C’était le troisième voyage d’Azurellia avec la communauté itinérante des fils de l’air. Les gens qui composaient la caravane changeaient souvent, partant et se retrouvant, mais le noyau dur était composé de quelques fortes personnalités qui se plaisaient à vivre de leur art le long des routes, associés à des marchands qui s’affairaient « là où le vent les porte ».

La dragonnette s’était fait une place aux côtés de l’herboriste et du cuisinier, revêche mais toujours présent pour elle. Il avait une dette envers N’owen et s’en acquittait en s’occupant de son éducation sur les routes, aussi longtemps qu’elle le souhaiterait. Si au début Azure fut quelque peu déboussolée par les manières bourrues du maître-queux, elle comprit que ce n’était qu’une façade destinée à endurcir son cœur encore trop tendre.

La troupe partait de Lavan pour la cité d’Aldacoa, la cité des elfes. Si ce n’était pas son premier voyage, en revanche, c’était le plus long qu’elle allait entreprendre ! Et quel meilleure compagnie que celle d’une elfe pour effectuer le trajet… en effet, la dragonnette s’était rendue compte qu’une archère aux oreilles pointues faisait le voyage. La caravane était conséquente, entre les marchands, les artistes, le personnel pour s’occuper des bêtes et les indispensables soigneurs, comptables et maîtres de caravane, sans compter les gardes, aussi ne s’étaient-elles pas fréquentées jusque là. Azurellia l’avait souvent observée. Une belle allure, des manières douces, elle se reposait parfois lors des haltes en compagnie d’un livre, quand elle n’allait pas chasser.

La voilà qui revenait, justement, avec le groupe de chasseurs. Ce soir, ils allaient dîner de viande fraîche… Azurellia, qui avait meilleure vue que son protecteur le cuisinier, en informa ce dernier qui grommelait près du feu. Tiens, le feu qui n’était toujours pas allumé ?

-          Azy, viens par là, j’arrive à rien avec c’foutu bois humide ! Pas un brin d’vent pour m’aider, foutredieu !

Sans s’offusquer du parler brusque de l’homme – elle était habituée - Azurellia tâcha de l’aider… un souffle chaud comme un vent du désert vint sécher la surface du bois récalcitrant, incitant l’amadou à le consumer. C’était presque comme si elle créait le feu…

Dans son enthousiasme devant les jeunes flammes, Azurellia ne maîtrisa pas sa magie, et le souffle devint bourrasque, tournoyant autour du foyer. Elle qui était accroupie tomba sur les fesses, lâchant un "Par Esus!" mais eut le temps de lever les mains pour ordonner au vent de prendre de la hauteur. Mais trop tard… l’archère elfe fut témoin de son raté.

Ysis retournait au bercail ! Combien de temps elle n'avait pas remis les pieds dans son petit chez elle ? Une dizaine d'année ? Plus que ça ? Elle ne savait pas vraiment elle même, il s'était passé tellement de chose pendant ses périples qu'elle avait un peu perdu le fil du temps. Mais elle ne revenait pas les mains vides, elle avait pas mal de renseignement pour son père, pas encore la solution mais c'était toujours mieux que rien.

Sur le toit d'une des caravanes, elle observait doucement les différents voyageurs, chercheurs et autre. Elle vit les têtes qu'elle côtoyait depuis un moment, mais elle vit quelques nouvelles têtes, notamment une petite dragonne bleue. Elle semblait encore un peu débutante pour ce qui était de voyagé mais elle savait qu'elle était entre de bonnes mains avec les membres des caravanes. On s'entraide tous, c'était ça qui plaisait à Ysis.

Lors d'une halte pour la nuit, elle partit, avec les autres chasseurs, chasser du gibiers. Et elle était plus fructueuse comme chasse ! De la viande fraiche et plutôt dodu ! Ysis sourit en voyant ses belles prises et les posa à l'endroit habituel. Mais étrangement, le feu n'était pas encore allumé. Remarque, il était humide, il avait pas mal plus ces derniers temps et, même si la journée était ensoleillé, il n'avait pas eu le temps de sécher.

Le cuisinier, connaissant visiblement la dragonne, lui demanda du vent pour sécher le bois et pour aider le feu à prendre. Elle connaissait donc la magie du vent aussi ? Elle n'était plus la seule et cela lui faisait plaisir, elle pourrait partager quelques anecdotes avec elle. Elle commença alors à appeler un vent chaud pour que le feu s'embrase lentement avec l'amadou. Et cela semblait plutôt bien marcher. Elle semblait avoir l'habitude, pas mal du tout ! Puis soudain, comme excité par le feu, le vent devint bourrasque et, malgré les efforts de la dragonne, le feu s'était éteint.

C'était des choses qui arrivent, il ne fallait pas la gronder pour ça. Ysis alla donc aussitôt les rejoindre avant que le cuisinier se mette à enguirlander la pauvre dragonnette.

- Je vais m'occuper du feu, ne vous inquiétez pas.

Elle grattifia aux deux un sourire calme et gentil et elle alluma l'amadou elle même. Elle se leva et fit des mouvements amples avec ses bras et ses mains pour appeler le vent. Un vent chaud longeant ses membres pour finir sur le bois et le feu qui commençait à s'embraser. Elle semblait presque danser avec le vent, souriante. Puis finalement, le feu devint d'une taille acceptable et elle arrêta. Puis elle se tourna vers la dragonne, toujours avec un sourire aux lèvres.

- Le vent est très émotif tu sais ? Si tu t'excites, il sera tout excité aussi et peut devenir tout fou, comme un chiot qui a envie de jouer.

La dame elfe avait réussi à transformer le désastre d' Azurellia en un joyeux foyer. Elle n'en croyait pas ses yeux! Cela semblait si facile... A côté de cette silhouette longiligne qui exerçait son art, la dragonnette se sentait des plus pataudes.

Par Esus! Même le cuisinier semblait sous le charme, il en avait oublié de grommeler. Il... souriait! Il souriait en réponse au sourire de l'elfe!

Azurellia aurait pu tomber sur les fesses si ce n'était pas déjà fait. Elle entreprit de se redresser, ne pensant pas être plus surprise. Ferma la bouche. Son maître en cuisine ne lui avait pas donné de directives, elle prenait donc l'initiative de se détourner de ses tâches et répondit à l'archère :

- Eh bien... je ne ressens pas vraiment la magie de la même manière, dame elfe... j'ai été gratifiée du don de maîtrise des vents à ma naissance, mais je n'arrive pas à le soumettre à ma volonté plus de quelques secondes... il ne se laisse pas faire... mon chiot refuse la laisse, si vous préférez...

Elle s'éloigna de la tente de cuisine en invitant son interlocutrice à faire de même.

- Merci, vous m'avez sauvé la mise, le cuisinier se met facilement de mauvaise humeur... je veux aider mais je me rends compte que je ne connais pas grand-chose à ... tout, à vrai dire!

Elle ponctua sa phrase d'un rire pour dédramatiser la situation. Elle était en pleine phase d'apprentissage, un peu plus tard que les autres, c'était le destin qu' Esus lui avait choisi...

Ysis lui sourit et lui caressa doucement la tête, par habitude. Elle était généralement plus vieille que tout le monde, elle jouait donc souvent le rôle de la grande sœur. Elle mit ses mains dans son dos et marcha doucement.

- Tout le plaisir est pour moi, je suis content d'avoir pu aider. Et si tu veux, je peux te donner quelques conseils pour mieux maitriser ta magie. Je suis, certes, plus doué à l'arc qu'à la magie, mais j'ai pu lire des centaines de livre sur la magie et la maitriser grâce à eux. Puis, il n'y a pas de secret, c'est de l'entrainement pur et dur qui permet d'apprivoiser le vent. Et comme j'ai un certain âge, je connais pas mal de choses ~

Elle s'assit gracieusement sur un rocher en la regardant, gardant toujours son sourire doux.

- Voyons, ne dis pas que tu ne connais rien, je suis sur que tu connais des choses toi aussi. Il suffit d'être un peu curieux et on peut découvrir de grande choses sans s'en rendre compte. Mais si tu le souhaites, je peux te raconter ce que je sais. C'est un peu prétentieux de ma part, j'en conviens, j'ai beau avoir plus de 200 ans, je suis loin d'avoir tout découvert.

Elle rit doucement en se frottant l'arrière du crâne, un peu gênée après s'être rendu compte qu'elle n'était pas vraiment en position pour donner des leçons à qui que ce soit.

- Et puis, si cela peut te rassurer un peu, j'étais comme toi au départ, lors de mon apprentissage de la magie. Mon peuple maitrise davantage la magie de la nature, donc maitriser une autre magie était plutôt corsée, il m'a fallu pas mal de temps pour la contrôler correctement, même si je sais que j'ai encore énormément de progrès à faire avant de pouvoir me considérer comme une mage de vent à part entière.

Azurellia tombait des nues. Deux cent ans! Des centaines de livres! Et elle dit qu'elle ne connait pas grand chose! Dans ce cas, la dragonnette était proche du vide intersidéral en ce qui concerne la pratique de la magie... Elle se confia un peu plus également :

- Je n'ai pas été élevée d'une manière conventionnelle... j'ai eu un... précepteur qui a pris la place de mes parents, mais il passait son temps à me vénérer et ne m'apprenait pas grand chose... j'ai découvert un peu toute seule... ce don me dirige plus que l'inverse. Je teste beaucoup, mais à petites doses, j'ai un peu peur des éléments... parfois, je fais de belles choses, par instinct, mais je n'arrive pas à les répéter volontairement

Dans ce discours savamment préparé pour les personnes de confiance, on ne pouvait se douter qu'il s'agissait d'une véritable vénération, et elle prenait soin de ne pas mentionner Esus comme convenu avec son sauveur.
Puis elle reprit à l'adresse de l'elfe :

- Vous savez, il ne faut pas être érudit pour transmettre son savoir, mais plutôt pédagogue. Je n'ai ni votre expérience ni votre culture, alors, vous avez certainement les moyens de m'aider, même un peu! Si vous le désirez, je peux être une élève attentionnée, le temps du voyage, j'apprendrai ce qu'il faut pour faire mieux qu'aujourd'hui!

Ysis sourit de toute ses dents et lui caressa la tête avec la plus grande des douceurs.

- Ne sois pas aussi respectueuse avec moi Azurellia. J'ai beau être plus âgée, je ne suis qu'une simple elfe comme les autres. Ne me vois pas comme quelqu'un de plus vieux et plus sage que toi, considère moi tout simplement comme une amie !

Elle sautilla un peu et fit quelque mouvements fluides avec ses mains et le vent souffla doucement autour d'elle, sans être violent. La jeune Elfe fit quelques doux mouvements et une petite tornade d'une dizaine de centimètres se forma à ses pieds, levant un peu la poussière.

- Je ne contrôle pas le vent et le vent ne me contrôle pas. Nous ne contrôlons pas la nature mais elle ne nous contrôle pas également. C'est ce qu'il faut se dire pour maitriser une magie élémentaire. La nature est capricieuse et fait ce qu'elle veut, l'ordonner de faire quelque chose de force ne lui donnera pas l'envie de t'aider. Imagine le vent comme un enfant qui pleure. Gronde le et il ne t'aimera pas, sois doux avec lui et il sera ton allié. Sois sincère avec le vent et le vent sera sincère avec toi

Elle vit un dernier mouvement et la petite tornade s'évanouit doucement dans les airs, rejoignant le vent qui soufflait dans les arbres.

- Et comme un enfant, il réagit aux émotions de son père ou de sa mère. Sois concentrée et le vent le sera, sois en colère et une tempête se déchainera, sois triste et le vent sera froid, sois heureuse et la brise te caressera.

Azurellia appréciait écouter l’elfe lui expliquer l’idée fondamentale de la magie élémentaire. Elle se sentait à l’aise, en sécurité, et prise en considération par la jeune chasseresse.

Au fil des mots cependant, elle se perdait peu à peu dans les explications d’Ysis. Père ? Mère ? Pleurer ? Gronder ? Elle n’avait aucun souvenir des siens, et, plus jeune, lorsqu’elle pleurait, Phobos, son mentor, n’était ni gentil, ni en colère. Il quittait la pièce en la laissant sécher ses larmes toute seule. Plus tard, il lui avait enseigné que pleurer était un aveu de faiblesse. Il était parfois dur avec elle, mais seulement pour repousser ses limites. Du moins le pensait-elle…

Cela semblait si facile, à regarder l’elfe. Sympathique, talentueuse et érudite, l’archère avait tout pour plaire. Et tout pour donner envie de suivre son exemple, également.

La dragonette, qui s’était assise en imitant sa partenaire de magie, et se leva à son tour, motivée par ses paroles. Elle tenta d’imiter les gestes d’Ysil, respira profondément, et échoua à nouveau. Oh, certes, à un moment, il y eut bien une brise agréable, mais à peine le temps de s’en réjouir que le vent allait se dissoudre dans l’atmosphère humide qui les environnait.

Azurellia finit par découvrir ses crocs et agiter ses ailes. Cela ne suffisait pas, mais elle était trop énervée pour réussir, malgré sa ténacité. Sa première preuve de sagesse se trouva dans les mots suivants :

- Merci pour tout, Ysis. On recommencera plus tard. Je n’arrive pas à me concentrer, je pense trop à la préparation du repas. On revient vers les autres ?

En y pensant un peu, Ysis se trouva un peu trop arrogante pour oser faire la leçon à quelqu'un d'autre. Comment pouvait elle le faire correctement alors qu'elle n'était même pas une spécialiste maitrisant son art à son paroxysme ? Elle s'inclina doucement devant la dragonne.

- Excuse moi, j'essaie de t'apprendre la magie alors que je suis loin d'être une mage des plus remarquables, c'était insolent de ma part.

Puis elle se redressa et lui sourit doucement, un peu gênée, les joues légèrement empourprés. Elle mit ses mains dans son dos et rit un peu.

- C'est plus fort que moi, quand je t'ai vu avoir des difficultés, je n'ai pas pu m'empêcher venir te voir et te donner des conseils. Tu sais, j'étais exactement pareil que toi, j'ai du apprendre toute seule et comme le vent n'était pas ma magie de prédilection, cela m'a prit pas mal de temps pour atteindre le niveau j'ai maintenant. Et je suis encore loin d'être parfaite, héhéhé.

Puis, voyant qu'elle avait du mal, trop excitée, énervée ou quoi que cela soit d'autres, elle préféra reprendre son entrainement plus tard. La jeune Elfe hocha doucement en souriant, sentant un peu son ventre gronder.

- Cela me va, je m'entrainerai avec toi, j'ai besoin de me perfectionner également et de tirer un peu à l'arc. Et j'ai les crocs, je me demande bien ce qu'on va manger ce midi ~

Elle sautilla doucement en allant vers les autres, le sourire aux lèvres, presque innocente, comme une fillette aussi pure que la neige.

Ainsi se termina la première rencontre entre Ysis et Azurellia. Par la suite, elles devinrent de bonnes compagnes de voyage. Le cuisinier, qui n'était pas aussi dépourvu de cœur que l'on pourrait le croire, laissait régulièrement des quartiers libres à sa jeune aide, ainsi elle pouvait profiter de la compagnie de l'elfe.

Ysis était de compagnie agréable, et avait toujours de belles histoires à raconter, ou des anecdotes intéressantes sur les lieux que les Lendas traversaient. Ou alors, elles parlaient de magie. Encore et toujours, car le sujet était vaste, et la furry se posait tout un tas de questions. Comme sur les religions, l'histoire des peuples et tant d'autres choses...

Lors des haltes de la caravane, Azurellia aidait de bonne grâce pour le repas du soir avant de filer avec la chasseresse poursuivre sa formation. Il s'agissait surtout de concentration, et d'écoute de son environnement. Pour cela, il fallait s'éloigner un peu de la compagnie riante des fils du vent.

Elle s'amusait aussi, sur proposition de l'elfe, à agiter la crinière des chevaux pendant la marche. D'abord la monture d'Ysis, qui supporta vaillamment les coups de chaud et de froid, puis un peu plus loin, les autres... c'était difficile, mais grâce aux exercices de méditation, la furry parvenait à ses fins.

La furry en retour, aidait à ramasser les flèches quand Ysis tirait en dehors des chasses, et une fois ou deux, lui fit la blague de dévier son projectile de sa cible. Quand elle y pensait légèrement, sa magie pouvait fonctionner à peu près à tout les coups, mais sans qu'elle en ait la maîtrise. Les flèches se perdaient parfois dans des endroits improbables!


Un jour, les deux amies se trouvèrent simplement à bavarder pendant une halte en forêt. Un essieu de charrette avait cédé, et ses occupants étaient descendus pour y remédier. La caravane ne repartirait pas avant un petit moment, aussi le cuisinier avait laissé s'éloigner les filles. Elle avaient trouvé un coin tranquille assez proche du chemin et devisaient sur un grimoire traitant de l'origine de la magie. Azurellia s'ouvrit à l'elfe :

- Cela fait partie des souvenirs un peu brumeux de mon existence d'avant. Mon mentor racontait une histoire assez fantastique, mais la vraie était bien plus simple. Enfant, j'avais vu un oisillon tomber de son nid. Il piaillait, et ne parvenait pas à s'envoler... j'ai couru à son secours. Je l'ai soigné et j'ai invoqué le vent nécessaire pour qu'il prenne son premier essor... Phobos racontait que j'avais ressuscité l'oiseau avec mes larmes, ou que je l'avais transformé en petit dragon, et que ma juste colère avait transformé une fatalité en miracle... en fait, je n'étais pas triste ou en colère, j'étais déterminée à rendre son destin à ce petit tas de plumes... car il ne méritait pas de mourir sans avoir connu le ciel...

Azurellia était perdue dans ses souvenirs. Le corps enroulé autour d'un rocher comme seuls les dragons savent le faire - et eux seuls trouvent cette position confortable - elle avait la tête posée sur ses griffes et son museau pointait vers le ciel. Elle ressemblait à un de ces dragons de légende qui gardaient des montagnes d'or...

Ysis écouta l'histoire de la dragonne sans rien dire, caressant doucement une mèche de cheveux qui était sur son épaule. Elle aimait bien les paroles de son mentor, elles étaient mélodiques et poétique, obligeant l'élève à se creuser un peu la tête pour trouver la réponse, chose importante lors d'un apprentissage. Elle prit une feuille venant de l'une des branches de l'arbre pour s'en faire un marque page avant de fermer son livre et de le poser à coté d'elle.

- Ce qu'il voulait dire est un peu ce que je t'avais expliqué la dernière fois : tes sentiments influeront sur l'utilisation de ta magie. Tu n'étais pas vraiment triste mais tu trouvais injuste qu'il meurt seul sur le sol, attendant la mort. Tu n'étais pas vraiment en colère non plus, mais tu ne voulais pas que ce petit oiseau meurt et pas les autres. Tes sentiments intérieurs ont influencé sur ta magie pour que cet oisillon puisse reprendre son envol. C'est ce que j'ai appris et compris

Elle posa doucement sa main sur sa poitrine en souriant, les yeux fermé.

- Ce qui compte initialement, ce n'est pas la quantité de magie en nous, ni notre élément, ni notre race ou quoi que ce soit d'autre. Ce qui compte, c'est le cœur. Un cœur ayant la volonté de réussir, qu'il soit bon ou mauvais ou même neutre, finira toujours par rencontrer la magie. Ensuite, le plus important est l'entrainement. Une fois les deux assimilé, même le plus faible des êtres vivants peut devenir un puissant mage.

Elle rouvrit les yeux et sourit de toute ses dents à la jolie dragonne, posant ses mains sur ses cuisses.

- Tu as pu utiliser ta magie comme tu le voulais car tu n'as fais qu'un avec ta magie, tu as mis tout ton corps et ta volonté dans cet envie d'aider ce pauvre petit oisillon et ça a marché. Cela prouve bien qu'en plus d'être très jolie, tu as un cœur des plus doux et chaud.

dragonnette et l’elfe devisaient calmement quand elles entendirent un cri long et plaintif. Porté par le vent, il venait de loin, probablement de la tête de la caravane. Leurs oreilles s’étaient orientées vers cette direction (c’étaient l’une des capacités physiques qu’elles partageaient).

Passé les premiers instants de surprise, Azurellia et Ysis attendirent en silence. La furry s’était dressée sur le rocher sur lequel elle était installée. Elle inspira et se prépara à parler, à dire que ce devait être une altercation déjà terminée, lorsque la brise lui apporta des bruits plus significatifs. Des cris, des chocs, des craquements…

Elles n’étaient pas loin de la caravane, mais elles étaient cachées dans un bosquet, plus proche des dernières charrettes que des pisteurs et éclaireurs placés en tête.
Azure regarda Ysis avec un air paniqué, les oreilles baissées et les griffes crissant sur la pierre. Ses ailes frémissaient. Elle ne savait pas quoi faire…



[ @Ysis : on va laisser Blehris se placer, tu peux répondre après ? @Blehris : voilà, t’as le contexte ! Tu te mets où tu veux, tu inventes ce qui te plait !]

Le combat faisait rage à l'avant de la caravane, plusieurs gardes et éclaireurs étaient engagés au corps à corps et n'arrivaient que difficilement à tenir tête à leurs assaillants. Soudain une hache traversa le champ de bataille et alla se planter dans le dos de l'un des bandits, qui poussa un cri de douleur. Surpris par ce coup inattendu, il laissa une ouverture dans sa défense, laissant ainsi la possibilité à son adversaire de lui porter un coup fatal. Blehris s'approcha en grommelant pour reprendre sa hache du corps du défunt brigand et se tourna vers le jeune éclaireur à qui il venait de faciliter le combat.

« Dépêche toi de prévenir le reste de la caravane ! On n'a pas de temps à perdre ! cracha-t-il, Dit leur de se tenir prêt, car il est possible que d'autres arrivent de l'arrière de la caravane ! »

Le jeune éclaireur fit un hochement de tête presque indiscernable, tant il fut surpris par la violence qu'il y avait dans la voix de son sauveur, et commença à courir. Blehris le retint par le bras.

« Oh ! Et dit leur aussi que l'on a besoin de renfort, parce que ça commence à devenir compliqué par ici. »

L'éclaireur partit en hâte, laissant derrière lui les bruits du combat. Blehris se retourna, prit une hache dans chaque main et se lança dans la bataille en hurlant. Pendant sa course il se demandait si les potentiels renforts arriveraient à temps, car les brigands étaient tout de même en surnombres et leur tenir tête avec si peu de personnes risquait d'être compliqué. Après avoir aidé deux autres de ses frères d'armes avec ses haches, il dégaina son épée et commença à distribuer des coups.

« Avec moi ! Transformons ces fumiers en tas de viandes sanguinolents ! »

[@Ysis : réponds quand tu reviens! Je tâche de rester vague à ton sujet pour te laisser libre de tes actions ! Je fais avancer le jeu pour ne pas décourager le petit ^^]



Azurellia était dans un état second. Il lui semblait que le temps se dilatait et se contractait au fil des secondes. Elle avait entendu ce cri, puis la rumeur d’une bataille, ses griffes crisser contre la roche, et maintenant, les hurlements de l’échauffourée se faisaient plus proches. Mais qui s’était déplacé le plus vite ? Les combattants, ou la dragonnette ?

Tout se débloqua en elle lorsqu’un Lendas tomba sous ses yeux. Il s’agissait d’un amuseur de rue, son corps et sa repartie aussi agiles l’un que l’autre. Mais il était trop peu équipé, et pas assez entraîné, pour tenir un combat rapproché avec la brute qui lui faisait face.

La brume d’indécision s’évapora, éclaircissant son esprit.

Azurellia n’avait jamais eu à prendre part à une telle bataille. Surpris, désordonnés, les caravaniers se laissaient entraîner dans des corps à corps, et les gardes qui devaient les protéger faisaient face à plusieurs fronts.

Leurs assaillants étaient nombreux, et bien décidés à faire un carnage… elle ne pouvait pas rester sans rien faire !

La furry prit pour cible la brute qui avait achevé l’acrobate. Muni de gantelets de cuir agrémenté de piques, il avait fait une bouillie sanglante de son visage et s’apprêtait à chercher une autre victime. Un cheval sans cavalier, humant l’odeur de la mort, s’affola non loin de lui.

Azurellia relâcha une bourrasque de vent sur le ruffian, ayant l’intention de le coller à terre, mais atteignit le cheval qui se cabrait. L’animal perdit l’équilibre et écrasa la brute. Un cri de souffrance, un torrent d’insultes et il rendit son dernier souffle tandis que l’équidé se tordait pour se relever.

Les animaux… ils pouvaient servir ! La dragonne saisit le petit couteau à sa ceinture et se rua sur l’attelage de bœufs le plus proche. Elle s’employa avec énergie à les libérer de leurs entraves, et sauta sur l’un des bovins.

Azurellia le griffa avec véhémence de ses quatre pattes et hurla dans ses oreilles pour lui faire peur. Le bœuf réagit instantanément et se mit au galop, et elle lui saisit la tête pour le diriger là où elle voulait, à savoir vers un autre assaillant droit devant elle, plus loin.

Le voleur visé, prévenu par le cri d’un congénère, se retourna trop tard. Il eut donc la surprise de voir une sorte de chimère hurlante mi-bovin mi dragon, lancée à pleine vitesse, les ailes déployés, qui avait remonté la file des caravanes pour lui foncer dessus.

Malheureusement, son sabre s’enfonça de lui-même dans le poitrail du bestiau, qui le piétina et eût la satisfaction de mourir après lui.

Azurellia dût quitter sa monture improvisée. Et elle avait lâché son couteau tout à l’heure…

La dragonnette tourna sur elle-même, menaçante avec ses ailes déployées et des crocs découverts, mais personne ne s’en prenait à elle dans l’immédiat.

-Prends-lui son arme ! Tire-la du bœuf ! entendit-elle à un jet de pierre d’ici.

Un Lendas lui faisait signe. Elle reconnaissait ce type… jamais en retard quand on mettait en perce un tonneau de bière, buvant jusqu’à la déraison, le regard méfiant envers tout et tout le monde. Il était probablement mercenaire et ne lui avait jamais adressé la parole à part pour lui demander une chopine supplémentaire. Azurellia regarda autour de lui et trouva plusieurs corps. Il était efficace…

Elle choisit de l’écouter, et s’arc-bouta sur le cadavre pour récupérer l’épée du voleur. Il avait des mains épaisses et la poignée était recouverte d’une bande de cuir, qui arrangeait bien la dragonnette car ses griffes ne lui permettaient pas de saisir fermement des objets trop fins.

Voilà, elle était armée et prête à défendre les siens… elle était pleine d’un sentiment de colère, et voulait venger les siens. Enfin, elle se sentait appartenir aux Lendas…

Au début, Ysis n'y avait pas prêté attention. Un cri ne voulait pas forcément dire qu'il y avait quelque chose de grave, cela aurait pu être une femme qui avait vu une araignée. Mais cela changea bien rapidement lorsqu'elle entendit plusieurs autres cris de terreur entrecoupé par des fracas de métal. Elle se dépêcha de se relever et de se mettre debout sur le rocher au coté d'Azurellia. Et elle vit le carnage qui faisait rage.

Elle voyait le sang couler, elle voyait les corps tomber, elle voyait les sourires sauvages de ces envahisseurs qui pillaient sans la moindre pitié leur provisions. Elle était bouche bée, les yeux écarquillés. Et quand elle vit le corps défiguré de son pauvre ami amuseur de galerie s'écroulé non loin d'elle, sa respiration se bloqua sur le coup. Mais elle sentait dans son corps une chaleur qu'elle n'aimait pas … une chaleur qu'elle ne contrôlait pas … mais une chaleur qu'elle laissa exploser : sa rage.

Ses yeux semblaient s'effilés, comme les pupilles d'un félin sur sa proie et elle encocha rapidement une flèche à son arc, tirant un peu plus sur la corde que d'habitude. Et elle fila, recouvert d'une fine magie de vent qui l'empêchait de ralentir à cause du vent, avant de transpercer la tête d'un des brigands, le faisant tomber lourdement à terre.

Je vous interdis de me prendre ce que j'aime une fois de plus ! Hurla t elle à plein poumons, ne cachant pas sa colère.

Elle tira le plus de flèche possible, ne laissant pas ses pourritures avancer trop près d'elles. Elle aperçut alors la dragonne utiliser les animaux de la caravane pour repousser les adversaires. Très bonne idée ! D'un bond, elle alla debout sur le dos d'un bœuf et lui piqua la croupe de la pointe d'une de ses flèches, ce qui le fit partir au galop. La pluie de flèche continua, et aucun des voleurs n'avait l'intention de foncer tête baissé face au bovin lancé à pleine vitesse.

Voyant que sa monture de fortune commençait à quitter le champ de bataille, Ysis sauta de son dos pour rouler sur le sol et retourner sur ses pieds. Et ce fut à ce moment précis que l'un d'entres eux fonça sur elle, épée brandie au dessus de sa tête. Sa lame s'abaissa brusquement vers la jeune elfe qui ne perdit pas de temps et plongea sur le coté pour éviter l'assaut, avant d'encocher vivement une flèche et de tirer en plein dans son œil.

- N'espère même pas me toucher au contact avec cette vitesse, raclure ! Cracha t elle entre ses dents.

Elle se dépêcha de rejoindre son ami à écaille ainsi que le jeune Lendas qu'elle avait croisé quelques fois. Elle savait qu'elle pouvait se débrouiller seule mais elle préférait savoir ses arrières couvert par ses alliés, histoire d'éviter les mauvaises surprises.

Restons groupé ! Si on se sépare, ils vont nous encerclé un par un et on n'aura plus aucune chance ! S'exclama t elle pour ces deux alliés, tirant une flèche par dessus l'épaule d'Azuriella qui alla se loger dans le ventre d'une brute.

Ce fut alors qu'un son de cor raisonna non loin d'ici et les voleurs semblaient réagir au son de ce dernier. Certains s'écartèrent un peu et laissèrent passer un immense furry aux allures d'ours brun et aux muscles saillants s'avancer vers eux. Vu la carrure du bestiau, c'était sans nul doute le chef des brigands. Ysis se mit davantage sur ses gardes, reniflant doucement l'air.

- De la poudre … lacha t elle entre ses dents.

« Elle est plus maligne qu'elle en a l'air » pensa Blehris quand il vit la jeune furry se servir du bétail comme monture pour combattre les brigands. « Mais elle manque tout de même de savoir faire ».

Puis soudain il entendit un cri, c'était une jeune elfe de la caravane. Elle crachait des insultes aux bandits pendant quelle les expédiée dans l'autre monde à l'aide de ses flèches.

« Tant de haine, c'est effrayant » fit-il dans un souffle. Mais plus important, le combat n'était pas terminé.

Il se retrouva, par le plus grand des hasards, dos à dos avec la dragonne et l'elfe, et entendis cette dernière dire qu'il y avait une odeur de poudre qui flottait dans l'air. « De la poudre ? » S'enquit Blehris, peu familier avec cette matière qui avait la fâcheuse tendance à exploser au contacte du feu. « Pourquoi auraient-ils de la poudre ? Que vont-ils en faire ? » Il avait perdu son visage sûr et semblait quelque peu désorienté par cette annonce. Mais très vite sa peur s'envolât quand il vit l'énorme furry aux allures d'ours. « Quelle créature immense ! Enfin un vrai défi ! » fit-il avec un sourire étrange, n'importe qui qui aurait vu son visage à ce moment-là aurait cru voir un fou, mais Blehris savait ce qu'il faisait, ce n'était sans doute pas la première fois qu'il avait  affaire à une créature de cette taille et ce ne serait sans doute pas la dernière.

Et soudain, il se mit à charger l'ours. La bête le vit lui courir dessus et se prépara au combat. Elle tenta de lui assener un violent coup, Blehris fit une roulade et passa sur le flanc du furry et lui entailla violemment la jambe. L'énorme créature fit volte face et émit un grognement puissant. Blehris fit un léger salut et se mit en position, près à agir dans n'importe condition, et dit à son adversaire, « La mort est la seule chose qui déterminera l'issue de ce duel... La mienne, ou la tienne ! »

La vision d’ Azurellia s’était réduite à un couloir dans lequel elle ne voyait que les dangers immédiats. Elle se servait de l’épée comme d’un marteau, sans délicatesse, frappant tout se qui se présentait face à elle. Plusieurs assaillants qui arrivaient dans son dos furent transpercés par les flèches d’ Ysis, sans qu’elle s'en rende compte.

La route était assez large pour que le mercenaire, l’archère et la furry combattent, à quelques mètres d'écart. Ysis utilisait son arc et sa magie. Le soudard réceptionnait, achevait et empilait ses cadavres tout en combattant ceux qui arrivaient de son côté. La dragonnette, placée un peu en avant d’eux, déployait largement ses ailes. Quand les ruffians ne fonçaient pas sur ses alliés face à cette vision d’écailleuse enragée, ils finissaient sous son épée, car il avaient beau être un peu plus courageux pour l’affronter face à face, il fallait une certaine expérience pour éviter tous les pièges de cette machine à tuer. Un coup de queue les mettait à terre, une main apparemment désarmée raclait leurs côtes… Les griffes de ses ailes lui servaient également à érafler les têtes pour les aveugler dans leur propre sang, crevant leurs yeux ou abîmant leurs épaules sans protection.

Soudain, Azurellia se retrouva vit un arbalétrier, à une cinquantaine de mètres. Il avait poussé ses comparses au casse-pipe le temps de recharger son arme, et à présent, il prenait le temps de la viser, à une distance confortable pour lui. Une seconde, elle eut peur de ne rien pouvoir faire d’autre que mourir, mais une flèche siffla à son oreille pour se ficher dans l’abdomen de son adversaire. Les yeux encore dilatés par la peur, la furry tourna la tête à demi et adressa un signe à son amie, enfin consciente de la raison pour laquelle elle était toujours en vie. La rage du combat retomba...

La dragonnette bleue avait reculé près d’ Ysis, et le combat avait mené le mercenaire à se rapprocher de la même façon. Il y avait à présent moins de candidats au combat que de Lendas armés. Ils avaient pu tenir assez longtemps pour que les autres gens d’armes viennent en aide à la caravane.
Les Fils du Vent étaient un groupe de voyageurs rôdés. Ils ont été pris par surprise, attaqués par des adversaires plus organisés que leurs tenues misérables et dépareillées ne le laissaient paraître. Et maintenant, ils faisaient payer cher cet assaut. Tous avaient une arme à la main. Les moins aptes au combat s’étaient rassemblés non loin de la route, chacun forçant un cheval à les suivre. Ils défendraient chèrement leur vie et leurs richesses…
Un son de cor, grave, constitué d'une seule note, suspendit les combats dans l’air. Les voleurs rompirent leur assaut, et bien vite, un cri sauvage fit vibrer les tympans de tout le monde.

Azurellia avait d’abord dressé ses oreilles pour capter la source de ce grondement, puis en voyant une masse immense de poils rompre la foule, les avait rabattues à l’arrière de son crâne. Un autre furry… il balançait ses grosses pattes avant griffues pour écarter ceux qui se trouvaient sur son chemin, sans distinction pour leur camp.

Une deuxième fois, l’ours rugit, leur faisant clairement entendre un défi. Il était vraiment énorme… comme si l’on avait ajouté une carrure d’ours par-dessus le plus fort de tous les hommes.
Ysis et le mercenaire avaient évoqué de la poudre à mi-voix, et notaient à présent le challenge que représentait ce formidable combattant. Nul doute que l’assaut se terminerait s’ils parvenaient à le défaire.
Azurellia sentait aussi cette odeur, un peu piquante, un peu désagréable, qui s’ajoutait aux effluves de sang et de mort flottant sur les lieux de l’embuscade. Mais toute son attention était focalisée sur ce confrère poilu…
Les rustres des bois ricanaient, prenant leur inactivité pour de la peur. L’ours les observait de ses petits yeux où perçait une intelligence sournoise. Il rugit une troisième fois, se dandinant sur deux pattes pour faire trembler le sol. Il croyait les faire fuir… il eut tort !

Azurellia avait repris son souffle suite à cette interruption, et lui fit entendre une réponse aussi sauvage. Ses ailes se déployèrent pour lui donner plus de prestance, heureusement, ses deux compagnons avaient anticipé cette réaction. Son cri tenait plus de l’oiseau que du fauve, un octave plus haut. Son corps était ramassé comme celui d'un cobra qui s'apprête à frapper.

Le mercenaire fut le premier à charger, et l’ours se remit à quatre pattes pour le recevoir. Même ainsi, il pouvait le toiser… c'était un monstre qui terrifierait les petits Lendas pendant des décennies.
La dragonnette s’élança peut après que le premier sang fut versé. Elle ne voulait pas laisser celui qui était devenu son frère d’armes affronter seul un adversaire pareil. En effet, le furry ours avait titillé quelque chose dans la tête d’Azurellia, un instinct primal qui la poussait à réclamer du sang, à déchirer les chairs, trancher les membres et briser les os, quelque chose qui colora sa vision de rouge et lui fit perdre tout sens commun… pourvu qu’elle maintienne un minimum de bon sens et ne frappe pas les deux assaillants dans sa rage aveugle ! Mais aussi… pourvu que son inexpérience ne mette pas en danger le mercenaire !

Arrivée à dix mètres du duel, Azurellia se ramassa sur ses quatre pattes et bondit. Ses ailes claquèrent et la portèrent une petite seconde avant qu’elle ne touche la fourrure du monstre. Toute à sa furie meurtrière, elle ne remarqua pas du tout que c’était la première fois qu’elle planait…

Le furry ours avait remarqué son arrivée et la cueillit d’un coup circulaire à la tête. Elle tomba dans la poussière de la route, mais loin de la décourager, ce coup décupla sa colère et elle repartit aussi sec au contact, le feinta et réussit à s’accrocher dans les poils de son dos. Elle écarta les mâchoires pour le saisir à la nuque, mais elle eut beau serrer de toutes ses forces, elle avait plus de poils que de sang dans la bouche… mais elle tenait bon.

Elle n'avait pas eu le temps de dire à Azurellia de se calmer qu'elle était partie aidé le jeune homme avec le puissant furry ursidé. Il fallait dire qu'il avait une taille des plus imposantes, il devait facilement faire deux bon mètre quarante. Le plus étrange dans cette histoire, c'était que tout le reste des bandits ne bougeaient plus, un sourire malsain aux lèvres.

Ysis leva une nouvelle fois le nez pour sentir encore cette odeur âcre de poudre noire. Sauf que cette fois, elle comprit une chose : ce n'était pas ce furry qui l'avait mais bien ses sbires. Elle regarda rapidement autour d'elle, se mordant doucement la lèvre. En effet, elle aperçut de son regard perçant des formes rondes avec une petite mèche qui dépassait.

- Génial, des bombes … Ils sont un peu trop organisé à mon goût, dit elle tout bas, bandant son arc avant de tirer une flèche sur l'immense créature.

La flèche siffla entre ses deux alliés avant de s'enfoncer de quelques centimètres dans l'épaisse peau de l'ours qui poussa un hurlement bestial des plus retentissant, terrifiant animaux et oiseaux. Évidemment, ça n'aillait pas être aussi simple de abattre, elle était obligée de garder un œil vers les autres bandits pour être sûre qu'ils n'allaient rien faire de plus que de regarder. Car s'ils commençaient à envoyer leurs bombes sur eux, ça allait très mal finir. Mais ils ne faisaient rien, pensaient ils que leur chef pouvaient se débarrasser du reste des résistants pour ensuite pouvoir piller à leur guise le camp.

- Espérons que cela dure jusqu'à la fin, lâcha t elle entre ses dents, bandant une nouvelle fois son arc, prête à tirer.

Mais cette fois ci, elle n'eut pas l'occasion de le faire. L'ours, plutôt mécontent d'avoir reçu une flèche dans le poitrail, même si sa graisse naturel, épaisse, l'avait arrêté, fonça sur elle pour donner un coup de griffe latéral en sa direction. Heureusement que la petite elfette était petite et rapide car elle eut tout juste le temps de plonger sous la bête, glissant entre ses jambes, pour finalement tirer sa flèche dans son dos, s'enfonçant un peu plus, le laissant hurler de douleur.

Ysis se dépêcha de se relever, se plaçant derrière ses compagnons, bandant encore une fois sons arc aussi fort qu'elle pouvait, mais elle ne tira pas tout de suite, le vent commençant à souffler autour d'elle.

- Il va me falloir du temps avant de pouvoir envoyer cette flèche là, je vous fais confiance pour le blesser et le retenir le plus longtemps possible, dit elle à ses compagnons avant de regarder son amie à écaille. Azu, respire un grand coup, te laisser dominer par la colère risque de te tuer. Tu dois te calmer pour pouvoir contrôler le vent qui est en toi.

[le prochain qui voit, il répond!]


Azurellia entendit clairement les paroles d' Ysis, malgré la clameur du combat. Le vent était venu porter ses conseils directement dans ses oreilles, ce qui eut le don de modérer quelque peu ses ardeurs.
La dragonnette reprit ses esprits en fronçant les sourcils et secouant la tête. Mais qu'est-ce qui lui était arrivé? Elle n'était pas du genre à foncer ainsi, tête baissée vers le danger... ou, peut-être que si!
A présent, elle se contentait de s'accrocher dans le dos du furry ours. Peut-être que le mercenaire occupait son attention à ce moment-là, car il eut l'amabilité de ne pas s'ébrouer pour lui faire lâcher prise.
Depuis son perchoir, Azurellia n'avait pas beaucoup de temps pour réfléchir. En revanche, elle voyait très bien la bande de ruffians qui les observait... Elle prévint son amie elfe dès qu'elle remarqua qu'ils gesticulaient un peu trop.

- Ysis, derrière toi! Ils préparent quelque chose!

Elle ne put en dire plus, l'ours sur lequel elle était juchée se rappela du moustique dans son dos et soudain, il lui fallut toute sa concentration pour ne pas se faire éjecter. Leur partenaire de combat lui avait placé quelques bons coups d'épée supplémentaires, et le furry ours en était finalement venu au fait que non, ses adversaires n'allaient pas s'enfuir à sa simple vue, qu'il devrait les tailler en pièces pour qu'on le laisse tranquille.

L'affreux poilu tenta de déloger Azurellia à coup de patte. Ayant senti le coup venir grâce au roulement de ses épaules, elle passa prestement sur l'avant de l'ours, en s'accrochant à sa fourrure. Elle fit ainsi le tour de la bête, priant pour que Blehris ne lui décolle pas les écailles.
Ce faisant, elle mit un bon coup de griffe sur la truffe délicate du bestiau. Cela lui arracha un petit bout de chair et un cri de souffrance monstrueux. Mais, vive comme une vipère, Azy était déjà hors de portée, de retour dans son dos... pour combien de temps encore?

Blehris fit quelques pas en arrière, se plaçant hors de portée de la bête ne faisant pas attention au fait que celle-ci se débattait avec la dragonne. Il émit un grognement et regarda son épaule gauche, aucune entaille, mais la douleurs était bien présente. Il se demanda comment il n'avait pas vu arriver la main énorme du furry. Le coup qu'il venait de recevoir était le premier de ce combat et mieux fallait pour lui que ce soit le dernier vu l'état pitoyable de son bras gauche.
Le mercenaire essaya de le faire bouger, mais la seule chose qu'il arriva à faire est d'accroître la douleur qu'il ressentait.

« Merde, cracha-t-il, j'espère qu'à rien de cassé. »

Reprenant ses esprits, Blehris leva la tête et regarda rapidement autour de lui, il n'avait pas remarqué jusqu'à présent l'attitude des brigands. Une partie s'était détaché du gros du groupe et semblait vouloir s'en prendre à la jeune elfe, tandis qu'une autre devait repartir continuer ce qu'ils avaient commencé. Le reste des bandits resta là à regarder le combat, tout en poussant des hurlements bestiaux.

« Y'en a qui partent vers le reste de la caravane ! »


Quand le vagabond se souvint qu'il avait toujours un combat à finir, il se concentra à nouveau sur le furry disproportionné, ce dernier était toujours en train de chercher à attraper la jeune furry qui faisait des tours sur le corps du géant et semblait avoir totalement oublié qu'il y avait un dangereux combattant à devant lui. Blehris profita de cette occasion pour contre-attaquer, il prit une posture étrange dut à son épaule blessée et asséna un violant coup dans le genou de son adversaire qui poussa un cri monstrueux et fut forcé de poser le genou à terre. Surpris par cette attaque inattendu le furry ne fit aucun mouvement envers Blehris ce qui lui permit de porter une violente attaque sur le flanc de l'ours et de passer derrière lui prêt à continuer ses attaques.

« Finissons-en avec celui-là et allons aider les autres ! »

L'exclamation du mercenaire disant que leurs ennemis faisaient machine arrière vers la caravane fit comprendre à Azurellia qu'il fallait se dépêcher. Lorsque le furry ours fut déséquilibré à cause du coup d'épée de son partenaire de combat, la dragonne ne put que se laisser tomber à terre, en lacérant le dos poilu pour la bonne mesure.
Prenant conscience du fait que ses griffes pouvaient lui être utiles encore une fois, Azurellia mit toute sa volonté dans un coup qui touchait l'arrière de la patte postérieure encore valide du monstre. Elle transperça la peau moins épaisse à cet endroit comme si ses doigts étaient prolongés de petits poignards, et les sentit crisser contre le cartilage.
Cela eut un bel effet sur le furry ours, qui se mit à paniquer sérieusement. Il voulut se retourner, mais déjà en équilibre précaire, il ne put que tomber vers l'avant. La dragonne retira sa main vivement et s'écarta d'un bond en arrière avec un rugissement de défi.

Le mercenaire humain et la furry constatèrent que leur formidable adversaire était devenu incapable de se déplacer. Ils échangèrent un regard satisfait, mais entendirent une clameur derrière eux.
Ysis, l'archère, s'était déjà portée à la poursuite des mécréants qui comptaient faire sauter les chargements de la caravane, et elle avait certainement besoin d'eux.

Azurellia se mit à courir à sa rencontre, certaine d'être suivie par le combattant... il était temps d'en finir avec ces ruffians!

Leur atout mis en déroute, les brigands ne tardèrent pas à fuir en emportant tout ce qu'ils pouvaient. Le mouvement des premiers entraîna les autres, en laissant les plus mal en point sans un seul regard. Certains Lendas se ruèrent à leur poursuite, mais Azurellia n'était pas de ceux-là. Elle répugnait à achever le furry ours et à tuer encore, car elle s'était rendue compte subitement que c'était ce qu'elle venait de faire, et un certain nombre de fois qui plus est!

Azurellia tâcha de respirer profondément pour ne pas paniquer à la vue de ce massacre qui lui en rappelait une autre, enfoui dans sa mémoire.

La rumeur fracassante des combats laissa la place à un concert de gémissements qui finit par sortir la dragonne de sa torpeur. Remisant sa fatigue soudaine à un second plan, elle se dévoua de son mieux à soigner les blessures des Fils du Vent qui se trouvaient le plus près d'elle. Certains étaient entiers mais grandement choqués, et elle ne pouvait rien faire d'autre que leur tapoter l'épaule, compatissante.
Elle fut elle-même grandement choquée en remarquant son maître cuisinier en train de pleurer sur l'intendante. Sa peine semblait si déchirante qu'elle ne réussit même pas à l'approcher.

Azurellia se concentrait sur les vivants en évitant de regarder les morts. Le plus difficile, c'était parfois de faire la différence entre les deux... des combattants avaient été piétinés, certains avaient perdu un membre ou deux, les moins chanceux dans la bataille se retrouvaient avec des plaies abdominales que la dragonne ne pouvait soigner en raison de son pouvoir limité.

Pour le moment, elle ne faisait pas le compte des dégâts matériels... ils étaient pourtant conséquents. La plupart des bêtes s'étaient enfuies en brisant leurs harnais dans leur panique, des chariots étaient retournés, brisés, leur contenu se répandait sur la route. Les provisions étaient introuvables ou inutilisables.

Les Lendas étaient partis avec un effectif proche de la centaine, avec quelque chose comme vingt ou trente combattants parmi eux. Le reste comptait les familles des négociants, qui ne laissaient jamais personne derrière eux à moins qu'ils ne l'aient expressément formulé : c'était ainsi qu'ils fonctionnaient, la vitesse de la caravane leur importait peu.
A présent, ne restaient qu'un petit tiers des effectifs, principalement ceux qui étaient en état de combattre, et quelques chanceux qui s'étaient découverts des trésors de pugnacité, comme Azurellia.

Azurellia qui s'épuisait à vouloir soigner le plus de monde possible... étrangement, si son énergie venait à manquer, elle se rendait compte que ses soins devenaient plus efficaces. Cela était peut-être dû au fait qu'elle enchaînait comme jamais les blessés.

Une silhouette inconnue se profila alors qu'elle terminait de ressouder les bords déchiquetés d'une vilaine plaie à la jambe d'un mercenaire, évanoui sous le traitement. Azurellia sentit un regain d'adrénaline pulser dans ses veines et se releva brusquement en criant. Malheureusement, elle avait présumé de ses forces, et plutôt que de se jeter comme une furie sur l'ennemi, elle alla tomber quelques pas plus loin dans les bras d'un furry tigré surpris!

En d'autres circonstances, Azurellia aurait certainement ri du ridicule de la situation, ainsi lovée dans les bras d'un inconnu. Sauf que là, après l'attaque, après les soins qu'elle avait apportés aux caravanier, sans répit, elle ne vit que sa maladresse, son inconscience, son épuisement, son manque de discernement ; et tous ces reproches qu'elle s'adressait en son for intérieur la firent pleurer à chaudes larmes dans la fourrure du furry qui l'avait rattrappée.
Car c'en était trop pour elle, trop de violence, trop d'émotions, et bien sûr, trop de morts et de blessés autour d'eux.

D'une façon curieuse, elle se sentait bien, à moitié avachie à terre, le corps serré par l'inconnu qui l'avait retenue dans sa propre chute. Il avait d'emblée porté ses pattes à des endroits rassurants, sans être incommodé par ses ailes, et il la berçait presque, en attendant que ses yeux aient vidé leur trop-plein d'émotions.

Azurellia pleura longtemps, du moins ce fut son impression. Son embrasseur inconnu supporta ses larmes avec patience, en chuchotant quelques phrases, probablement issues d'un texte ancien, qui devaient traduire son état d'esprit actuel.

Lorsqu'enfin ses yeux furent secs, la dragonne se sentit vidée, mais un peu plus sereine. Elle savait que les prochains jours seraient difficiles, mais elle était vivante, et ne devait pas gâcher ce présent qui avait été retiré à tant d'autres.
Azurellia remua un peu, puis se décrocha lentement des bras du furry tigre. Elle se retrouva à genoux devant lui qui reposait toujours sur son séant.
Elle put l'observer calmement, le temps d'enregistrer dans sa tête les lignes noires et blanches qui dessinaient un motif particulier sur la fourrure fauve. Une gueule puissante, des yeux dorés, calmes et attentifs, des oreilles rondes qui frémissaient face au vent. Il avait une belle stature, avec son équipement de cuir durci. Azurellia lui sourit en baissant le museau :

- Navrée d'être tombée sur vous... vous êtes aussi en route vers Adalcoa?

Il n'était clairement pas de la compagnie puisqu'elle ne l'avait ni senti ni croisé auparavant.

Leur environnement revint agresser les sens d'Azurellia, qui plissa le museau en baissant les oreilles tristement.

- Il va falloir des bras pour rassembler les... les corps. C'est important de faire ça vite pour ne pas attirer les prédateurs et charognards. Nous devons avoir... *lève les yeux vers la cime des arbres* encore une ou deux heures de lumière avant que le soleil ne soit trop bas pour nous éclairer. Vous... vous voulez bien aider ceux qui vont le faire?

Azurellia réintégrait peu à peu des informations essentielles à la caravane. Beaucoup de morts, étalés tout le long de la caravane, nécessitant un bûcher ou une sépulture rapide. Rassembler les vivants, les blessés valides et les blessés graves, puis inventorier ce qui restait de leur possessions. Trouver de l'eau et de la nourriture pour chacun. Calculer combien de temps prendrait le trajet jusqu'à la capitale elfe... la dragonne regarda autour d'elle, perdue. Qui serait capable de prendre la tête des survivants?