Clairement, et sans aucun ménagement, Syn venait d'agresser sans aucune vraie raison valable le pauvre Duarna, le secouant violemment et le pressant méchamment contre la chaise de bois qui faisait partie intégrante du mobilier, encore et toujours en vrac dans la petite chambre. Son geste aurait pu être largement compréhensible, et rien ne jouait vraiment en la faveur du loup pour tenter, aussi peu que ce soit, de remonter un minimum la pente de son moral, qui avait chuté bien en dessous de zéro durant les derniers jours passés. L'arrivée de l'archiviste avait fait renaître en lui cette petite flamme d’espérance. L'assurance, la passion et la motivation qu'avait affiché Duarna tout au long de son analyse et de son expérience avait ravivé le feu qui animait le furry, sa dernière source de force mentale et de motivation. Finalement, la déflagration du pouvoir du magicien avait, en même temps que tout ce qui se trouvait autour, soudainement soufflé et éteint cette flamme à peine renaissante, dans un fracas terrible et dans un désordre sans nom.

Le geste du loup aurait pu être compréhensible, mais il n'en était pas moins justifié. Un tel débordement de violence n'avait rien à faire en ce lieu, surtout pas envers celui qui avait visiblement fait son possible pour le sortir, lui et la dragonne, de cette situation pour le moins inédite. Pour sur, ce n'était pas vraiment lui qui était aux commande de ses propres actes alors que se déchaînait son agressivité. Des jours de fatigue, d'enfermement, de manque de nutrition et d'hydratation avaient eu raison de toutes ses barrières de la raison, et c'est une véritable boule de nerfs en ébullition qui avait fondu sur l'archiviste dans une tornade furieuse, fortement amplifiée et rendue possible par la tension qui flottait en ce lieu depuis déjà des jours.

Ce n'est d'ailleurs pas une faiblesse physique qui avait empêché Syn de ratatiner complètement le mage, mais bien une sorte de remise en question, aussi soudaine qu'assassine. Mais qu'est ce que je suis en train de faire?... Ce fut la vue du visage crispé et souffrant de Duarna qui avait, en grande partie, ramené le loup d'azur à la raison. L’archiviste avait fait tout le chemin de Lumérill jusqu’à la ville d'Ambernest pour essayer de son possible de dégager le sort, ou la magie, ou on ne sait quoi d'autre de la tête de la furry. Certes, il n'avait pas réussi, mais la faute était loin d'être la sienne. Au mieux, de tout ce qu'il avait pu, il avait essayé... Ce n'était pas le fait qu'il n'avait pas réussi qui avait abattu Syn, l'obligeant à se laisser couler le long du mur de la battisse, le regard bas et à deux doigts du malaise. C'était cette vision de ce que la situation, pourtant paisible et sans violence, avait faite de lui. Le pauvre gérant de l'auberge, s’inquiétant quelque peu pour ses locaux, avait été rembarré à la vitesse de l'éclair, et le pauvre magicien se redressait péniblement de la foudre qui venait, en un quart de seconde, de s'abattre sur lui.

Le canin avait, d'une voix basse et un peu morne, demandé indirectement à l'elfe ce qu'il pensait qu'il était possible de faire, ou si tout cela n'était que peine perdue d'essayer encore et encore jusqu'à ce que mort par dessèchement physique, physiologique et moral s'en suive. Certes, après avoir été violenté de la sorte, ce dernier aurait pu partir sans dire le moindre mot, ou, enragé lui aussi, s'en aller en envoyant paître le loup et le laissant seul dans sa galère. D'une certaine façon, Syn se méfiait tout de même des derniers mouvement de Duarna, voulant s'assurer que, un peu secoué et stressé par les derniers événements, celui ci ne sorte pas une dague dissimulée on ne sait ou afin d'assouvir une vengeance rapide et douloureuse...

Loin de la. L'archiviste l'admit: il n'y avait plus rien qu'il ne puisse faire à son niveau. L'étudiant en magie avait lui aussi une voix différente de précédemment. Elle portait la lourdeur de l'échec et véhiculait presque une sorte de pardon. Trop occupé à se lamenter, le canidé de saphir ne fit même pas trop attention à ce détail quelque peu troublant. Malgré lui, lui aussi était sur le point d'abandonner. Dans ses pensés, le canidé ne faisait plus attention à grand chose, finalement. Lui aussi avait atteint les limites de ce qu'il pouvait faire. Duarna griffonna encore une fois quelque chose sur son carnet. Décidément, il arrête jamais!... Ce qui fut assez stupéfiant, presque apeurant même pour le loup fut la suite. De ses pouvoirs télékinétiques, le petit homme fit virevolter un feuillet de notes pleines d'annotations jusqu'au loup, presque incrédule de voir le morceau de papier se présenter devant ses yeux "comme par magie". Sans vraiment savoir pourquoi, il s'en saisit avant de tourner son regard vers le scientifique, le regard interrogateur encore un peu sous le joug de la surprise. Mais je vais rien comprendre à ces trucs, la... Et il écrit super petit en plus!... L'elfoïde apporta cependant quelques précision:

"Allez à la Tour Lumière, à Lumérill, demandez l’archiviste Kreia, elle a longtemps étudier les mondes oniriques, elle sera sans doute vous guider. Si elle ne peut pas vous aider, demandez l’archiviste Gahr, il étudie les malédictions, il y a 74,91% de chance que lui sache la soigner. Dites-leur que vous venez de ma part et montrez leur mes notes, calmement, sans les plaquer contre la table, et on vous aidera."

Calmement, sans les plaquer sur la table... Cette phrase, si le malaise d'avoir violenté l'érudit n'avait pas resurgi à son écoute, aurait presque pu arracher un rictus à Syn. Voila que même après avoir admit ne rien pouvoir faire de plus, Duarna tentait encore d'aider la situation à évoluer dans le bon sens. Syn se sentait vraiment coupable de ses actes agressifs, lui occasionnant presque une envie de vomir devant lui-même. Alors que parlait l'archiviste, le loup posa son regard sur le morceau de papier. Y était inscrit tout ce que venait de lui annoncer l'archiviste. Les lieux, les noms... La seule chose qui restait à faire était de se pointer à destination avec ce morceau de page raturé et de demander de l'aide. Le canin, se connaissant, savait qu'après une telle scène, lui n'aurait pas bougé le petit doigt pour aider qui que ce soit. Mais il était ce qu'il était. Il en était de même pour Duarna, qui avait prit, après reflexion ou non, la décision de contribuer encore indirectement, à la tentative de levée de malédiction qui frappait La furry bleue.

C'est difficilement que l'archiviste se leva et atteignit la porte, le visage grimaçant des souffrances occasionnée par le furry. Atteignant la porte, il porta une dernière fois son regard vers Syn, qui ne daignât à peine le regarder, partagé entre ses pensées et la culpabilité de ses actions. Les derniers mots du mage étaient une sorte de message d'encouragement... C'est ce qu'il avait semblé au lupoïde. C'est comme ça qu'il l'avait prit. L'espace d'un instant, quelques forces lui revinrent à l'entente de ces mots et ce dernier leva son regard vers Duarna, hochant la tête en guise d’acquiescement et de remerciement. Pour autant, à peine la porte refermée et les bruits de pas de l'homme qui faisant lentement et péniblement grincer le plancher de bois, disparus, le silence regagné de nouveau la pièce, laissant de nouveau l'animal seul avec lui même et sa camarade inconsciente. Il ne fallut pas plus de trente secondes pour que les forces remontées d'ailleurs ne s'estompent, et encore une trentaine de secondes de plus pour que le loup d'azur ne s'effondre sur le coté, tout bonnement épuisé.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, la nuit avait plongé l'endroit dans un voile sombre et silencieux, laissant simplement les roches de lave ardentes flamboyer et illuminer faiblement la petite pièce d'une lueur diffuse orangée. Le feu, allumé un peu plus loin dansait dans son espace et induisait un balai d'ombres venant lécher les murs de la bâtisse. Tout était assez sombre. Tout était silencieux, et seul le bruit des flammes et le craquement du bois venaient briser ce calme, bien trop commun ces derniers jour. La capacité de regard nocturne du canin lui permit pourtant de voir une chose: la chambre avait été remise en ordre... Dans sa main se tenait toujours le papier donné par l'archiviste au moins quelques heure auparavant. Grognant un peu, le lupoïde bleu se leva, bien qu'assez difficilement et se dirigea à son tour vers la porte. Cela faisait des jours qu'il n'avait pas quitté la pièce. Silencieusement, à pas de loups, il avança, lançant, la gorge serrée, un dernier regard sur la dragonne. Il resta quelques secondes avant de définitivement fermer la porte de la chambre, et toujours aussi furtivement, de descendre les escaliers de bois menant à la grande salle.

Sur le comptoir ordonné du responsable de l'endroit, Syn déposa dans un coin le morceau de papier avec les coordonnées des ceux qui pouvaient, éventuellement, venir en aide à Azurellia. Sur cette feuille, il y déposa la pierre qui lui avait été donné par cette dernière plusieurs jours plus tot. Premièrement en guise d'excuse au gérant de l'endroit pour la gêne et le désordre occasionné... Mais surtout, il n'avait pas rempli la tache qui lui avait été assignée et qui faisait liaison avec ce paiement. Non, il n'aimait pas l'échec. Il le détestait, même. Mais il fallait se rendre à l'évidence, il ne pouvait pas rester plus longtemps ici, brassant du vent et chauffant des pierres dans un espoir énergivore, chronophage, mais tout autant stérile de faire reprendre conscience à sa camarade.

Dans un dernier soupir, le loup déverrouilla la porte sans un bruit, et reprit son chemin dans la nuit de la ville d'Ambarnest. Destination? Peu importe...