans ces gestes avec les pierres en signe de fatigue. Ce matin la, le tuteur d'Azurellia entra et s'adressa au canidé, sans même le fixer. Il n'était pas fier de ce qu'il allait faire... Son regard était fuyant et sa voix débordait presque de peine:

"Gamin... t'sais, ces voyages c'est not' gagne-pain, si on part pas maintenant, la vie va être difficile, tu vois? Mais la petite, la... on peut pas la prendre avec nous comme elle est la, tu comprends?
"QUOI?! Nan, mais vous rigolez la?! Vous allez quand même pas la laisser là toute seule?!"

Syn était tout simplement en train de perdre le contrôle de lui même. La situation était fort compréhensible, mais c'est malgré tout révolté qu'il agressa presque son hôte... Ses mots n’eurent pas plus d'effet sur leurs destinataire, déjà suffisamment attristé de devoir laisser Azurellia sur place.

"Mais putain, elle se démène comme une dingue pour faire du bon travail, pour que vous lui fassiez confiance, et tout ce que vous trouvez à faire c'est de la laisser sur le carreau?! Vous avez pensé un peu à elle, quand elle sera remise?!"
"Petit... r'gardes la, t'crois vraiment qu'elle est en mesure de faire le voyage? moi nan. Ce genre d'affaires, c'est déjà dur quand on est en pleine forme, alors malade, j'te raconte pas. Et pi, elle est entre de bonnes mains ici, j'me trompe? Y'a encore quelques personnes qui restent la, hésites pas à leur demander si t'as besoin, et j'ai fait contacter N'owen, il devrait faire c'qu'il faut pour la remettre sur pied. Ça ira, t’inquiètes pas. La p'tite est plus solide qu'elle en a l'air."
"Bon voyage."

La froideur du ton utilisé par le jeune loup consola l'humain dans son idée que la furry ne courait aucun risque, et c'est après un ultime regard vers Azy qu'il referma très lentement la porte pour se mettre sur le départ, le cœur lourd.

Syn quant à lui, continua ses activités des derniers jours, sans vraiment prendre conscience des heures qui pouvaient passer. Toujours les mêmes gestes, les même réactions de la part de "Zeya", continuant de s'agiter dans son sommeil, créant par moment une légère brise ou un grand courant d'air... Pendant ce temps, le loup bouillonnait à l’intérieur de lui même, ruminant en permanence les quelques mots du cuisinier...

"M'étonnerait pas que l'autre fou, là, il lui ai jeté un mauvais sort avant de crever!"

Cette histoire de sort trottait dans la tête du loup... et il savait au fond de lui qu'il devait explorer cette piste... Mais pour le moment, hors de question pour lui de laisser seule sa protegée!

Azurellia resta prisonnière de longues journées des tourments de sa mémoire. Elle voyait des choses qui n'existaient pas, parlait à des gens qui n'existaient pas. Elle ne les reconnaissait pas mais les voyait comme si elle se souvenait d'eux. Parfois, elle sanglotait à fendre l'âme, ou poussait des cris déchirants qu'on entendait deux rues plus loin. Sa mémoire la rendait témoin d'événements qu'elle n'avait pas vécus, et sa logique ne l'acceptait pas, ce qui donnait ces maux de tête.

La dragonne gardait les yeux fermés constamment, et remuait beaucoup dans son couchage. Il lui arrivait même de faire valser les meubles. Certains objets passaient à travers la fenêtre et surprenaient les citadins. Syn s'occupait d'elle vaille que vaille, négligeant sa propre santé. Elle sentait la chaleur des pierres de lave qu'il disposait tout autour de son corps, brûlant parfois les couvertures.

Une fois par jour, quand le soleil dardait sur elle ses rayons bienfaisants, Azurellia retrouvait ses esprits et portait son regard couleur de ciel vers celui de son bienfaiteur. Ils pouvaient échanger quelques paroles, se sourire, grignoter ensemble, et chacun de ces moments aidait l'un comme l'autre à supporter le jour suivant.

N'owen ne répondait pas aux missives... d'aucuns disaient qu'il était loin ou mort.

La caravane des Lendas, les itinérants comme les touristes de passage à Ambarnest eurent vite fait de colporter des rumeurs aux quatre coins d'Aëndryl. Une furry tourmentée par une vie de massacres voyait les fantômes de ses victimes se venger. Un prince écailleux colérique aurait ensorcelé la dragonne afin que personne ne puisse la soigner, car elle avait refusé ses avances, préférant s'enfuir avec un lupoïde. Ou alors cette Azurellia aurait volé un artefact interdit pour sa puissance magique, et n'aurait pu la contenir. Mais quel était cet artefact? Qui était ce prince? Quel mort pouvait ainsi revenir hanter son meutrier?

Une rumeur plus inquiétante encore agitait les religieux de tout poil. On parlait du combat acharné que livrait une dragonne bleue contre l'emprise d'Esus... certains se souvenaient encore de cette famille d'écailleux, qui vivait dans un village non loin de la bordure d'Ainas. Ils étaient partis, pour ne plus jamais revenir. D'aucun disaient qu'ils avaient été abordés par un disciple d'Esus et qu'ils avaient été convertis au sombre culte du frère de Lorlina...

Syn ne comptait pas ni les heures ni les jours qu'il avait passé dans la petite pièce. Trop nombreuses... Ses nerfs s'étaient quelques peu calmés, aidés par une sensation de solitude bien particulière, du fait d’être en permanence aux cotés d'une autre furry assoupie la plupart du temps et souffrante, ainsi que par une routine très marquée et lassante, rendant ses gestes très instinctifs et machinaux. L'inquiétude que le loup avait ressenti jusqu’à présent s'était petit à petit transformée en une forme passive de désespoir.

Cela faisait depuis aussi longtemps que le canidé n'était pas sorti de l'enceinte de la petite auberge, et le monde qui l'entourait lui échappait complétement: Esus aurait pu revenir d'Ambela et détruire l’intégralité de la terre des hommes, Syn ne s'en serait à peine rendu compte. Les rares contacts qu'il avait eu avec le milieu extérieur se résumaient à la petite hybride, serveuse de l'auberge, qui venait régulièrement apporter aux deux animaliers de quoi se nourrir, et quelques charlatans, plus commerciaux qu'apothicaires, venus de la cités portuaire et voulant vanter les mérites de leurs remèdes en tentant vainement de soigner Azurellia, seulement dans le but de se faire une bonne publicité. Ces vendeurs à la sauvette furent renvoyés ni une, ni deux. Le loup ne se rendait vraiment pas compte des rumeurs qui pouvaient circuler là dehors.

Ce matin la, comme tout les autres matin, le lupus luttait de nouveau contre un ensemble composé de sommeil, silence, ennui et solitude. Le combat était très loin d’être gagné, mème s'il semblait tenir ferme. Les pierres de lave étaient en place depuis peu, il restait donc un bon moment à Syn avant de les manipuler de nouveau. Ses yeux se fermèrent lentement afin de palier à un mal de tète né de fatigue et d’anxiété. Il s'abandonnait lentement à un repos bien mérité bien que non voulu. A peine les fenêtres azur de son âme closes, un bruit le sortit de sa léthargie, dans un sursaut puissant, à peine croyable. Quelqu'un venait de frapper à la porte. D'abord surpris, c'est d'assez mauvais poil que Syn passa ses doigts sur ses yeux et son visage avant de lentement se lever pour se diriger vers la porte. Durant son déplacement il put entendre une voix calme bien qu'assurée de l'autre coté de l'élément de bois.

"J’ai entendu parler d’une furry vraisemblablement maudite, est-elle ici ?"

Maudite? mais qu'est ce que c'est que ces conneries?... Il faillit penser tout haut, et c'est sans pouvoir s’empêcher de penser à tous ces satanés chasseurs de fierté et de célébrité que le bleu grogna profondément avant d'ouvrir rapidement la porte, d'un mouvement fort et sec. Ses traits bien qu'assez déformés par la fatigue, montraient une certaine indifférence, voire  une certaine colère face à l'objectif que pouvait rechercher la personne qui venait de s'adresser à lui. Le furry tomba des nues quand il aperçut son interlocuteur: un elfe, visiblement, du fait de la forme de ses oreilles, à peine plus petit que lui, et muni d'un faciès d'un enfant. Il portait une bure assez ample, qui dissimulait largement les formes de son corps. Il ressemblait à tout sauf à ce que Syn s'attendait à trouver dans le petit couloir. Les yeux écarquillés, le loup observa de haut en bas le jeune homme qui se tenait devant lui. Que pouvait-il bien vouloir? Qu'est ce que sa présence pouvait bien cacher? Dans un très léger mouvement de tète, le canidé effaça son air confus afin d'en reprendre un autre, bien plus assuré, mais aussi bien plus froid, presque agressif. La défense et la protection d'Azurellia primant sur le reste.

"Tu es qui? Et qu'est ce que tu lui veux?"

Sa voix, brutale et acérée ainsi que son regard de feu malgré sa dominante bleue auraient suffit à démonter les volontés des escrocs et passants trop curieux en un rien de temps. Mais l'elfoïde devant lui ne semblât aucunement baisser les bras? Ou bien il possédait une assurance bien supérieure... Ou bien il en savait plus que ce que Syn pouvait le penser, et savoir lui-même?    

"Je suis un Archiviste, et je suis spécialisé dans la magie sous toute ses formes, laissez-moi vous aider."

Le loup haussa un sourcil. Les archivistes... Ce nom ne lui était pas spécialement inconnu, mais le peu qu'il en savait traitait d'une faction d'érudits, étudiants tout ce qui peut être étudié, magie comprise... M'étonnerait pas que l'autre fou, là, il lui ai jeté un mauvais sort avant de crever! Ces mots résonnèrent de nouveau en lui. Peut être que pour une fois, le destin avait mené à lui une personne qui pourrait l'aider? Le fameux N'Owen ne répondait pas à l'appel, les fils du vents étaient bel et bien partis, et l'ensemble des habitants de cette région semblaient vouloir apporter leur aide simplement par intérêt, ou simplement pour confirmer telle ou telle rumeur... Mais si un membre des archivistes se trouvait là devant lui, il se pourrait bien qu'il puisse le guider sur une éventuelle marche à suivre pour soulager la dragonne de sa propre prison.

Syn se décrispa et s'adressa alors aussi calmement que lui au petit elfe qui était venu frapper à sa porte. Son regard se perdit un instant sur le plancher de bois lorsque les mots sortirent, assez lentement.

"Un archiviste, hein?..."

N'ayant plus vraiment d'autres solutions, le bleu se décida tant bien que mal à accepter l'aide de l'archiviste, bien que n'ayant aucunement confiance en aucun mage... D'un signe de la tête, il invita le petit homme aux oreilles pointues à entrer dans la petite chambre. La chaleur qui y régnait faisait affreusement contraste avec la fraicheur qui enveloppait le couloir. Dans un ton qui dissimulait mal son désespoir, Syn adressa une phrase à l'étudiant en magie, plus dans le but de se rassurer qu'autre chose.

"Maudite vous avez dit? Vous avez l'air d'en savoir bien plus que moi à son sujet..."

Les yeux rivés sur le jeune elfe, le loup surveillait le moindre de ses gestes, suspectant tout et n'attendant pas vraiment de résultat concluant... mais l’espérant malgré tout!

Loup et elfe étaient entrés dans la petite pièce emplie d'une chaleur étouffante, presque asphyxiante. Cela faisait des jours que Syn n'en était pas sorti, bien trop occupé et préoccupé par l'état de santé, non à son maximum, bien que constant, de la dragonne bleue. Tellement longtemps, qu'il en avait presque oublié l'écrasante, voire oppressante température qui régnait dans la petite pièce, ses rares irruptions dans le petit couloir n'ayant seulement pour but que de virer les précédents imposteurs prétendants à la guérison d'Azurellia à grands coups de pattes dans le train, ce qui avait eu pour effet de "légèrement" l'agacer. Le canidé s'était rendu compte de l'agressivité dont il avait fait preuve envers l'archiviste, et regrettait presque la froideur et la violence dans ses premiers mots. Après tout, qui aurait réellement envie d'aider la personne qui viens de gratuitement l'envoyer balader? Bref, mal était fait, mais pas besoin d'en rajouter!

La remarque que les pensées du lupoïde avaient désespérément laisser filtrer à propos d'une possible malédiction et du savoir ne tomba pas dans une oreille de sourd, mais plutôt dans celles, aussi pointues soient-elles, du jeune elfe, qui rebondit dessus, ni une, ni deux! D'un ton calme et assuré, il s'était adressé au furry. Un ton simplement professionnel.

"Au contraire, c’est vous qui en savez plus que moi. Tout ce que je sais d'elle c’est ce que les rumeurs racontent, et beaucoup se contredisent entre elles. J’ai parlé de malédictions car cette histoire était commune à 47,14% d’entre elles, mais à part ça le seul dénominateur commun concerne le fait que cela touche une furry qui se trouvait dans la région d’Ambarnest."

Des rumeurs? Des malédictions? 47,14%? Dénominateur commun?! Mais qu'est ce que c'est que ce bordel... Syn resta quelques secondes ébahit par ce que venait de lui annoncer l'archiviste elfique. Les sourcils haussés et les yeux ronds et grands ouverts, le furry à fourrure essayait, comme il le pouvait malgré son état avancé de fatigue et de stress, de décoder ce que l'on venait de lui dire. Que pouvait-il se raconter en dehors de ces murs? Des rumeurs?! Mais comment? M'enfin, au moins une explication au nombre important de visiteurs venus confirmer la présence d'une furry endormie aux prises avec elle-même. Cette révélation, sans pour autant l’inquiéter, préoccupa malgré tout l'animal: qui sait quel genre de personnes pourraient attirer de telles histoires?! La n'était pas la question pour le moment: un personnage était présent dans la chambre, possiblement en possession d'une clé qui pourrait délier toute cette histoire... Pas le temps pour les rumeurs!

Syn se repris rapidement en main malgré le brouillon que toutes les informations simultanées pouvaient créer dans son esprit. Malgré cela, avant même qu'il ne puisse dire le moindre mot, l'archiviste s'adressa de nouveau à lui, de son air toujours très serein et maitrisé:

" Pouvez-vous me dire tout ce que vous savez sur le mal qui la ronge ? Comme je vous l’ai dit vous c’est vous qui en savez le plus sur sa situation, et j’ai besoin de mettre les choses au clair par rapport à tout ce que j’ai entendu."

Le lupus mit un temps avant de réellement cerner ce que lui demandait le jeune érudit: un peu perdu dans ses songes, sa concentration était, malgré tout, très loin d’être à son maximum. C'est lorsqu'il se rendit compte que son interlocuteur avait en main, sortit d'il ne savait ou, un carnet et une plume, qu'il prit vraiment conscience de ce qu'il était attendu de lui. Son regard de loup se perdit de nouveau face à lui, sur les pierres de laves incandescentes qui crépitaient très faiblement sur et autour du corps d'Azurellia, sur la très légère brise qui parcourait l'endroit, pourtant clos... Non, Syn ne s'attendait pas vraiment à cette question. Du moins, ce n'est pas ce à quoi les autres charlatants l'avaient habitué! C'est hésitant et cherchant ses mots qu'il se lança, lançant ce qu'il pensait être la meilleure réponse dans un désordre incommensurable.

"Euh... Le mal qui la ronge... Par ou commencer... Déjà, ça fait plusieurs jours qu'elle est dans l'état dans lequel vous pouvez la voir: assoupie, agitée et crispée. C'est le cuisinier de la caravane qui m'a donné ces pierres des lave, que je chauffe et dispose un peu à droite à gauche pour la réchauffer, et ça lui fait visiblement du bien... Quoi d'autre... Si! Le même cuistot m'a parlé très rapidement d'un N'owen, d'un temple, et peut être d'un mauvais sort, mais j'ai pas tout compris, et il a pas voulu m'en dire plus... Ah, oui! Pour finir, il y a des moments ou elle se réveille, plus ou moins à la même heure je crois, mais ça dure jamais vraiment longtemps. Puis y'a ce petit vent la, des fois ça grandit, mais je me l'explique pas, je crois que c'est elle qui fait ça, mais je pourrais pas le jurer... Vous savez, ça fait très longtemps que je l'avait pas vue, je sais pas ce qu'il a pu lui arriver dans les... quinze dernières années?"

Le regard du canidé se ferma un peu, et ses mâchoires se serrèrent. Il était visiblement très perturbé par cette situation qui échappait à tout contrôle et surtout, à tout entendement de sa part. Malgré que le moment n'était pas encore venu, Syn pris la décision de remplacer et replacer les pierres de lave précédemment disposée, surtout afin de recouvrir ses moyens et d'esquiver un possible regard de l'elfe. Il était temps de trouver une solution, qui sait combien de temps le furry pourrait encore tenir le coup avant de sombrer dans la folie? Les yeux toujours fuyants, il s'adressa de nouveau à son possible rédempteur, soucieux de pouvoir l'aider au maximum. Syn n'aimait en rien les mages en tout genre, et même tout ce qui pouvait concerner ces pratiques magiques, mais il devait bien se rendre à l'évidence: il n'avait pas le choix. De même, la personne qui se trouvait à son coté n'était pas semblable à toutes les autres qui avaient défilées une par une dans la modeste auberge. Celui la avait plus l'air de s’intéresser au problème en lui même qu'au répercutions de sa résolution, ce qui poussa le bleu à fourrure à lui faire un minimum confiance... Un peu!

"Si vous avez la moindre question, je suis à votre disposition, n'hésitez pas!... Oh, simple curiosité: en tant qu'archiviste, quels sont vos domaines et vos capacités? Enfin... C'est quoi votre job en gros? Oh, et c'est quoi votre nom?

Une rétrospective de lui même faillit le faire ironiquement sourire. Lui qui était, en règle générale, la provocation incarnée, l'insolence juvénile par excellence et le sarcasme en personne, se trouvait la bien pitoyable face à cette situation particulière. Lui qui avait combattu des furry ours à mains nues, réduit à à peine être capable de croiser le regard d'un mathémagicien elfe... Mais bon, il n'y avait pas que sa fierté en jeu cette fois ci!

La magie avait été, et était toujours un domaine très peu connu de Syn. De sa pratique, ses spécificités, ses nuances et différents types, il ne connaissait presque rien, à peine les plus grandes lignes. Istats, Hinangols ou Hunas ne faisaient aucune différence dans son esprit: c'était de la magie, un point c'est tout. Ce ne fut pas un manque d'ouverture spirituelle qui le poussa à refuser d'étudier ces compétences en même temps que son frère jumeaux, Laex, mais plutôt une divergence d'esprit et d'objectif: à la différence de son semblable, lui, en aucun point, ne recherchait une quelconque source de savoir ou de pouvoir superficiel, se contentant de ses connaissances bien plus pratiques et terre-à-terre en matière de chasse, d'orientation et éventuellement de combat... Rester assis en permanence derrière un livre dans le seul but de lancer une boule enflammée? Jamais de la vie! Toujours était-il que cette vision de la maitrise du flux cachait un inconvénient majeur qui demeurait dans une méconnaissance totale, voire une appréhension presque viscérale de ce domaine psychique, qui pouvait dans certains cas mettre le lupoïde en porte-à-faux ou dans des positions d'impuissance ou d'incompréhension, ne sachant pas comment réagir dans diverses situations mettant en œuvre le flux... Ce qui était tout à fait le cas actuel.

Le discours que le canidé avait servit à l'archiviste était hésitant, décousu et très peu clair. Finalement, il était l'image des pensées de Syn au moment même ou il débitait tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin au mal qui laissait la furry d'écaille dans un était second. Rien n'était vraiment clair pour lui: il avait déjà été malade, blessé, exténué, névrosé... Mais rien ne correspondait avec ses expériences passées. Il ne connaissait premièrement pas la composition physiologique des dragons, et par conséquent leurs besoins en chaleur ou autres éléments, mis à part ce que le cuisinier avait bien pu lui expliquer avant de partir. Deuxièmement, quelques bases en magie mineure auraient peut être pu l'éclairer, ne serait-ce qu'un minimum, sur les événements qui se produisaient devant lui. Rien de tout cela... Ce qui le rassura sur un minimum sur ses capacités, fut que même un archiviste spécialisé en magie sous toutes ses formes semblait partir du même point que lui, de zéro... Cette idée le rassura seulement une fraction de secondes, avant de disparaitre, balayée par une vague d’inquiétude... Apres tout, si l'elfe n'arrivait pas à collecter plus d'éléments, à trouver une réponse à cette énigme, qui le pourrait?!

L'archiviste, après avoir noté les éléments sur son carnet, aussi brouillons furent-ils, sorti un livre de la sacoche qu'il portait et se mit à lire aussi silencieusement qu'une tombe. Le loup azur ne savait pas vraiment ou se mettre: debout au milieu de la pièce, il fixait le lecteur un sourcil arqué et le regard interrogatif, regardait ses propres mains brulées maintes et maintes fois par la manipulation des pierres de lave, avant de les passer sur son visage et de souffler lourdement. Nerveusement, Syn avait demandé un peu plus d'informations à propos de l'elfoïde, son nom et une brève description de son activité d'archiviste. Il obtint une réponse brève, concise et précise:

"Je m’appelle Duarna Ninhed, et je suis spécialisé dans l’étude de la magie sous toutes ses formes."

Quelle suite pouvait-il donner à cela? L'homme était concentré dans son bouquin, après tout... Seuls deux mots s'échappèrent d'entre les crocs du furry... Euh... Ok...

Une fois sa lecture, qui paru interminable pour le furry, terminée, Duarna se leva et tout en marchant aléatoirement dans la pièce, marmonna des tas de choses plus ou moins compréhensibles et sensées aux yeux du furry, suites de pourcentages, d’hypothèses, de schémas d'actions possibles, ou autres... Syn, les yeux perdus sur le plancher de bois, une oreille levée et écoutant aussi attentivement qu'il le pouvait, les yeux grands ouverts en guise d'incompréhension.

"Détection de la magie… Probabilité de réussite : 89,9%... Probabilité que les données analysées soient utiles : 6,5%... Je serais incapable de savoir si le flux vient d’une malédiction issue d’une magie ou d’un contrôle involontaire sur le vent de sa part…"

L'animal trépignait presque d'impatience: il voulait une réponse! La fatigue, liée à sa nervosité et au fait qu'il ne saisissait pas tout ce que pouvait lui expliquer l'érudit, commençait à peser lourdement. La chaleur presque étouffante qui enveloppait la petite pièce le faisait se sentir horriblement mal à l'aise... Lui qui était habitué à vivre en extérieur, le simple fait de ne pas avoir mis les pattes dehors depuis plusieurs jours le rendait presque dingue. Plusieurs fois il avait songé à abandonner. Plusieurs fois il s'était dit que la peine était perdue et que de lui mème il ne pourrait rien faire de plus que de chauffer et disposer ces petits bouts de cailloux incandescents. D'un coup, d'un seul, le magicien s’arrêta net et fixa le canidé droit dans le bleu de ses yeux. Syn connaissait ce regard, celui qu'il arborait souvent et qui disait "J'ai une idée, 'faut qu'on essaye!". Ce regard lui redonna un nouveau souffle d’espérance: peu importe ce qu'il avait trouvé, il avait trouvé quelque chose, et c'était déjà une bonne avancée. Tout en soutenant le regard de Duarna, le loup de saphir écouta attentivement:

"Nous pourrions peut-être tenter de rentrer en contact avec elle, avec ses rêves du moins, peut-être que nous pourrions apprendre quelque chose d’intéressant quand à ce qui lui arrive, mais pour cela je vais avoir besoin de vous."  

Entrer en contact... Avec ses rêves?! Syn n'avait pas du tout saisit ce que l'elfe voulait de lui, et le fixa d'un nouveau regard interrogatif tout en ouvrant la gueule pour demander une explication. Pas le temps. Avant même que le furry bleu n'ait le temps de lancer le moindre mot, Duarna s'était rassit, bille en tête à la table sur laquelle il avait lu son manuel ou on ne sait quelle livre de magie, prenant d'autres notes, exécutant à la vitesse de l'éclair des calculs qui semblaient bien compliqués. Le canidé, gueule bée et entre-ouverte, pataugeait clairement dans l'incompréhension. La réaction de l'archiviste, active et dynamique, tranchait fortement avec le calme et la concentration qu'il arborait en lisant le livre seulement une minute plus tôt. L'enthousiasme du demi-sang était presque palpable, et Syn s'autorisa même un très léger rictus à la vue du soudain débordement d'activité de son interlocuteur. C'était un signe d’espérance! Un bon signe!

"Je peux tenter un sort permettant d’explorer les rêves de quelqu’un, c’est un sort assez difficile à lancer mais en me concentrant suffisamment je devrais avoir 68,24% de chances de le réussir. Le problème c’est qu’il faut que je garde ma concentration durant l’exploration, et si je tente d’explorer moi-même son monde onirique, la stabilité du sort pourrait descendre à 40,32%, voire 25,17% en fonction de ce dont elle rêve. C’est pour ça que, afin que je puisse garder ma concentration, il faudra créer un lien entre vous et elle."

Syn réfléchit un court instant, le temps d'analyser tout ce qu'il venait de lui être dit... Sort... Explorer rêves... Chances de réussir... Moi-même... Stabilité descendre... Lien... Vous et elle.... Il se figeât fronçât les sourcils tout en réfléchissant à la suite de mots qui défilait dans sa tête, essayant d’être sur de bien avoir saisit le fond de la chose. Il repassa tout en revue, une fois, deux fois... Trois fois. Au fond de lui, il savait très bien ce que Duarna attendait de lui, mais son appréhension et sa peur de la magie avaient pour l'instant le dessus, c'est pourquoi il mêla son regard à celui de l'humanoïde, voulant être certains de bien saisir le sens de ce qu'il lui demandait de faire.

"Donc, en résumé, tu vas lancer un sors qui a déjà une chance sur deux de fonctionner, pour que moi, je puisse aller visiter les rêves d'Azurellia, simplement parce que tu peux pas le faire toi-même sinon ça foirerai à coup sur?... C'est bien ça, hein?"

Une certaine forme de tension était apparue sur les traits du loup, sorte de pincement, de réticence à ce mode d'action. Il mit ses pattes derrière sa tête tout en la baissant, semblant réfléchir. Semblant seulement! Ce n'était pas dans une réflexion qu'il s'était lancé, mais dans un exercice de persuasion personnelle: au fond de lui, il savait qu'il n'avait pas le choix, mais une autre partie de son être refusait catégoriquement ce genre de pratiques. Il restât ainsi une bonne dizaine de secondes avant de se redresser et de s'adresser à Duarna, un ton un peu rude, nerveux et tremblant.

"Est-ce-que... C'est vraiment la dernière des solution? Je vais être honnête: j'aime pas ça du tout, la magie c'est absolument pas mon truc... J'ai absolument pas confiance... Et le pourcentage d'échec? Qu'est ce qu'il en est? Et si ça fonctionne pas, que j'y arrive pas? Et qu'est ce qui se passe si tout part en vrille?"  

Le loup parlait de plus en plus fort et de plus en plus vite. En réalité, ce n'était même plus lui qui s'exprimait, mais ses nerfs. Les poings serrés, le cœur à cent à l'heure, il commençait à lentement perdre le contrôle de lui-même. Fort heureusement, il se rendit bien vite compte de son comportement tout à fait déplacer envers celui qui mettait en œuvre ce qu'il avait pour aider les deux furries, puis posa son regard sur la dragonne assoupie et souffrante. Syn se figeât de nouveau et fixa une nouvelle fois l'archiviste, les yeux malgré tout bien humides. Il soufflât énergiquement tout en fermant les yeux, simplement pour reprendre ses esprits.

"P... Pardon... Bon, on va le faire... Il reste plus que ça de toute façon. Est ce qu'il y a des choses en particulier que je dois faire?"

Le canidé se mit à la disposition de l'elfe. La décision qu'il avait prise ne lui faisait pas plaisir, mais au final il ne lui restait que ça. Partir et laisser Azurellia en l'état? Il ne se le pardonnerai pas. Mais pourtant, il ne pouvait pas non plus rester ici, éternel protecteur d'une âme en perdition, emprisonnée dans un corps presque inanimé. Mais quel bordel... Qu'est ce que je suis en train de faire?

Azurellia se battait depuis une éternité dans les méandres de son propre esprit. Elle était face à une porte infranchissable, barrière entre la dragonne et quelque chose d'essentiel, qui lui manquait viscéralement. Elle ne pouvait pas vivre une seconde de plus sans ce qui se trouvait derrière cette porte, et s'acharnait, avec colère, avec désespoir, de toutes ses forces contre le panneau de bois ferré.

Bien sûr, "porte" était un concept plus qu'un objet, dans le monde spirituel. Tantôt l'obstacle avait la forme d'une montagne abrupte, tantôt c'était un rempart de ronces épineuses. Azurellia voyait aussi un miroir glacé, une cascade infinie, un abîme infranchissable ou un volcan en éruption, suivant le moment. Quand la porte devenait le miroir de glace, cela ne reflétait pas toujours la dragonne. Parfois, elle voyait d'une façon très floue des choses, comme à travers une vitre givrée.

Mais la dragonne n'abandonnerait pas avant de savoir, ou de voir, ce qui se trouvait derrière, à travers, tout en haut ou tout en bas. Elle avait compris qu'elle était prisonnière dans un rêve depuis peu, et tâchait d'influer sur la réalité subjective qui l'entourait.
Azurellia réussissait à présent à respirer à travers l'eau de la cascade, et pour ne pas ressentir la brûlure de la lave, il suffisait de l'oublier. Plus facile à penser qu'à réussir, mais ça venait, peu à peu. Pareil pour la barrière de ronces, leur piqûre ne lui faisait plus rien, puisque ce n'était pas son corps physique qui était blessé.

Cependant, il lui manquait encore quelque chose, une force, une volonté, pour briser l'obstacle dans sa mémoire. Depuis les tréfonds de sa conscience, Azurellia craignait ce qui se trouvait derrière la porte. Elle avait peur, oui, peur que ce savoir la brise, la perde, la tue. Ce qui était certain, c'est que la connaissance de ce qui se trouvait derrière allait changer sa vie, pas moins, car sinon, pourquoi serait-ce enfermé à double tour dans son esprit?

Seule depuis une éternité - la notion du temps est également subjective, quelque part où on ne peut ni avoir faim, ni être physiquement fatigué - Azurellia ne remarqua pas tout de suite le corps derrière elle. Elle ne le vit qu'après avoir hurlé en s'esquintant les griffes une nouvelle fois contre le mur de pierres trop lisses.

Il s'agissait d'un elfe aux oreilles pointues... Azurellia ne le connaissait pas, et elle s'en méfia. C'était désagréable de savoir qu'un étranger était dans son rêve, comme quand on se couche dans son lit et qu'on se rend compte que quelqu'un d'autre l'a utilisé.

Azurellia se tint en retrait, ne quittant pas des yeux l'intrus.

- Qui êtes-vous... comment avez-vous fait pour venir ici?


Le mur de pierre était devenu une fois de plus miroir de glace. Il pouvait avoir la taille d'un grand miroir ou être gigantesque, cela ne changeait rien.

Cette fois-ci, par contre, un élément nouveau la fit se retourner d'un bloc, avec un mouvement menaçant de la queue. Ses ailes claquèrent et ses oreilles se couchèrent.

Azurellia était persuadée d'avoir entendu hurler un loup...

Elle s'approcha du miroir jusqu'à le toucher, et frotta sa surface du givre intangible qui parsemait sa surface. L'image devint un peu plus nette... c'était un louveteau, manifestement très triste.

- Qu'est-ce que... chuchota-t-elle à ce reflet étonnant.

Syn, crispé, les yeux entièrement fermés plus fort que de raison, attendait. Qu'attendait-il? Tout et rien, finalement. Comme depuis des années, il ne connaissait strictement rien à la magie. Mais genre, rien de rien!... Dans le cas qui se présentait à lui, et dans un dernier souffle d'espoir pour sortir sa camarade à écailles de son état d'inactivité continue, Il avait du faire confiance. Certes, il était plutôt du genre méfiant, surtout avec les étrangers, et encore plus avec les mages, et même avec les archi-jenesaisquoi. Pourtant, malgré ses réticences, c'est bien malgré lui qu'il avait accepté l'aide de Duarna Ninhed. Il ne lui restait plus que cela de toute façon. Il ne pouvait pas non plus se résoudre à rester ici éternellement, dans cette pièce, dans cette auberge, dans cette ville. Le petit elfe lui avait grossièrement expliqué la base de sa théorie, calée sur des calculs et des probabilités rocambolesques et aussi abstraites les uns des autres, mais dans l'idée, Syn allait "entrer" dans l'esprit de la dragonne de façon spirituelle. Du moins c'est ce qu'il avait compris!

Le jeune homme était resté silencieux durant tout le temps de sa manipulation, que n'avait donc pas pu observer le canin, augmentant nettement sa crainte et son anxiété. A chaque son, chaque souffle, chaque mouvement, il ne pouvait s’empêcher de croire, de penser que c'était parti, que tout allait commencer, le laissant dans cette insupportable attente, livré à cette horrible sensation d'inconnu. J'aime pas ça du tout... C'est donc complétement tendu, livrant son sort et possiblement celui de la dragonne à un parfait inconnu, qui plus est, ayant l'intention de le faire participer, lui, à son rituel.

Finalement, alors que Duarna annonçait l'accomplissement de son sort, le loup se senti instantanément comme... Aspiré? Comme si le contenu de sa boite crânienne s'envolait vers les cieux, tandis que, lamentablement, tombait le reste de son corps. Comme si son esprit se séparait de son enveloppe, s'en retrouvant littéralement éjecte. Puis cette étrange sensation de légèreté, d'apesanteur, comme si le canin s'était retrouvé dans un espace ou la physique ne s'appliquait aucunement. Ni son, ni lumière, ni rien d'autre... Seulement lui, flottant indéniablement dans ce vide sombre. Soudainement, il lui sembla apercevoir une sorte de lueur, sortie de l’obscurité la plus totale et se rapprochant à toute allure. Ou bien était-ce lui qui se déplaçait vers elle? Non... A la manière d'un réveil, le monde apparaissait lentement autour de lui. Un ciel, un sol, une bâtisse fermée d'une porte de bois... Qu'est ce que?!... Le lupoïde resta un long instant immobile, observant nerveusement autour de lui. Tout paraissait si réel, mais, en même temps, quelque chose n'allait pas, comme une étrange et inexplicable sensation totalement indescriptible.

Tout cet environnement paraissait clairement réel, mais le canidé connaissait pertinemment la manipulation en cours, Azurellia, Duarna, la magie, les esprit et tout et tout... Alors que faire? Libre de ses mouvements, de toutes emprises... Il n'y avait dans cet endroit que la petite cabane fermée d'une massive porte de bois ferrée. Syn en approcha, un pas après l'autre, lentement et calmement. Qu'allait-il découvrir au delà? Finalement, était-ce une bonne idée qu'avait eu l'archiviste? Les doutes l'envahirent en une fraction de seconde, mais, sans vraiment les prendre en compte, il continua d'avancer, encore et encore. Une réflexion encore plus intense lui effleura l'esprit. Si son esprit se trouvait ici bas, qu'en était-il de son corps, de son... Lui? Que se passait-il dans le monde "réel"? Ou peut-être était-il mort? Seulement une âme sans enveloppe se rendant dans son ultime demeure? La situation était propice à un frisson, mais rien ne se produisit...

Dans son élan, le loup de saphir avait dors et déjà atteint la porte. Basique, formée de bois massif et de fer grossièrement travaillé, elle ne possédait aucune gravure, aucun signe distinctif. La maisonnette elle même était d'une simplicité déconcertante, faite de pierres de grande tailles à peine taillées et d'un toit de bois simpliste. Syn posa sa main sur la poignée et la tourna. Et merde!... Fermée... Il essaya un peu plus fortement, et encore un peu plus, allant presque jusqu’à l'acharnement sauvage. Si bien qu'il en attrapa chaud et un mal de tête effroyable. Puis tout ce monde abstrait se flouta petit à petit, comme si le bleu perdait petit à petit connaissance. Comment était-ce possible? Il n'était pas supposé être dans un monde physique! Il y retourna une dernière fois, encore plus violemment! Mais avant même que la fin de cette action n'arrive à terme, au moment ou il se saisit de la grosse poignée de fer, ses jambes cessèrent de le porter et il s'écroula sur place, comme assommé. Inconscient...

Lorsqu'il ouvrit les yeux, ses maux de tête atroces et cette chaleur intense qu'il avait ressenti quelques secondes plus tôt se ressaisirent de lui. Ouvrant avec peine ses yeux, c'est dans la petite chambre à l'étage de l'auberge des Lendas que se trouvait le lupoïde. Pourtant, quelque chose clochait... Il avait parcouru cette pièce dans tous ses sens, en long, en large, en travers et plus encore! Mais oui! Tout était sans dessus-dessous! Les meubles renversés et parfois brisés, le bois pour le feu éparpillé, les pierres de lave semées à droite à gauche et brulant par endroit le sol de bois, Duarna gisant au sol... Seule demeurait intacte et inchangée Azurellia, toujours aussi inerte qu'avait. Sans trop chercher plus que de raison, le loup d'azur se déplaça comme il le pouvait, c'est à dire difficilement, vers le jeune elfe, le secouant doucement, puis de plus en plus fort afin d'en savoir plus sur ce qu'il venait de se produire.

"Allez, bordel!! Réveilles-toi, toi aussi! Racontes-moi!"

Les choses n'avaient pas grandement avancé. Qu'en était-il du sortilège de l'archiviste? avait-il fonctionné? Avait-il vu quelque chose de plus que lui? Reprenant peu à peu ses esprit, Syn prit conscience d'une nouvelle chose: il venait de pratiquer un "voyage" à l'aide de son esprit seulement, quittant entièrement son monde physique et réel pour le monde de l'âme et du rêve. Il se sentit soudainement assez mal, comme prit d'une effroyable nausé. Il se tint au mur le plus proche afin de ne pas défaillir... Quand l'elfe se réveillerai, il aura une sacrée quantité de questions à laquelle porter des réponses!

Autant qu'il existe pour chaque interrogation la réponse du poète et celle du savant, il existe pour chacun d'entre nous un monde physique, bien réel, et un monde imaginaire, fruit d'un mélange d'idées, de vécu et de connaissances propres et personnelles. Ces deux univers, bien que foncièrement différents, se trouvent être malgré tout étroitement et indéniablement liés, voire à être considérés comme indissociables.

Le premier, celui dans lequel évolue le corps, est celui de la logique, de la raison, de la véracité. Un monde ou tout ou presque peut mathématiquement être expliqué et calculé. C'est dans cet univers solide que chacun d'entre nous se construit, se développe, se transforme et, éventuellement, se détruit... C'est dans ce monde que se créent les relations sociales, amicales ou non, que se forgent les corps et les caractères, que se savourent les victoires et que se subissent les échecs. Cet univers est comment à chaque être vivant sur ces terres, partageant ses bons et mauvais cotés à tous, et offrant ses beautés et ses horreurs.

En opposition se trouve le monde imaginaire. Tout à l'inverse du monde physique, il est propre à chaque être vivant, composé de son vécu passé, de ses aspirations, de ses haines, de ses craintes, de ses amours... De tout ce qui le définit en tant que personne morale... Bien que crée de toute pieces par son propriétaire, il n'en reste pas moins modelable par son créateur, modulaire et évolutif de jours en jours. Ces changements et variations peuvent et sont généralement dues à l'évolution de l'était d'esprit du maitre des lieux: chaque action, découverte ou révélation de l'univers physique est susceptible de modifier le fond, la forme et aussi le principe de fonctionnement du monde immatériel. Inversement, les fondements qui composent la partie irréelle de l'univers peuvent influer sur les réactions et décisions prises dans le monde materiel.

Bien qu'invisible et fortement instable il semble malgré tout exister une passerelle entre ces deux univers, liant chaque êtres entre eux, de par le corps et le subconscient


Tout dans la pièce était à un endroit différent de sa place normalement attribuée. Des objets étaient brisés, d'autres éparpillés... Une odeur de brûlé avait déjà prit possession de l'espace. La pièce était méconnaissable. Tout ce remue ménage avait du causer un vacarme assourdissant, si bien que les membres du personnel de l'auberge et les autres Lendas accouraient déjà en direction de la petite piece, ou régnait désormais une ambiance quelque spéciale... Très étrange. Lorsque la magie rencontre le monde réel, nulle ne peut à coup sur affirmer que tout se passera bien.

Finalement, l'archiviste revint à lui, non sans que Syn ne le secoue de façon fort brutale: il n'avait pas besoin d'une deuxième personne dans le coma ici! C'est dans un sursaut qu'il ouvrit machinalement les yeux, appréhendant une seconde son environnement, puis affichant un petit sourire satisfait avant de sombrer dans ses pensées. Le loup ne savait pas ce qu'avait trouvé l'érudit, mais ce dernier en semblait enchanté.

"Fascinant ! Absolument fascinant !"

Fascinant... Fascinant!? Le canin ne l'entendait pas de cette oreille. Pour lui tout ça était loin d'être fascinant. Jamais il ne voudrait recommencer une telle experience. Toutes ces sensations étranges, ce monde hors du commun, son état second, tout ce bazars dans la pièce... Le lupoïde avait une multitude de questions à poser à l'elfe: Que s'était-il passé lors de l'experience? avait-il trouvé une solution? Si oui, qu'allait-il se passer pour la suite? Que devaient-ils faire maintenant?

D'un geste rapide, l'elfe se dégagea des mains du furry, qui ne l'avait pas lâché depuis qu'il l'avait chahuté pour lui faire reprendre connaissance. Sans dire mot, il se précipita autour de la piece cherchant quelque chose... Son carnet?! Oui, Duarna venait de récupérer son carnet qu'il avait utilisé un peu plus tot pour noté d'innombrables choses totalement incompréhensibles pour l'animal, avant de se repositionner à la table, griffonnant sans s’arrêter tout un tas de mots écrits à la va-vite, comme prit d'une quinte de folie, possédé... Durant tout ce temps, le furry était resté bouche bée, s'assit à terre, observant les gestes frénétiques de l'archiviste.

Alors qu'il s’apprêtait à l'interrompre pour lui poser ses questions, la porte de la pièce s'ouvrit, et l'aubergiste y apparut dans l'ouverture. A la vue de son regard et son soupir d'effroi, la scène qu'il découvrit en poussant la porte de bois massif n'avait rien de rassurante. Visiblement, il y avait de quoi s’inquiéter, voire meme se poser des questions sur le bien fondé de la présence du canin et de l'elfe en ces lieux.

"Mais qu'est ce que c'est que ce foutoir?!"

Syn se sentait assez mal. Sa tête tournait en plus de le faire atrocement souffrir, alors qu'en prime son corps semblait absent de toute énergie, comme vide de toute puissance. En plus de tout cela, l'estomac du loup vint à la charge, lui procurant une sensation de nausée et une forte envie de régurgitation. Bwoah... Super... C'est assez désagréablement que le furry répondit à l'homme, pressant ses tempes entre son pouce et son index afin de tenter désespérément de diminuer sa souffrance...

"C'est rien, je remettrait tout en condition, ne vous inquiétez pas..."

La voix de l'homme s'emplit un peu de colère quand à la réponse du loup, à laquelle il répondit, croisant les bras et faisant les gros yeux:

"Qu'est ce que vous avez fabriqué? Et l'état de la chambre? Qui va p...

Descendant son pouce jusqu'a sa joue afin de libérer son chomp de vision, Syn lança un regard agressif à l'homme. Ce n'était pas vraiment le moment rêve pour l'ennuyer. Son état d'esprit des derniers jours, ponctués des derniers rebondissements en dates avaient eu raison de son calme et de sa patience. D'ordinaire assez poli et usant de formes de paroles respectueuses, on sentit bien que le lupin était à bout lorsqu'il répondit? coupant volontairement la parole du maitre des lieux.

"Je pense avoir dit que c'était bon, nan?

Syn secouât la tëte tandis que l'homme fermait la porte, bougonnant dans sa barbe et jurant à son encontre. Loin d'être satisfait de sa réaction, il se tourna cette fois-ci vers le mage, que la brève mais intense conversation n'avait en aucun point dérangé dans son travail, ni meme interpellé. Ca, c'est de la concentration... Soudainement, ce dernier se tourna d'un geste sur sa chaise, pointant son crayon dans sa direction et l'assaillant de questions, dans un rythme endiablé, laissant à peine au furry, à peine remit de ce qu'il venait de se produire, le temps de comprendre ce qu'il voulait.

Vous là ! Que s’est-il passé après que j’ai lancé mon sort ? Est-ce que vous aviez plongé dans les rêves de votre amie comme prévue ? Qu’y aviez-vous vu ? Etait vous conscient ? Si oui quel était son état pendant que moi je ne l’étais pas ? Répondez moi ! Je veux tout savoir dans les moindres détails !

A priori, tout ne s'était pas passé comme l'avait prévu Duarna. Du moins... Savait-il un minimum ce qu'il était sensé se produire? Pourquoi voulait-il savoir ce qu'il s'était produit? N'était-ce pas son propre sort? Et puis... Lui aussi était inconscient, nan? Le sang de Syn montait en pression alors que sa respiration se faisait de plus en plus difficile. Plus les mots s’enchaînaient et moins le loup avait la sensation que tout cela était maitrisé et sans risques pour aucun d'entre eux. La vague de question, accompagnée des doutes et frayeurs de Syn le fit tout bêtement craquer. Il se leva d'un bond, tourna le dossier de la chaise contre le bureau d'un mouvement furieux, puis attrapa le col du Duarna avant de le plaquer violemment contre la construction de bois, qui craqua sous la force qui lui était exercé dessus. Ayant du mal à articuler correctement du fait de ses crocs serrés, Syn Posa son front sur celui de l'elfe, ne lâchant pas son regard.

"Qu'est ce que j'en sais de ce qui s'est passé?! C'est pas toi le maitre de la magie ici? C'est pas toi qui était sensé savoir ce qui devait se produire, nan!?..."

Le furry d'azur se redressa, lâchant sa prise, avant de s'adosser au mur près de la fenêtre, puis de se laisser glisser jusqu’à atteindre une position assise, les mains placées entre ses jambes, la tête et les oreilles basses. Cette situation avait duré que trop longtemps et était en train de lui faire perdre la raison. Dans un léger souffle de désespoir et de désapprobation, il tourna la tête vers Duarna, espérant que ce dernier daigne bien lui répondre après ce qu'il venait de faire.

"Y'a plus grand chose que l'on puisse faire, n'est ce pas?

Le loup de saphir aurait clairement comprit que l'archiviste récupère ses affaires et prenne le large sans meme daigner lui répondre. Tout était allé trop loin et prenait une ampleur démesurée.