L’après midi est déjà bien entamée sur le village furry bordant la foret d'Ainas, le ciel est d'un bleu azur illimité, le soleil rayonne et réchauffe l’atmosphère à la manière d'un feu dans son foyer, la foret semble exposer orgueilleusement sa faune et sa flore, arbres, fleurs, oiseaux,... En résumé, une journée idéale. Bien que modeste, le village offrait un spectacle tout aussi idéal, les habitants, occupés à leurs taches respectives, tannage, forgeage, chasse, semblent opérer dans une bonne humeur et une synergie presque déconcertante.

Soudain, entre deux maisons de bois juxtaposée à l'étendue d'arbres, passent à la vitesse de l'éclair trois jeunes furry, qui ne sont d'autres que Syn, Laex et June, les deux fils du chef du village et leur amie commune. Les 3jeunes louveteaux ont respectivement huit ans pour les jumeaux, et sept pour la petite femelle. Notre trio infernal fonce à travers le village, riant à pleines gueules sans prendre gare à leur environnement: passants évités au dernier moment, volées de plumes de volailles... mais bon, qu'importe, la journée est juste magnifique, et tout le monde au village connait l'énergie débordante de ces trois la! La démonstration du chef de chasse, portant sur la différenciation de diverses espèces animales de la foret est terminée, tous les jeunes furry rentrent chez eux. Syn et June en tête, Laex un peu en retard, trainant un peu la patte, moins endurant que ses deux congénères, arrivent finalement à leurs destination: la devanture de la maison familiale du dirigeant du village.

"Hey, ça vous tente une sortie en foret? sans l'autre gros lourds pour nous dire "CECI EST UN ECUREUIL!"?"

L'imitation du chef de chasse, bien que fort abusée et manquant de finesse, fait bien rire ses camarades. Cependant, Laex, décline la proposition, prétendant devoir étudier et pratiquer encore sa magie du feu, qu'il maitrise depuis bientôt deux ans maintenant. Syn laisse tomber ses épaules, et meme tout le haut de son corps en signe de déception, et regarde son frère, l'air dépité. Depuis qu'il a découvert ses dons de magie, Laex n'est plus vraiment le même, il est comme obnubilé par sa pratique, prenant de plus en plus de distance avec son entourage... il ferme les yeux, secoue la tête et hausse les épaules: tan pis pour lui! Syn se retourne maintenant vers son amie intime. Cette dernière décline aussi cette virée, étant attendue par ses parents. Essayant malgré tout de la garder un peu plus longtemps avec lui, le loup bleu fait les yeux doux, les mêmes que ce fameux chat avec ses bottes! En réponse, June lui sourit, lui fait un clin d’œil complice tout en lui ébouriffant la fourrure au dessus de sa tête, et tourne les talons. Bien que déçu, le lupoïde regarde sa belle s'éloigner entre deux rangées de maisons, l'air heureux. D'un coup, d'un seul, le bout de sa queue fournie le fait souffrir. surpris, il se retourne pour se rendre compte que son extrémité est en feu! ce n'est qu’après avoir soufflé dessus comme un dératé qu'il aperçoit le regard arrogant et le sourire en coin moqueur de son frère, qui se retourne à son tour avant de disparaitre par la porte de la maison... Quel... Pffff!...

Bien que seul, Syn décide tout de même de faire cette balade en foret, après tout, il s'y sent vraiment bien... les heures qui suivent, il les passe à grimper aux arbres, marcher au travers des fourrés, le soleil filtrant au travers de petits interstices entre les nombreuses feuilles des grands, courir après de petites proies, non pas pour les manger, juste pour jouer avec, bien que le pauvre petite animal en question n'ai pas trop l'air d’être au courant! Il prends aussi un peu de temps pour s'assoir au pieds d'un gros arbre, sont préféré, et ferme les yeux comme il aime le faire d'habitude. Lors de ses nombreuses virées forestières, le louveteau aime faire le vide dans son esprit, se concentrer sur son environnement: les sons, les sensations. Ce jour la, impossible de penser à autre chose qu'à June, il aimerai qu'elle soit la... il s'allonge, se laisse aller à ses pensées, puis plus rien.

A son réveil, le soleil est déjà bas à l'horizon. Reprenant lentement ses esprits, Syn marche lentement vers l'entrée du village. Essayant de ne pas penser à son père, qui doit déjà être mort d’inquiétude, il aperçoit au loin les premières lueurs de torches du village. Un sourire au coin des lèvres, il pénètre enfin dans le village, se sentant un peu bête: c'était la première fois que ce genre de situation lui arrivait, et pourtant, ses idées étaient claires. Malgré tout mal réveillé, il atteint le village par le coté bas, qu'il connais très peu, n'ayant aucun camarade de jeu dans ce coin et aucun intérêt d'y aller. Son frère lui a même raconter des histoires de monstres et de fantômes sur ce quartier, mais, dans ses pensées, il trace droit sa route vers la plus haute maison qui est la sienne.

Soudain, au détour d'une allée, son regard se porte sur une silhouette étrange, assise sur un banc devant une habitation de bois. Curieux, sont sourire presque niai disparait lorsqu'il aperçois plus clairement cette "chose" face à lui, laissant place à un air soucieux et méfiant. Le lupoïde bleuté s'approche encore, puis encore, puis encore, jusqu'à voir en détail le petit être. Il n'avait jamais rien vu de tel: une peau bleue, des genres de cornes, et... DES AILES?! Abasourdit, Syn approche sa truffe de l'animal qui le fixe gaiement de ses yeux verts afin de le renifler, lorsque "la chose" tente de poser son doigt griffu dessus. D'un bond en arrière, il s'éloigne, haussant les sourcils et ouvrant des yeux ronds comme des ballons, ce qui fit bien rire le petit être inconnu, laissant apparaitre de larges rangées de crocs. Il observe plus en détail cette apparition surprenante: couverte d'écailles bleues comme sa peau, le fixant avec toujours plus d'acharnement des ses yeux de jade sublimé par une chevelure blond doré, des griffes à chaque doigt, et surtout ces étranges cornes en arbre et ces ailes munies de mains!

"Mais t'es quoi toi au juste?!"

Derrière lui, un bruit sourd! Ni une, ni deux, Déjà plus ou moins apeuré par ce qu'il a devant les yeux, il ne veux pas s'assurer que les monstrueuses histoires de son frère son vraie, il prend donc ses jambes à son coup sans en chercher l'origine, et sans attendre plus de réponses à sa question, filant comme une flèche dans les larges allées du village jusqu’à atteindre sa demeure familiale, bien décidé à parler à son père et à Laex de cette étrange rencontre, bien décidé à en savoir plus! En y pensant, La créature n'avait pas l'air plus dangereuse que ça... elle semblait même amicale?! Ah, en parlant de son père, il est la, et l'attend fermement sur le pas de la porte. Oups, peu importe ce qu'était l’être qu'il avait vu, ça ne pouvais pas être pire que le savon que Syn s’apprête à prendre! Le soleil est maintenant hors de vue derrière les collines environnant le village, illuminant le ciel d'une lueur orangée, finissant sublimement cette magnifique journée.

[Chibi Time!]

Spoiler:

Azurellia était fascinée. Ce petit être avec des cheveux partout qui approchait son museau d’elle… elle eut envie de le toucher, car c’était bien la seule chose qu’ils avaient de pas trop différente sur leurs corps…
Mais il bondit comme un chat surpris avant le contact, et la dragonnette rit de bon cœur. Il était drôle ! Son exclamation ne lui parut ni insultante, ni déplacée, car les enfants qu’ils étaient avaient un cœur innocent.
Elle s’apprêtait à lui répondre, mais son voisin, un furry varan qui réparait son toit, était passé à travers. Le bruit fit détaler comme un lièvre son visiteur inconnu.

La furry ne s’inquiétait pas pour son voisin. Sa mère disait toujours que tant que les gens sont capables de se plaindre, c’est qu’ils vont bien. Et à entendre tempêter le varan irascible, il se portait comme un charme !
En revanche, Azurellia se demandait qui était ce petit…

Il faut savoir que les furry ne se comportent pas comme les humains. D’abord, ils considèrent comme primordial d’enseigner à leur progéniture ce qu’ils doivent savoir. Une citation qui revient souvent « comment un lion peut apprendre à voler à un aigle ? ». La notion de classe et de maître reste donc assez vague. Cependant, pour les furry qui vivent en meute, il est fréquent que tous les parents se partagent la tâche, ainsi les petits de chaque portée obtiennent un savoir équivalent. La suite dépendait de l’orientation du jeune : reprise des affaires familiales, apprentissage ou voyage initiatique étaient les voies les plus fréquentes.

Ainsi, il était tout à fait normal qu’Azurellia ne participe pas aux classes, et qu’elle n’ait jamais croisé Syn. Le village était constitué de plusieurs îlots d’habitations reliés par des chemins fréquentés. Les pionniers s’étaient regroupés par affinités : ceux à fourrure, ceux à écailles, ceux à plumes… La dragonnette avait donc pour voisin un varan solitaire, une petite bande de crocodiles et un iguane. Les autres, elle ne les avait pas bien différenciés, ou pas encore rencontrés.
Bien entendu, le commerce et d’autres tractations diverses ne posaient aucun problème de race. Mais les furry n’avaient ni roi ni empereur, et ne croyaient pas tous en le même dieu non plus. Cela avait pour conséquence un paisible métissage, et une éducation à l’ouverture d’esprit.

L’ouverture d’esprit… une expression bien vague pour un jeune furry. Azurellia, qui ne cachait jamais rien à ses parents, leur conta donc l’apparition « d’un petit chevelu partout partout ». Après une bonne crise de rire, ses parents lui apprirent le mot « fourrure » et que ce petit devait être un loup, à sa description. Elle avait deviné que les furry dragons étaient peu répandus, ou avaient tendance à vivre hors des villes, et c’était donc pour cela que ce loup ne connaissait pas sa famille…
… mais elle avait bien l’intention de lui reparler !

Il venait de la forêt, et était reparti côté ville. Azurellia pouvait en déduire qu’elle pouvait le revoir lors d’une promenade. Dès le lendemain, vers la fin d’après-midi, elle pista son odeur. En longeant le village parallèle à ce bord de forêt, elle finit par tomber sur un fumet plus fort, plusieurs odeurs s’entremêlant dans ce coin. Plusieurs loups avaient leurs habitudes ici… Timide, elle veilla de loin, le temps de reconnaître « son » loup. Il chahutait avec deux autres congénères… l’un d’eux possédait la magie du feu, et s’amusait à enflammer tout ce qui passait à sa portée.
Le troisième s’en alla, laissant son loup et le pyromane en herbe. Ils s’éloignèrent et elle les suivit à bonne distance, contre le vent pour ne pas les perdre.
Son loup se mit à rêvasser, couché en regardant les nuages. Azurellia s’approcha, un peu intimidée.
Elle souffla dans ses narines, comme à chaque fois où elle voulait attirer l’attention de quelqu’un sans trouver quoi dire. Cela produisait un sifflement bref, qu’elle ne savait pas encore moduler comme les grands.

-          Hey. Salut. On s’est vus hier, mais tu es parti trop vite. Je suis un furry dragon, et vous deux… vous êtes des loups, c’est ça ? demanda-t-elle.

Ses ailes, bien que pliées dans son dos, étaient visibles, et ses oreilles dressées en signe de curiosité. Son attitude n’avait rien d’agressif, quand bien même son apparence était impressionnante.

Allongé dans l'herbe, une légère brise venant bouleverser l'équilibre vertical de sa fourrure, Syn observe le ballet des nuages sur fond d'azur, la valse des oiseaux chantant gaiement en quête de leurs moitiés, les allers et venues des petits rongeurs en quête de nourriture. Il pense, un peu à sa douce qu'il a quitté quelques minutes avant, à son étrange rencontre de la veille et au rire rauque de son père quand il lui a racontée, et aussi, tout simplement, à la prochaine bêtise enflammée que lui fera subir son frère Laex, couché à coté de lui et jouant à faire apparaitre et disparaitre une petite flammèche dans le creux de sa main. Tout est si beau et si calme... Absolument parfait!

Un petit sifflement aigu, sort le petit loup de sa transe. Quel est ce bruit singulier? Il tourne la tête vers l'autre lupoïde et s'aperçoit que lui aussi le regarde, un regard interrogateur sur le visage. Il ne rêve, pas, lui aussi l'a bien entendu. Avant même d'avoir le temps de dire un mot, une voix se fait entendre. Surpris, les deux jumeaux sursautent et se redressent d'un bond en direction de cette voix, se trouvant face à un reptiloïde fort peu commun à en juger leurs mines décomposées de peur, et aux mouvements désespérés de leurs pattes pour se replier. Leurs palpitants battent la chamade, et encore plus lorsqu'ils se retrouvent adossé au gros arbre à coté duquel ils s'étaient installés. Le cœur de Laex s’arrête lorsque son regard se pose sur la créature qui se tiens face a lui: il n'avais jamais rien vu de tel, et tétanisé, se cramponne à une touffe d'herbe à sa portée, une ribambelle de goutes de sueur pendues à son front. Le pyromane de la famille veut de toute son âme décocher une rafale enflammée... impossible de faire le moindre mouvement. Quand à lui, Syn, bien que tout aussi surpris que son congénère, se fige. Son regard empli de terreur à la seconde précédente se retrouve maintenant aussi plein d'interrogations. Il penche la tête sur le coté et observe le petit être qui se trouve face à lui. Dans sa tête les souvenirs fusent comme une boule de feu de Laex en pleine face: "la peau bleue, de la fourrure jaune sur la tête, des cornes en arbre, des ailes..."... se pourrait-il que?

"Laex! Laex! C'est la chose que j'ai vue sur le chemin hier soir!

Tout en secouant son frère par l'épaule et en lui criant dessus, Syn continue d'observer l'animal face à lui en le désignant grossièrement du doigt, quand, petit à petit, tout en ralentissant la force et la fréquence des secousses, leurs regards tantôt effrayés et surpris deviennent plus calmes et observateurs. Puis, plus rien... tout semble s’arrêter, et un silence des plus étonnant s'installe. Les secondes semblent éternité. Il ne reste plus que nos deux compères face à cette créature... peut être pas si sauvage et dangereuse qu'ils ne l'imaginaient?

Ils se rendent à l'évidence, elle n'est pas là pour les avaler tout crus! Nettement rassurés, c'est un grand moment de solitude pour les deux jeunes loups. Un nouveau coup d’œil entre les deux frères, qui comprennent bien qu'il n'y a rien à craindre, et les voila qui se lèvent en souriant bêtement, cherchant presque à s'excuser du regard pour leurs réactions plutôt inappropriées. Les voila maintenant, tournant autour de la jeune dragonnette comme deux lions autour d'une gazelle, la détaillant de bas en haut, puis de haut en bas, et en posant une multitude de questions dans un désordre et un fouillis incommensurables:

"Tu as dit que tu était quoi déjà? un gragon?"
"Un DRA-gon! Papa dit que les dragons crachent du feu c'est vrai?"
"C'est quoi ça? des ailes?"
"Tu sais voler?"
"Ça fait mal si j'appuie la?"
"Pourquoi t'es toute bleue?"

Sans même attendre de réponse, les deux jumeaux proposent à leur nouvelle rencontre d'aller jouer dans la foret, à se cacher dans les buissons pour faire peur aux oiseaux, tout en désignant l'immense étendue d'arbres d'un coup de museau. Encore sans attendre de réponse, les voila, détalant à toutes pattes vers la direction donnée tout canis lupus qu'il soient, surexcités encore plus qu'à leur habitude!

Laissant son frère partir devant, Syn reviens alors vers le reptile ailé, beaucoup plus calme et raisonné que l'instant précédent. Pourtant très expressif, sur de lui, voire arrogant, le louveteau bleu perd presque l'usage de la parole et bafouille tant bien que mal.

"Euh... Au fait... Pour hier soir et aussi pour aujourd'hui... nos réactions... C'est juste que... Enfin... On a jamais eu l'occasion de rencontrer quelqu'un comme toi et euh...  Comment tu t'appelles?

On avait toujours dit à Syn de ne pas parler aux inconnus, mais l'innocence apparente, presque palpable, de la jeune furry ne laisse nul place au doute quant à ses intentions, elle cherche simplement à faire de nouvelles reoncontres!! Les yeux du canis lupus plongent dans ceux de la dragonne, comme s'il voulait lire dans son âme, y cherchant une quelconque affinité, un point commun. Malgré les rencontres un peu brèves et brutales qu'ils avaient faites, et, sans vraiment s'en rendre compte, le loup se lie d'amitié envers cette jeune dragon, visiblement plus jeune que lui...

Face à sa nouvelle camarade, il l'observe, les yeux remplis de complicité et même d'admiration, se demandant quelle genre d'aventures ils pourront bien vivre ensemble. Il semble voir en elle la bonté dans sont état le plus pur et une source infinie de joie de vivre, mais aussi une part de naïveté qu'il ne se sent pas de laisser sans défenses. Contrairement à la veille, il n'a plus peur, bien au contraire...
Au loin, Laex, quelque peu délaissé et sceptique, observe de ses yeux noirs...

Azurellia s'était sentie un instant oppressée par les deux frères exubérants, qui tâtaient ses ailes, trébuchaient sur sa queue, en l'assaillant de questions. D'autant plus qu'elle ne l'avait pas très bien remarqué, mais ils étaient tous les deux pareils! C'était trop bizarre... Mais ils s'étaient vite montrés amicaux en l'invitant à les rejoindre plus loin dans la forêt!
Elle sourit et démarra sa course pour les rejoindre. Plus petite, avec ses ailes qui ballottaient, elle allait moins vite!
Le premier, un peu plus pressé de se dégourdir les pattes, fila tout droit, tandis que le second, celui qu'elle avait vu hier, revint vers elle. Ils s'arrêtèrent, face à face, et s'observèrent, tout aussi curieux, mais moins avides. Quelque chose était en train de les lier par le regard et par le coeur, quelque chose qui devenait tout doux dans l'esprit d'Azurellia. Elle lui répondit en souriant :

- C'est pas grave, vous êtes gentils et vous me laissez être avec vous! Je m'appelle Azurellia, et toi?

La dragonnette ne voyait pas l'utilité de lui raconter combien de fois on l'avait dévisagée sans aucune gêne quand elle dépassait les maisons des écailleux. Elle ne faisait déjà plus attention à ces comportements, car elle avait bien intégré l'idée que toute sa vie, ce serait ainsi. Pourquoi vouloir devenir invisible? Ce serait renier sa nature même.

Alors elle lui tend sa patte griffue. Les écailles de ses paumes sont toutes petites et plus douces que ce qu'on imaginerait. Ses doigts ont très envie de sentir la texture des poils de son nouvel ami.

Puis elle agite l'autre en direction du frère, en riant.

- On arrive!

La dragonnette se mit à courir dans sa direction, accompagnée du lupoïde. Ils jouèrent à se cacher, et en dépit de ses ailes peu discrètes, Azurellia se montra bonne grimpeuse. Ils sautèrent par-dessus des troncs d'arbre et des petits cours d'eau, se poursuivirent en effrayant toutes les bestioles du coin.


L'heure tournait... Azurellia était une fille sage d'ordinaire, mais là, elle s'amusait tellement qu'elle ne voyait pas le temps passer. La forêt était un piège pour cela, car on sautait vite du jour à la nuit...

A un moment, il fallut bien se rendre à l'évidence que de nombreuses heures avaient fatigué les trois enfants. Les jumeaux ne se lassaient pas de patouiller le corps de leur nouvelle amie, étirant ses ailes, jouant avec l'étonnante toupet de sa queue, tapant du bout de la griffe sur ses cornes.
Azurellia riait beaucoup de leur têtes, et n'était pas en reste. Elle s'amusait de leur queue touffue en panache, de leurs oreilles fourrées et de leurs yeux ronds. Cette fourrure si douce qui recouvrait Syn...

Les premières étoiles pointaient quand elle s'inquiéta :

- Syn... il est encore plus tard qu'hier... il faut qu'on rentre, les garçons!

Les mots de la jeune dragonnette, et surtout sa voix, plutôt inquiète sortent immédiatement Syn de son étude poussée d'Azurellia, et lui font sans délai prendre conscience de son environnement. Ses yeux de loup, augmentant fortement son acuité visuelle nocturne et lui permettant de voir la nuit presque indifféremment du jour ainsi que son manque cruel de discernement alors qu'il jouait avec ses deux compagnons lui avaient fait perdre la notion du temps. Alors que la fatigue commence à pointer le bout de son nez chez chacun des trois enfants, et voyant l'écailleuse regarder un peu nerveusement le jour dépérir autour d'elle entre les feuilles des arbres, le loup bleu se rend à l'évidence: Azurellia a raison et l'heure de se séparer avait sonnée...
Au cœur la foret d'Ainas, tout est quasiment silencieux. Plus aucun oiseau ne chante, plus aucun rongeur ne parcoure les branches... Le seul bruit audible est celui du vent dans les feuilles autour d'eux...

Syn se tourne calmement vers Laex, attendant une approbation à la suggestion du petit reptiloïde. Malgré leur lien du sang, les deux jumeaux ont un caractère bien différent et la seule réponse qui lui parvient est un haussement d'épaules sans aucune conviction ni même intérêt... Un peu déçu, comme à son habitude, de la réaction de son frère, Syn se tourne de nouveau vers Azurellia afin de se remettre en marche.

"T'as raison Azrellia, il est bien assez tard comme ça... On rentre!" Dit-il d'une voix calme et réfléchie, tout en regardant Laex du coin de l’œil, la tête suffisamment tournée de manière à ce qu'il le voit.

Le petit trio prend le chemin du retour. Ils étaient assez loin du village, leurs péripéties de la journée les ayant menés profondément dans l'étendue d'arbres, presque infinie à leurs yeux. La nuit est déjà bien installée et le chemin jusqu'au village encore relativement long. Syn, qui distingue encore très clairement son environnement et tous les obstacles qui peuvent gêner leurs progression, guide comme il le peut Azurellia, qui n'y voit plus aussi bien que lui, afin de lui éviter une quelconque dégringolade sur une racine au détour d'un arbre ou la chute dans le ruisseau à cause d'une pierre assassine... C'est ce moment que choisi Laex pour s'écarter du groupe:

"Viens Syn, on prend par là. A plus tard Az'" Dit Laex en désignant une direction.
"Quoi?! tu veux la laisser continuer toute seule comme ça dans la foret, dans le noir?!"
"Je vois pas le problème... c'est plus près pour nous si on coupe depuis ici"
"Mais t'es malade?! Imagine sur quoi elle pourrait tomber?!"
"Ça peut pas être pire que ce qui nous attend déjà à la maison..."
"Fais comme tu veux!"

Sans se faire prier, et sans montrer le moindre signe d'empathie, le frère de Syn tourne les talons, levant légèrement la main vers l’arrière en signe de nonchalance. Le bleu à fourrure se tourne à son tour, secouant la tête et expirant bruyamment afin d’évacuer sa colère montant crescendo et de garder son calme face à la situation... En fait il ne veux surtout pas se mettre en colère devant la créature bleue à écaille. Malgré son entrain et son assurance, elle reste malgré tout fragile, et une bagarre entre les jumeaux est la dernière chose dont elle ai besoin dans cette situation. L'incident clos, Azurellia et son "loup d'aveugle", en tête, reprennent tranquillement la marche. Malgré son entêtement, le lupoïde n'est lui même pas rassuré par les créatures de la nuit qui pourraient effectivement barrer leur chemin... Pas le temps de s’inquiéter, il faut y aller!
Au loin, les premières lueurs du village apparaissent, apportant aux deux enfants un sentiment de satisfaction, les rassures... il faut dire que la foret n'est pas un endroit pour les enfants de leurs ages, surtout une fois la nuit tombée... toujours est-il que les voila arrivés à leur objectif: l'ilot reptilien du village, face à l'habitation qui avait fait lieu de leur première rencontre. Syn se place encore une fois face à Azurellia, prend une grand inspiration tout en regardant en direction de sa maison, sans pour autant pouvoir l'apercevoir, comme si il pensais déjà à ce qui l’attendais à son retour. Il souris. Pas un sourire de joie, mais un sourire de satisfaction, celle d'avoir fait ce qui lui paraissait juste malgré les avertissements et les possibles conséquences que cela implique. Il souris à la dragonnette, les yeux semblant la remercier. Le loup lui dit, accompagné d'un clin d’œil:

"Bonne nuit Az'... Merci..."

Sur ces mots, Syn prends une grande mèche des cheveux blond d'Azurellia, les ébouriffe et les places devant ses yeux, avant de disparaitre rapidement dans l'obscurité...

Azurellia tenait la patte de Syn en tâchant de ne pas le ralentir en trébuchant. Elle distinguait mal les reliefs du sol, et ne voulait surtout pas que Laex lui rentre dedans comme lorsqu’ils s’étaient mis en marche. Il avait grogné sourdement à son intention, et ça lui avait fait peur.

Heureusement, la forêt était calme. Leur raffut avait éloigné les petits animaux, et les prédateurs qui s’en nourrissaient.
La dragonnette avait serré plus encore la main de son ami lupoïde lorsque son frère jumeau avait suggéré que leurs chemins se séparent. Mais Syn avait tenu bon, et ça lui avait réchauffé le cœur de savoir qu’il avait envie de la raccompagner. Elle avait été trop obéissante jusque-là pour tenter une escapade de nuit dans la forêt…
Ils marchaient un peu plus lentement, maintenant que Laex n’était plus là pour les presser. Certes, il fallait rentrer vite, cependant, un peu plus de prudence ne leur nuirait pas !

Il évitèrent ainsi de se faire cingler par des branches d’arbustes, ou de traverser des buissons d’épineux. Il devait y avoir un chemin, il était peut-être même à deux pas, mais l’obscurité régnait à présent.
Enfin, les pattes lasses, la petite dragonne et le jeune loup arrivèrent en vue des torches, puis des premières toitures, et enfin, des demeures reptiliennes.

Azurellia siffla joyeusement, et une autre mélodie lui répondit. Sa mère se précipita vers elle peu de temps après, la couvrant de caresses autant que de reproches :
- Oh, mon enfant, quelle peur tu nous as fait ! Les voisins inspectent la rivière en ce moment même… Vraiment, quelle idée tu as eu de nous inquiéter ainsi ! Es-tu sauve ? Que s’est-il passé ? Je suis soulagée de te voir… pourquoi t’es-tu autant éloignée ? Tu as mortifié tout le village ! Pourquoi n’as-tu pas sifflé plus tôt ?


Azurellia baissa la tête et les oreilles en signe de soumission, et s’écarta de l’étreinte maternelle. Elle lui répondit :
- J’ai oublié… pardon. Je vais bien maman, on jouait avec Syn, et on a voulu rentrer dès qu’on s’est rendu compte que le soleil était couché… il est gentil, il m’a raccompagnée !


La mère d’Azurellia se rendit enfin compte que sa fille n’était pas seule.

- Oh, je suis navrée… je ne t’avais pas vu ! Syn ? Tu ne serais pas de la portée du chef du village… ?

Elle voulut rajouter « poilu » pour faire la distinction avec l’îlot reptilien, mais s’abstint. Ce n’était pas le moment de jouer les indépendantistes. Alors elle se mit à hauteur du lupoïde et lui tendit la main solennellement en lui annonçant :

- Merci à toi, jeune Syn. Je te laisse dire au revoir à ma fille.


Elle se mit quelques pas en retrait et siffla fortement en direction du ciel, où son compagnon de vie pourrait l’entendre et suspendre les recherches.

Syn remercia Azurellia, en raccourcissant son nom à deux lettres. Elle fut surprise, car c’était peu commun chez les écailleux. On respectait les parents en utilisant le patronyme complet. Mais son sourire canin lui fit songer que ça devait être différent chez lui.

Elle aussi le remercia tout bas, soudain timide. Elle s’inquiétait à l’idée de ne jamais le revoir… mais son attitude prouvait tout le contraire. Syn avait l’air si tendre, quand il ébouriffa sa crinière !

Il partit en se fondant dans la forêt, mais un sifflement proche et autoritaire se fit entendre, ainsi que la voix de la mère d’Azurellia :
- Pas si vite, jeune loup ! Je vais venir justifier ton retard, il serait injuste que tu sois puni à cause de ce museau-dans-les-nuages² !


Si Syn n’était pas parti trop vite, il avait pu entendre.

- Il serait dommage que le chef ne soit pas au courant des bonnes actions de son fils. Quand à vous petite dragonne…

Azurellia eut envie de disparaître sous le sol. Elle se sentait coupable, tellement coupable d’avoir provoqué l’inquiétude de ses parents ! Mais sa mère ne garda pas son air sévère bien longtemps. Elle sourit :

- Allez, rentre vite, Azurellia. Mange un morceau, explique à ton géniteur ce qui s’est passé, et va te coucher. Je te rappelle que nous partons demain pour visiter le sage Phobos.


La dragonnette détala, car elle avait le ventre creux. Un peu plus tard, elle songea que si Laex s’était fait disputer pour son retard, et que Syn rentrait avec les honneurs pour l’avoir raccompagnée, cela pourrait créer des tensions entre eux…
*C’est pas grave. Quand je serai rentrée après avoir vu le sage, ce sera déjà fini. Les frères c’est comme ça, ça se dispute toujours… * pensa-t-elle avant de sombrer dans le sommeil.




²version furry de « tête en l’air »

Syn, après avoir salué sa nouvelle amie, Azurellia, prend le large en direction de la foret sans demander son reste. Après tout, il est déjà bien en retard et ses parents, au même titre que Papa et Maman dragon, doivent déjà être mort d’inquiétude. Sur sa route, il effectue, dans sa tête, une petite rétrospective de ses deux derniers jours, riches en émotions: la rencontre nocturne avec un être d'une espèce inconnue, une rencontre diurne avec ce même être bleu et blond, la peur panique de son frère et de lui-même à la vue de le jeune dragonne pas si effrayante que ça finalement, la journée de jeux auquel les 3 furrys s’étaient adonnés... Il repense au petit reptiloïde, cherchant ou mettre ses pas dans la foret sombre et s'imagine qu'elle devait être terrifiée, aveugle comme elle l'était dans cette étendue sauvage, à sa petite bouille gênée lorsqu'elle présentait ses excuses à sa mère... Ces pensées font sourire Syn en pleine course lorsqu'il se rend compte qu'il ne fait presque pas attention à la direction dans laquelle il détalle, esquivant de justesse une branche potentiellement dangereuse: Quelle journée!
Le furry à fourrure bleue sais qu'il viens de rencontrer un animal en or, mais il aura l'occasion de lui dire plus tard car pour le moment, le but est devant lui: rentrer au plus vite.

Syn ralentit le pas lorsqu'il arrive devant la façade de son domicile familial, juste de quoi reprendre son souffle... il ouvre lentement la porte et la première chose qu'il voit est Laex, assis à la table de la salle principale, éclairée d'une lumière diffuse et orangée, le coude posé sur le meuble en bois, la joue posée disgracieusement sur la paume de sa main, l'air blasé. Le jumeau de Syn le regarde avec un regard sombre, presque méchant et haineux. Avant même que Syn n'ai le temps ni de dire quoi que ce soit, ou même de jeter un regard interrogatif à son frère, une voix grave et assez rauque, qu'il connait par cœur, celle de son paternel, gronde du pas de la porte:

"Syn! Bon sang mais tu étais ou encore? ça fait bientôt une heure que ta mère et moi te cherchons! Ça fait deux fois de suite, qu'est ce qu'il te prends à la fin?..."

Le loup bleu hésite avant de donner une explication... Il se dit que son geste, aussi remarquable soit-il, mettrait en porte-a-faux son jumeau ayant lâchement abandonné le groupe, mais ne rien dire l'obligerait en quelque sorte d’être puni pour avoir, selon lui, bien agit... Fortement mitigé entre la protection de Laex et sa présomption d’innocence, repassant en revue toutes ses notions de justice, de bonté, et, regardant successivement Laex presque apeuré de sa réponse, puis son père furieux, il se contente finalement de simplement baisser la tête:

"Pardon papa... Je le referait plus"

La soirée se termine dans une ambiance froide, bien que sereine, les deux louveteaux se lanceant par moment des regards plein de rage l'un vers l'autre. Au moment de se coucher, Syn n'a qu'une idée qui lui chatouille l'esprit: retourner voir Azurellia... De l'autre coté de la chambre, Laex bouillonne. Il ne peut pas s’empêcher de reprocher à Syn de ne pas l'avoir accompagné, ce qui a valut, au même titre que son frère, l'interdiction de se balader après la chasse pour les 6 prochaines lunes... Fatigués, les petits finirent tout de même par s'endormir.

Ignorant la punition imposée par ses parents, le petit canidé, dès la fin des cours de chasse, laisse au même endroit que la veille June et Laex, l'un part étudier sa magie, l'autre doit aider ses parents dans la taverne qu'ils ont ouvert peu de temps avant. Malgré qu'il aurait fortement aimé présenter la petite écailleuse à sa louve, Syn fonce droit vers le quartier reptiliens, vers la maison de la petite dragonette et de ses parents. Rien. Pas un bruit, pas un souffle, pas âme qui vive. Syn retourne s'allonger devant ce gros arbre, témoin de la rencontre des jumeaux avec Azurellia, et, comme à son habitude après s’être dépensé plus que de raison, observe le ciel et son infinité... Le soir venu, à l'heure de rentrer et non pas plus tard, le petit loup fait un détour par l'habitation de son amie... même constat que précédemment: pas un son, pas une lueur... Étonné mais pas inquiet, Syn rentre chez lui, un peu déçu, mais non pas démotivé à recommencer le lendemain.

Les jours suivants, le furry à fourrure bleue continue ses petits détours, jours après jours, sans jamais revoir Azurellia. Jours après jours, il s'allonge devant le même gros arbre en observant le firmament... jours après jours, mois après mois et années après années, à la manière d'un rituel.

Apres quelques temps, Syn s'était rendu à l'évidence et savait qu'Azurellia ne reviendrais pas, mais, en souvenir de cette mémorable journée, le loup continua de faire ce même parcours et de prendre le temps de se poser tranquillement la tête dans les nuages, espérant, peut être un jour, voir passer, volant à toutes ailes à travers les cieux, la silhouette bleue et la crinière dorée de la dragonne aux yeux verts...