Parmi le tas de cadavre qui s'empilait petit à petit, l'un d'entre eux bougea et gémit doucement de douleur. Le corps roula doucement jusqu'à tomber de la pile en s'écrasant lourdement sur le sol, lui faisant lâcher un nouveau gémissement de souffrance.

C'était une jeune Elfe, jeune physiquement du moins, avec de longs cheveux bleus qui s'étaient un peu terni avec le sang et la poussière, dont le visage était quelque peu crispé, les mains pressés sur son flanc gauche ensanglanté.

Azurellia pouvait aisément reconnaître son amie archère qu'elle n'avait pas vu depuis qu'elle avait poursuivi leurs agresseurs, et il n'était pas bien difficile de s'apercevoir que le combat n'avait pas fini de la meilleure des façons, c'était même un miracle qu'elle soit encore vivante malgré l'attaque et son état.

Ysis ouvrit doucement un œil vert qui était tout aussi terne que sa chevelure et regarda un peu autour d'elle. Sa vision était flou, n'arrivant pas à apercevoir les visages qui s'étaient agglutiné autour d'elle pour lui prêter assistance.

Comment était elle encore en vie ? La ténacité, elle ne voyait que ça, elle même ne comprenait pas comment elle avait pu tenir aussi longtemps sans mourir d'une hémorragie ou sans être achevé par l'un des brigands.

Dans un dernier effort, elle leva lentement son bras pour tendre sa main ouverte vers le ciel, comme pour essayer d'attraper quelque chose, sans réel force, son souffle étant lent et faible, son pouls relativement bas.

Azurellia se sentait lasse, mais lasse... Cependant, elle avait déjà fait plus de chemin que d'autres concernant l'acceptation de la situation. Ce qui restait des Fils du Vent erraient sans trop savoir quoi faire, du moins, ceux qui pouvaient marcher... beaucoup étaient prostrés près des corps de leurs proches, à pleurer en silence, plongés dans de sombres pensées.

Sombre, le ciel le devenait aussi, ne permettant plus vraiment de travailler. Il fallait rassembler les gens, faire un feu, trouver un peu de nourriture pour passer la nuit.
Azurellia en était encore à réfléchir, qu'avait-elle vu là-bas, les jarres de céréales, et là, ce bosquet, des mûres? lorsqu'elle remarqua que la pile de cadavres des brigands, à un jet de pierre de sa position, avait bougé.

Elle grimaça. Le furry tigre qui les avait si gentiment aidés à la former se trouvait un peu plus loin. C'était à la dragonne d'aller voir. Il fallait que ça soit bien empilé pour brûler...
Azurellia crût qu'un visage la regardait, vit un des corps basculer, et une main se lever. A travers les mèches encrassées de boue et de sang, n'était-ce pas une oreille pointue, là?

La jeune dragonne ouvrit des yeux tout rond et sa mâchoire se relâcha sous l'effet de la surprise. Ses oreilles se baissèrent et elle laissa tomber le bâton de fortune sur lequel elle s'appuyait depuis qu'elle l'avait trouvé.
Azurellia, après une seconde de surprise, se rua en quelques foulées vers Ysis en s'exclamant :

- YSIS! C'EST PAS VRAI! YSIS!! REVEILLE-TOI! YSIS, CA VA? YSIS! C'EST MOI, AZU! OH NON NON NON NON REVEILLE-TOI, S'IL TE PLAIT, REVEILLE-TOI!!!

Azurellia avait tiré son amie de la pile de cadavres de brigands et faisait son possible pour la sortir de l'inconscience, sans succès. Malheureusement, les elfes, bien que résistants, avaient eux aussi leurs limites, et cette archère magicienne était proche de la mort... elle avait dû se faire rudement secouer sans obtenir de secours... la dragonne s'en voulait de ne pas avoir cherché son amie plus tôt. Peut-être qu'elle ne voulait pas la voir morte, mais en même temps, se cacher les choses ne pouvait pas aider... voilà où elle en était maintenant!

Oubliée la lassitude, Grinarr, le cuisinier en deuil d'un amour inexprimé, oubliée l'inquiétude pour les survivants. La vision d'Azurellia lui faisait comme un tunnel, elle ne voyait plus que le fin visage d'Ysis marqué par la bataille, ses yeux clos, ses mains froides et abîmées...

Par delà sa peine et sa fatigue, la dragonne puisa dans son pouvoir de soin, souhaitant de toutes ses forces partager un peu de santé avec son amie. Et tant pis si elle ne pouvait plus rien faire après, tant pis si les elfes n'avaient pas la même constitution et qu'elle s'y prenait mal, elle devait, elle devait faire quelque chose!

Son pouvoir la quitta pour rejoindre le corps d'Ysis. Y restait-il encore une flamme de vie? Si oui, elle serait ravivée, suffisamment pour l'éloigner des portes de la mort. Azurellia donnait de sa personne comme jamais auparavant, sans rien attendre d'autre que le regard feuillage de son amie revienne sur le monde...

Il eut un long moment de silence, ses muscles ayant complètement lâchées prise une fois qu'elle fut sortit de la pile de cadavre. Heureusement que son amie l'avait remarquée car, comme elle avait pu le deviner aisément après avoir vu son corps en piteux état, sa vie ne tenait qu'à la détermination sans faille qu'elle avait fait preuve jusque là. Mais cela n'allait pas durer éternellement.

Après avoir vu la peau bleuté de la dragonne sans vraiment reconnaître cette dernière, la conscience d'Ysis se fit lentement la malle jusqu'à complètement quitter le navire, laissant son bras retomber lourdement sur le sol, quasiment sans vie. Sa vie défila devant ses yeux, voyant sa naissance, voyant ses premières chasses, voyant ses premières erreurs, ses premiers succès, ses premiers voyages, ses premières rencontres. Tellement de gens, tellement de rencontre, tellement d'amis, tellement de savoir, tellement de choses ... Tout allait se terminer aujourd'hui ? Sa vie allait elle finalement s'éteindre, tellement une fleur de cerisier se décrochant de sa branche pour se poser sur l'eau d'une rivière calme, se faisant porter lentement porter jusqu'à sa prochaine vie ?

Cela aurait sans doute était le cas sans l'intervention de la dragonne azur qui utilisa ses pouvoirs pour raviver la flamme de la vie dans le corps et le cœur de la jeune elfe dont le dernier souffle était imminent. Un long frisson parcourut son corps, ressentant la chaleur et les sensations dans chaque partie de son corps. Elle sentait ses muscles frémir, son sang circuler et surtout, elle sentit son cœur battre plus fort dans sa poitrine, prouvant qu'elle était bel et bien en vie.

Ouvrant un œil cerné et fatigué, Ysis put enfin voir plus clairement, et la première chose qu'elle vit fut la dragonne bleue qui faisait tout son possible pour la garder en vie et soigner ses blessures, le visage paniqué et effrayé. Elle leva lentement son bras, puisant dans ses nouvelles forces, pour poser une main faible mais d'une grande douceur sur sa joue, la caressant lentement.

- Je te dois la vie ... Merci, du fond du cœur, lâcha t elle de sa voix douce, quelque peu cassée par la fatigue et sa faiblesse encore présente, mais toujours avec un sourire maternel, continuant de caresser sa joue comme si elle était sa propre enfant. Je vais bien, je suis là. Je suis là, ne t'en fais pas.